Portrait-robot : on a épluché les profils de la « France LinkedIn » promue par Macron aux législatives
Exit les professionnels de la politique, bienvenue… aux cadors de la vie professionnelle. Après moult rebondissements, une crise de François Bayrou et quelques sérieux ratés, la République en Marche (REM) a finalement publié ce mercredi 17 mai sa liste définitive des candidats aux élections législatives. Le listing de 521 noms, épluché par Marianne, répond incontestablement à la promesse de changement martelée par le nouveau chef de l’Etat. Celui qui clamait que « la politique ne doit plus être un métier« , en octobre dernier à Strasbourg, pourra constater, satisfait, que 57% de ses représentants aux prochaines élections n’ont jamais détenu de mandat électoral. Pour beaucoup, comme le pilote de ligne Julien Lemaitte dans le Nord, la rhumatologue Stéphanie Rist dans le Loiret ou l’ingénieure nucléaire Claire Pitollat dans les Bouches-du-Rhône, il s’agit même du premier engagement militant. La parité est aussi parfaitement respectée : 261 hommes et 260 femmes. Quant aux collaborateurs politiques, les fameux « apparatchiks » pourfendus par le chef de l’Etat, ils ne sont plus que onze. Une paille. Pour autant, il n’est pas évident que ce casting corresponde à un véritable renouvellement.
90% de CSP+ et de chefs d’entreprise
En effet, si les noms changent, l’endogamie sociale demeure. On dénombre bien un chômeur, en la personne de Jean-Pierre Morali, investi dans les Ardennes, trois infirmières, un assistant juridique, un fonctionnaire au service de l’état-civil, un gardien de la paix ou un sapeur-pompier parmi les représentants d’Emmanuel Macron dans les territoires, mais cela paraît bien peu face aux 67 cadres supérieurs cooptés par Richard Ferrand et les siens.
Parmi les 298 candidats sélectionnés par la REM qui appartiennent à la société civile, 75% représentent les couches intellectuelles supérieures, les fameux CSP+. Quand on ajoute les chefs d’entreprise, on atteint même 90% des investis de Macron, quand les deux catégories ne représentent respectivement que 9,5% et 3,5% des actifs français, selon l’Insee. C’est encore davantage que dans l’Assemblée nationale sortante, qui comptait 68,5% de cadres supérieurs et 6,2% d’entrepreneurs (selon leur profession d’origine).
Regarder trop longtemps les CV des impétrants laisse même la drôle d’impression d’avoir consulté le tableau d’honneur d’une jeune multinationale en pleine expansion. Dans la « dream team » macroniste, on retrouve pas moins de 67 cadres d’entreprise, comme Amélie de Montchalin, responsable de la prospective chez Axa, dans l’Essonne, ou Philippe Latombe, responsable du contentieux au Crédit Agricole Vendée. 43 d’entre eux sont entrepreneurs, tel David Simmonet, PDG du groupe chimique Axyntis, dans le Loiret ou Adrien Taquet, fondateur de l’agence publicitaire Jésus et Gabriel, dans les Hauts-de-Seine.
Par ailleurs, si on compte, sans surprise, un nombre respectable d’avocats, de médecins et de hauts-fonctionnaires, trois professions, symboles du monde ouvert porté par Emmanuel Macron, émergent : les lobbyistes (17), comme Guillaume Chiche, directeur des relations institutionnelles de Sogaris, le géant du BTP francilien, candidat dans les Deux-Sèvres, les consultants (16), comme Véronique Riotton, « coach de dirigeants », présente en Haute-Savoie, et les communicants (12), telle Marie-Agnès Staricky, chargée de communication pour la Fédération française des Assurances, candidate dans les Hautes-Pyrénées.
90% des REM inscrits sur LinkedIn
Dans cette France LinkedIn, du nom du réseau social professionnel prisé par plus de 90% (!) des candidats En Marche estampillés société civile, la maîtrise du vocabulaire anglo-saxon, ou plutôt du franglais standardisé du monde de l’entreprise, est de rigueur. Frédérique Lardet (Savoie) occupait jusqu’à très récemment le poste de vice présidente « food et beverage » dans le groupe Accor, quand Gaëlle Marseau, candidate dans le Val-de-Marne, officie en tant que « revenue manager » dans le groupe Ibis. Quant à Didier Baichère (Yvelines), ne l’appelez pas DRH : il est VP human resources chez Akka Technologies. Et puisqu’être un simple coach en entreprise est devenu un peu banal, certains vont encore plus loin dans la “disruption” : Jean-François Cesarini (Vaucluse) est ainsi “coach de dirigeants, managers et chefs de projet ». Un beau CV pour devenir député d’une République de winners.