Perturbateurs endocriniens : le gouvernement capitule en rase campagne !
Premier vote à Bruxelles et première capitulation pour Emmanuel Macron et son ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Le gouvernement vient d’accepter la définition au rabais des perturbateurs endocriniens que l’Allemagne et la Commission Européenne, engluées dans des compromissions avec les lobbies de l’industrie, ont imposée. De fait, les perturbateurs endocriniens vont continuer à nous pourrir la santé. Jusque-là, la France – de concert avec les pays nordiques – avait résisté en votant contre les 5 précédentes propositions de la Commission. Il a suffit d’un changement de pouvoir pour que les lobbies de l’industrie chimique aient raison de la faible volonté d’Emmanuel Macron et des illusions juvéniles de Nicolas Hulot. LVSL suit ce dossier depuis décembre 2016. Retour sur un énième renoncement.
Perturbateurs endocriniens : une bataille de longue haleine
Le 21 décembre dernier, les Etats refusaient la proposition de réglementation de la Commission Européenne sur les pertubateurs endocriniens. Et pour cause, cette proposition accordait une dérogation à une quinzaine d’insecticides et à quelques herbicides dont le 2,4-D, un désherbant classé « cancérogène possible pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015. Cette nouvelle réglementation prévoyait en outre que l’évaluation des risques puisse se faire au cas par cas, et après la mise sur le marché des produits correspondants. De fait, cette proposition était dictée par les impératifs de l’industrie chimique et de ses mastodontes – BASF, Bayer et Syngenta prenant appui sur le soutien du gouvernement allemand.
Clairement, la Commission est un danger pour notre santé. Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui ont un impact sur le système hormonal des êtres vivants. On les retrouve dans beaucoup d’objets du quotidien : plastiques, cosmétiques, peintures, l’alimentation, pesticides. Selon de nombreuses études, ils contribuent à l’augmentation de nombreuses maladies : infertilité, cancers, diabète, obésité, problèmes neurologiques, trouble du développement du cerveau, problèmes de comportement chez les enfants (trouble de l’attention, hyperactivité et même autisme). Ils entraînent des malformations congénitales et des anomalies du neuro-développement.
Depuis des années, la Commission repousse la mise en application du règlement « Pesticides » (2009) qui prévoit l’interdiction de ses produits nuisibles pour notre santé. Elle l’a fait en proposant d’épargner de nombreux pesticides du champ de l’interdiction. Elle l’a fait encore plus tôt en traficotant la définition de ces perturbateurs que le règlement vise à interdire. Au lieu de reprendre la définition établie par l’OMS en 2002, elle en adopte une volontairement restrictive en… 2016. La Commission restreint les perturbateurs endocriniens aux produits ayant pour conséquence des « effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé ». Ainsi, la référence à la « santé humaine » occulte les effets observés sur les animaux. Selon cette définition, le tributylétain (TBT), par exemple, substance toxique, jadis utilisé dans les peintures des coques de bateaux, ne serait pas identifié comme perturbateur endocrinien. En effet, la France l’avait interdit dans les années 1970, après observation des effets de cette substance sur les mollusques marins (changement de sexe). Autre problème : la définition de la Commission fait un focus sur « l’évaluation des risques » et non sur les dangers. Cette distinction permet de mesurer la nocivité des substances alors qu’elles sont déjà sur le marché, en se basant sur des seuils et non plus sur la nocivité intrinsèque de la substance. Cela permet à la Commission d’octroyer des dérogations pour les substances à faible exposition (vous voyez le lien avec la proposition de la Commission soumise au vote le 21 décembre ?).
Reporté du fait des protestations, un vote devait avoir lieu sur la cinquième proposition de la Commission le 30 mai. Les derniers votes s’étaient soldés par un refus tenace de la France, du Danemark et de la Suède. Il faut dire que la commission s’alignait sur l’avis borné et étroit d’un gouvernement allemand tenu par les lobbies chimiques.
En examinant cette nouvelle proposition, il apparaît clairement que la position de la France n’a pas été prise en compte. Les dérogations pour les pesticides de l’industrie chimique allemande sont maintenues. D’autant que comme le signale le directeur de l’association Générations Futures, François Veillerette, « On a l’impression qu’elle organise le maintien sur le marché de substances dangereuses pour la santé et pour l’environnement. C’est proprement inacceptable. Le niveau de preuves demandé restait trop élevé [rendant les interdictions très longues et très compliquées ndlr]. Surtout, il subsistait une dérogation inacceptable introduite en décembre à la demande des Allemands, semble-t-il : celle-ci prévoit d’exempter d’interdiction les pesticides conçus pour agir sur le système endocrinien de certaines espèces d’insectes, même s’ils ont des effets collatéraux sur d’autres espèces non-cibles. Un non-sens complet ! ». La Commission exige un niveau de preuve « si élevé qu’il nous faudra attendre des années de dégâts sur la santé avant de pouvoir retirer du marché un perturbateur endocrinien », surenchérit Lisette van Vliet de l’ONG HEAL (l’Alliance pour la santé et l’environnement).
De fait, outre les dérogations scandaleuses, le niveau de preuve demandée pour une interdiction est assez essentiel pour que je m’y arrête. Il arrive que, faute de connaissances sur le mode d’action des perturbateurs sur la santé, on ne peut établir un lien de cause à effet. Il faudrait qu’une simple plausibilité puisse permettre d’interdire le produit, ce que ne permet pas la définition de la Commission.
Au vu des ces éléments, la position de la France pouvait inquiéter. Sa position est cruciale : outre l’Allemagne qui soutient la Commission dans ses manœuvres pour empêcher l’interdiction des perturbateurs endocriniens, elle est l’un des rares pays en capacité de bloquer un vote à la majorité qualifiée. D’autant que le programme d’En Marche spécifiait :« L’Etat interdira au plus vite les perturbateurs endocriniens repérés comme ayant des impacts sanitaires avérés ou probables, dès lors qu’il existe des solutions scientifiquement reconnues comme moins toxiques.« Macron ajoutait : « Ce serait mentir aux Français que de leur faire croire que tous les perturbateurs endocriniens pourraient être interdits« .
Sources :
http://mobile.francetvinfo.fr/sante/politique-de-sante/perturbateurs-endocriniens-des-pesticides-fabriques-par-l-industrie-chimique-allemande-exclus-par-la-nouvelle-definition_2213626.html#xtref=https://www.google.fr/
http://mobile.lemonde.fr/planete/article/2017/05/29/glyphosate-et-cancer-des-etudes-cles-ont-ete-sous-estimees-par-l-expertise-europeenne_5135612_3244.html
https://reporterre.net/Le-gouvernement-francais-lache-a-Bruxelles-sur-les-perturbateurs-endocriniens
http://www.lemonde.fr/pollution/article/2017/07/04/perturbateurs-endocriniens-la-france-cede-a-l-allemagne_5155485_1652666.html#voCQSkt29XqlSf7B.99
Crédits photos : AFP / Ouest-France – France Info
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