Passeports diplomatiques : la deuxième affaire Benalla qui empoisonne l’Élysée

L’ex-chargé de mission voyagerait toujours avec ses deux passeports diplomatiques, malgré son licenciement pour faute grave. Jean-Yves Le Drian a décidé vendredi de saisir le procureur de la République.

C’est une révélation qui fait tache. Dans un article publié jeudi, Mediapart affirme qu’Alexandre Benalla disposerait toujours de ses deux passeports diplomatiques. L’ancien collaborateur de l’Élysée, licencié depuis cinq mois, après sa mise en examen pour «violence volontaire» sur manifestants le 1er mai dernier, aurait profité de ces précieux sésames pour voyager ces dernières semaines dans plusieurs pays africains et en Israël. Les passeports auraient été délivrés trois semaines après ses dérapages, selon le site d’investigation.

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Le Quai d’Orsay dit avoir réclamé fin juillet leur restitution. «Toute utilisation depuis lors de ces passeports aurait été faite en dépit des engagements pris par l’intéressé», a déclaré jeudi la porte-parole, Agnès von der Mühll. «Le ministère examine les suites à donner, y compris judiciaires», a ajouté le ministère. Vendredi, la présidence a dit n’avoir «aucune information» sur l’utilisation de ces titres par son ex-salarié, assurant avoir demandé au Quai d’Orsay d’en obtenir la restitution dès son licenciement. Mais pourquoi le ministère des Affaires étrangères n’a-t-il pas signalé la non-restitution? Contacté par Le Figaro, le Quai d’Orsay n’a pas donné suite à nos sollicitations. Vendredi, en fin d’après-midi, le ministre Jean-Yves Le Drian a finalement fait savoir qu’il saisissait le procureur de la République.

Point notable, devant la commission d’enquête du Sénat en septembre, Alexandre Benalla avait certifié: «Ils sont au bureau que j’occupais (…) donc je pense que l’Élysée a dû s’en occuper». L’ancien chargé de mission aurait-il menti? Non, réplique l’entourage de Benalla, qui indique vendredi en fin d’après-midi que ses passeports diplomatiques lui ont été restitués «début octobre». Une affirmation vivement démentie par l’Élysée quelques minutes plus tard au Figaro. «Si nous avions les passeports, nous n’aurions pas demandé leur restitution», s’agace-t-on dans l’entourage du président.

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Un voyage d’Alexandre Benalla au Tchad déclenche la polémique
Début décembre, l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron s’est rendu au Tchad en faisant prévaloir son ex-titre selon des informations du journal Le Monde. L’Élysée réaffirme qu’Alexandre Benalla «n’est pas un émissaire» de la présidence.

Voyages en Afrique

L’information de Mediapart intervient alors qu’un voyage au Tchad d’Alexandre Benalla début décembre – quelques jours avant le déplacement d’Emmanuel Macron – interroge. Selon les informations du Monde, il a été reçu début décembre par le président tchadien Idriss Déby et son frère, Oumar pendant plus de deux heures. Son voyage et ses nuits d’hôtel au Hilton auraient été financés par Philippe Hababou Solomon, un homme d’affaires franco-israélien spécialiste de la diplomatie privée en Afrique.

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Les deux hommes se sont rapprochés et ont voyagé en octobre en République du Congo, pays dirigé par le très contesté autocrate Denis Sassou-Nguesso. Ils ont été logés au sein de la résidence présidentielle. Assez pour lancer la rumeur sur le rôle actuel d’Alexandre Benalla. En début de semaine, l’Élysée a préféré déminer à deux reprises. «Quelles que soient les démarches qu’entreprend M. Benalla, il n’est pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République. S’il se présentait comme tel, il est dans le faux», a notamment précisé l’entourage d’Emmanuel Macron mardi.

Lettre salée de l’Élysée

Alexandre Benalla assure, lui, qu’il fait désormais du «consulting» en Afrique francophone. «Je suis allé au Tchad, accompagnant une délégation économique étrangère dans le cadre d’investissements», s’était lui-même justifié l’ex-chargé de mission de l’Élysée, regrettant des propos «diffamatoires» et «calomnieux», «sous-entendant» de la présidence. Remonté, l’ancien collaborateur a prévenu qu’il «ne se tairait plus» et «entend charger (ses) avocats de saisir le procureur de la République».

Survient enfin une autre question: Alexandre Benalla aurait-il dépassé le cadre de ses fonctions lors de son passage à l’Élysée? Dans une lettre datée du 22 décembre, la présidence somme l’ex-collaborateur d‘Emmanuel Macron de s’expliquer sur «d’éventuelles missions personnelles et privées (…) exercées ou poursuivies comme consultant». Le directeur de cabinet du président, Patrick Strzoda, affirme d’un ton ferme: «Nous ne pourrions laisser sans réaction l’existence de relations d’affaires en France ou à l’étranger avec des intérêts privés, tout à fait incompatibles avec vos fonctions (…) et que vous n’avez jamais révélées». Des activités «que vous n’avez jamais révélées avant votre prise de fonctions ou qui auraient été nouées ou qui se seraient perpétuées alors que vous étiez en fonctions», insiste-t-il.

Dans une lettre adressée à Patrick Strzoda ce vendredi, dont le JDD a obtenu une copie, Alexandre Benalla a assuré ne «jamais avoir effectué de missions personnelles et privées» durant ses fonctions à l’Élysée, et n’avoir «a fortiori jamais reçu directement ni indirectement de rémunérations en résultant». Selon lui, les «rumeurs» dont il est la cible «sont dénuées de tout fondement et il est clair que je n’ai jamais eu aucune relation d’affaires en France et à l’étranger avec des intérêts privés pendant mes fonctions à l’Élysée». Interrogé vendredi soir par l’hebdomadaire, Alexandre Benalla affirme également qu’il n’a pas menti lors de son audition au Sénat en septembre. À ce moment-là, indique-t-il, ses passeports diplomatiques «se trouvaient bien dans mon ancien bureau à l’Élysée, comme je l’ai dit. Ils m’ont été restitués par la présidence début octobre avec mes effets personnels».

Et de poursuivre: «Je ne me suis en effet jamais prévalu d’une quelconque recommandation ou appui de la Présidence de la République dans le cadre de mes nouvelles activités, et le prétendre serait purement mensonger».

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