Mon vœu érotique pour 2018
La Terre a survécu à l’année 2017 !
Chère lectrice, cher lecteur,
Malgré le chômage, les attentats islamistes, la Corée du Nord, le réchauffement climatique, la déforestation, l’Iran, Trump, Zika, Harvey Weinstein, la folie financière, le bitcoin et la tempête Carmen, la Terre et l’humanité ont survécu à 2017 !!
Alors bravo à tous, et bonne année 2018 !!!
Je plaisante à peine.
En réalité, pas plus qu’un autre, je ne sais ce qui va arriver à court terme.
Mais je vais malgré tout formuler un vœu pour 2018, à chacun de mes lecteurs, et chacune de mes lectrices : que l’année 2018 soit une année… érotique.
Vous vous demandez peut-être ce qui me prend.
Vous allez voir, c’est très clair.
Cela va faire 50 ans que Gainsbourg et Jane Birkin chantaient « 69 année érotique ». Mais les choses se sont profondément dégradées ces derniers mois avec l’affaire Harvey Weinstein, ce producteur d’Hollywood poursuivi par des dizaines de femmes, et le mouvement « Balance ton porc » sur Twitter.
On est en train de tuer l’amour.
Pourquoi il faut souhaiter que l’année 2018 soit érotique
Les hommes et les femmes normaux, qui n’agressent ni ne violent personne, sont en effet les victimes innocentes des dérives sexuelles d’une minorité de « cochons » mal élevés qui se croient tout permis.
A cause des abus de quelques-uns, la suspicion, la méfiance, sont en train de gagner la société tout entière, au point qu’il devient de plus en plus problématique de se rencontrer, se parler, se séduire, sans s’inquiéter d’être un jour sanctionné par des dénonciations non méritées.
Tous les hommes sont, à leur façon, des détraqués
Dans mes années de maternelle, il y avait des garçons qui aimaient tenir des propos dégoûtants, faire des gestes obscènes, soulever les robes des petites filles, et la maîtresse avait le plus grand mal à les en empêcher.
Plus tard, vers l’adolescence, la conversation principale en cours de récréation portait sur l’accomplissements par certains garçons de la classe, particulièrement « avancés », d’expériences sexuelles sordides.
Quant aux autres, les garçons polis, bien élevés, il est évident que certains, sous des allures discrètes, cultivaient aussi des désirs et des mœurs discutables.
Tous les hommes ne sont-ils pas, à des degrés divers, des détraqués sexuels ? Les femmes en tout cas doivent faire preuve de la plus grande vigilance pour distinguer celui qui est bien intentionné, de celui qui ne l’est pas.
Beaucoup d’hommes sont sournois et prêts à tout pour parvenir à leurs fins, en particulier à mentir. Bien souvent, la femme ne découvre la vérité que lorsqu’il est… trop tard.
Tout ceci pour dire qu’il est dur, et risqué, d’être une femme !
C’est pourquoi beaucoup de civilisations n’ont pas trouvé d’autres solutions à ce désir charnel prétendument irrépressible des hommes que d’enfermer les femmes chez elles, dans une hutte ou une case ou dans des harems fermés par de hauts murs. Elles ne peuvent sortir qu’accompagnées de leur père ou leurs frères, habillées de vêtements protecteurs.
En Occident, la sécurité des mêmes femmes a longtemps reposé sur une éducation stricte dès le plus jeune âge, des règles de morale intransigeantes, sans oublier un appareil de police et de justice sophistiqué et répressif contre les hommes incapables ou non-désireux de se maîtriser.
Tout ceci est le mauvais côté de la médaille du désir sexuel masculin.
Mais il y a l’autre côté.
Le bon côté du désir sexuel
Le désir charnel n’est pas que négatif et pas que masculin.
C’est ce désir qui permet l’érotisme, qui est le couronnement d’une relation amoureuse réussie. C’est alors la plus belle expérience que l’on puisse vivre.
Eros était le dieu de l’Amour chez les Grecs.
Platon le désignait comme « celui qui fait le plus de bien aux hommes », « le plus ancien, le plus auguste, et le plus capable de rendre l’homme vertueux et heureux durant sa vie et après la mort ». [1]
Les plus grands maîtres spirituels et religieux, y compris Jésus et y compris Sainte-Thérèse de Lisieux en plein 19e siècle répressif, expliquaient que « l’amour peut tout », « l’amour déplace des montagnes », « sans l’amour je ne suis rien »…
Vladimir Poutine lui-même, pourtant loin d’être un exemple en la matière, a encore déclaré à la télévision russe dans ses vœux pour 2018 : « Dites entre vous les mots les plus tendres, pardonnez les erreurs et oubliez les ressentiments, acceptez l’amour, réchauffez-vous de soins et d’attention mutuels. »
C’est que l’amour respectueux, intense et authentique est une des expériences les plus folles qui puisse arriver à l’être humain.
L’expérience érotique
Bien menée, l’expérience érotique se rapproche de la magie et du voyage intersidéral.
Les règles de l’apesanteur semblent supprimées. Le temps s’arrête. Les corps s’emmêlent au point de ne plus faire qu’un. Les sensations, les odeurs donnent le tournis, puis le vertige, avant de vous faire oublier qui vous êtes, où vous êtes, ce que vous faites, pour devenir pure sensation de volupté infinie.
Au plus haut de la passion, deux amants passeront plusieurs jours sans manger, sans dormir, absorbés, fondus l’un dans l’autre. Caresses et baisers, promesses et déclarations enflammées, seront leur nourriture, et bien souvent les hommes comme les femmes garderont toute leur vie le souvenir nostalgique de ces moments exceptionnels et délicieux.
J’espère que je ne vous fais pas rougir en évoquant ces sujets.
Ce que qui serait souhaitable, c’est qu’on se préoccupe de savoir comment vivre cette expérience, comment la renouveler, comment éviter de passer à côté.
Transformer l’amour en acte administratif ennuyeux
En effet, pour lutter contre les « porcs » et le harcèlement sexuel banalisé, certains proposent de sortir de l’ambigüité. Ils voudraient qu’on enseigne aux jeunes garçons de toujours s’assurer avant de faire un geste qu’il est dûment autorisé. Dans les Universités américaines, on recommande de signer un contrat précisant exactement ce que l’on est prêt à faire pour se couvrir contre tout risque de poursuite. [2]
Pourtant, s’il faut tout expliquer d’avance, discuter de tout avant de commencer, faire la liste des caresses permises et interdites, l’amour et l’érotisme en sortiront… massacrés.
D’expérience surréelle, la rencontre sera transformée en acte administratif qui perdra tout intérêt.
Les dangers de la transparence
En effet, l’excitation qui fait perdre la tête et la raison ne naît pas dans un cadre clair, transparent, normal.
L’érotisme au contraire s’épanouit dans le clair-obscur, l’incertitude, l’ambiguïté, le trouble des âmes.
On plisse les yeux. On prend des airs énigmatiques. On ne parle plus que dans un souffle…
C’est là que prendre la main, oser un baiser, toucher le genou ou la cuisse, deviennent des instants d’une intensité inouïe.
Car s’il est si intéressant, et excitant, d’aller jusqu’au bout de l’expérience charnelle, c’est justement parce qu’on ne sait pas au départ ce qui va se passer. On ne sait pas ce que l’autre veut, et on ne sait pas ce qu’on veut soi-même.
Il faut un peu trembler, s’inquiéter, se demander ce qui va se produire : « va-t-il oser ? »… « va-t-elle me laisser faire ?? »… « Va-t-on nous surprendre ?? »…
Dans la suite des événements, tout l’art consiste à ne se révéler que progressivement. On dissimule en partie le corps, grâce à des accessoires adaptés, pour le rendre encore plus attirant. Dans bien des cas, il faudra faire mine – pas trop fort – de se refuser avant de s’abandonner.
Enfin les moments de don absolu, de nudité totale, ne valent que dans le secret de l’alcôve, la pénombre, ou la nuit sur le sable chaud, pas sous la lumière des néons.
L’érotisme est l’exact contraire d’un voyage en métro ou RER, sur une ligne que vous connaissez par cœur. Quand tout l’itinéraire est balisé, connu, planifié d’avance, l’expérience érotique perd une grande partie de son intérêt. C’est toujours agréable, certes, mais cela s’apparente plus à un gros câlin avec son nounours.
Supprimez l’ambigüité, le « je t’aime moi non plus », et tout s’affadit.
Non à l’amour en charentaises
J’oserais même aller encore plus loin (attention, ce passage a failli être censuré 😉
Le plaisir extrême ne se rencontre pas sans un brin de force. Cette force n’est pas une violence, une contrainte, mais au contraire le signe de l’extrême attachement, lorsque les mains se crispent, les bras et les jambes se contractent, les muscles se tendent, les ongles s’enfoncent. L’amour intense ne se vit pas en charentaises.
Si vous trouvez que j’exagère, regardez le vocabulaire de l’amour extrême. Il est souvent militaire, ou du moins guerrier ! On parle de « bombe sexuelle », « d’explosion », de « dynamite », etc.
A notre époque du politiquement correct et de l’aseptisation généralisée, on veut faire disparaître cela. A cause de certains hommes grossiers, pressés, sans romantisme, qui veulent tout, tout de suite, et pour qui la séduction ne consiste qu’en des remarques salaces et des propositions indécentes, on voudrait priver tous les couples de cette intensité.
Un « viol » commencera-t-il bientôt dès le premier contact physique ou dès les premières paroles ambiguës ? Va-t-on un jour nous convaincre qu’il ne faudrait pas faire l’amour du tout, car on entrerait alors dans un rapport inacceptable de domination d’un partenaire sur l’autre ?
Les récentes campagnes médiatiques ont eu pour mérite de dénoncer des « vrais » violeurs. Mais l’ouragan de la dénonciation a tout emporté avec lui, sans nuance ni tri.
Ce qui est menacé mortellement, c’est l’amour lui-même. La passion érotique, qui implique en effet une forme de « lutte » tendre entre les deux partenaires.
Oser vivre l’aventure érotique
La résistance, en 2018, sera donc celle des hommes et des femmes qui refuseront l’amour, pasteurisé, javellisé.
Ceux qui, loin de fuir, de se protéger, d’éviter, resteront tournés vers les autres et se tiendront prêts à vivre l’aventure.
Ceux qui continueront à oser se donner totalement, et à vivre l’expérience érotique absolue, sans céder aux menaces, aux chantages des frustrés ou des bien-pensants.
A votre santé, et bonne année 2018… érotique !!
Jean-Marc Dupuis
Sources de cet article :
[1] « Phèdre », Platon.
[2] http://www.femina.ch/societe/news-societe/signer-un-contrat-de-faire-lamour-we-consent