Repentance nucléaire ou non M. Macron ?
Après la polémique sur la colonisation pendant sa campagne, ce serait un bon point pour notre nouveau Président s’il se penchait sur l’implication de la France en matière de pollution nucléaire. Notre pays se repend depuis quelque temps pour certains actes terribles, ce qui impliquerait d’inclure enfin la responsabilité pleine et entière d’avoir participé à la destruction de notre planète et de ses habitants.
Prise de responsabilité, ça veut dire quoi ?
Cela implique la reconnaissance des innombrables séquelles que les explosions nucléaires françaises ont laissées sur les populations civiles et militaires. En effet, que ce soit au Sahara et en Polynésie, les rayons gamma n’ont épargné personne. Tous ceux qui se trouvaient aux alentours ont été soumis à un bombardement intensif.
De Reggane à In Ecker, (désert Algérien), en passant par Tahiti, Hao, Mururoa, Fangataufa, et l’archipel des Tuamotu, tout le monde a eu droit à sa surdose de rayonnement.
À coup de pub, comme dans la politique, le C.E.A, les généraux et l’État, claironnaient que Reggane, dans le Sahara Algérien était inhabité… Curieux, car d’après Wikipédia, 20 000 personnes habitaient dans ce secteur… Légère divergence sur la définition du mot « inhabité »…
Reggane : premier essai atomique français. Quatre fois plus puissant que la bombe qui a explosé à Hiroshima. (1)
Puis vint l’accident de In Ecker (2) en présence du ministre des armées, Pierre Messmer, ainsi que du ministre d’État chargé des questions atomiques Gaston Palewski. Irradiés tous les deux, (entre autres), Messmer n’aura pas de séquelles, mais Palewski aura une leucémie qu’il traînera jusqu’à la fin de sa vie.
Après ce big couac, au revoir le désert, et bienvenu dans les atolls. Dorénavant, les essais atomiques vont se faire dans les régions désertiques du Pacifique.
Ouf ! Tout le monde a été rassuré. Le Pacifique est loin de l’Hexagone, et puis si c’est un désert, pas de problèmes.
Décidément, le vocabulaire des porte-paroles du gouvernement est différent du dictionnaire.
Car, ayant « visité » malgré moi cette partie du globe, j’ai pu constater que pour un désert, il y a bien du monde. Mururoa est inhabité certes, mais sur Hao, le village d’Otepa existe bel et bien. 1300 habitants parqués à l’autre bout de l’Atoll, vivant dans des cabanes de tôles ondulées et soumis de 1966 à 1996 à un bombardement intensif. Tous comme les habitants d’un atoll voisin, Amanu, (195 habitants), de l’ensemble de la Polynésie française (274 000 habitants) et de l’archipel des Tuamotu. (15 000 habitants). Désertique, le secteur !
Quant aux distances, les voici :
Mururoa est à peine à 1 222 kilomètres de Tahiti, et Hao l’atoll/base avancée est à peine 460 kilomètres de Mururoa. Mais c’est bien connu les radiations ne voyagent pas et ne franchissent pas les frontières.
J’ai fait mon service militaire à Tahiti en 1974, avec un séjour forcé sur Hao pendant trois mois. Je connais donc bien la région.
À l’époque, quand on m’a proposé d’aller à Papeete, j’ai eu des images plein la tête. Tahiti ! Ciel bleu, lagon, soleil, vahinés… Le rêve quand on a 20 ans. Mais en prime, sans le savoir, pluies acides, contamination et radiation.
Rien vu venir, comme les autres.
Je viens de retrouver un copain de l’époque et une fois passé les joies de la retrouvaille, il m’a demandé si j’avais eu des séquelles de notre séjour « touristique ». Après lui avoir expliqué que je suis devenu stérile, il m’a avoué qu’il avait eu lui aussi de sérieuses complications.
Faut dire que l’on a été servi. En 1974, pluies acides sur Tahiti, avec en prime poisson et langouste contaminé. Comment, il n’est pas frais mon poisson ?
Deux cent dix essais nucléaires français au total ont été menés entre 1960 et 1996 :
– 1960 à 1961 : 4 essais aériens à Reggane
– 1961 à 1966 : 13 essais souterrains à In Ecker
– 1966 à 1974 : 46 essais aériens à Mururoa et Fangataufa
– 1975 à 1996 : 147 essais souterrains dans les sous-sols et sous les lagons de Mururoa et Fangataufa.
François Mitterand avait signé un moratoire en 1992 suspendant les essais nucléaires.
Mais le 13 juin 1995, Jacques Chirac, un mois après son élection a déclaré que la France allait reprendre ses essais nucléaires dans le Pacifique.
Très belle déclaration de sa part comme quoi, c’est pour notre bien, etc, etc. Le pipeautage habituel.
C’était pour marquer la « grandeur de la France », de son avènement à l’Élysée, de son territoire …
Comme les canidés marquent le leur, sauf que chez nos aimables quadrupèdes, c’est totalement inoffensif.
Le dernier essai français a donc eu lieu à Fangataufa le 27 janvier 1996. Enfin le délire se termina.
Pour rappel et pour ceux qui ont envie de piocher, les essais atomiques français étaient sur-protégés. En effet, le navire amiral de Greenpeace, le Rainbow Warrior, a été coulé en 1985 dans le port d’Auckland par les services secrets français. Loin d’être neutre.
Les cinq pays en tête qui ont abusé de leur « permis de tuer » sont et c’est facile à deviner :
– Les USA (encore et toujours en tête) : 1 050 explosions
– La Russie : 715 explosions
– La France : 210 explosions
– Le Royaume-Uni : 45 explosions
– La Chine : 45 explosions
– L’Inde et le Pakistan : 5/6 explosions
– La Corée du Nord : 4 explosions
– L’Afrique du Sud et Israël sont suspectés d’avoir réalisé quelques tirs.
À noter que les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki n’y figurent pas puisque ces explosions sont des tirs de combats et non pas des essais. (nos « grands scientifiques » ne mélangent pas…).
À noter les catastrophes civiles comme Tchernobyl et Fukushima.
Aujourd’hui, la reconnaissance des maladies radio-induites, (Nom élégant, pour masquer le terme cancer… Ah ces scientifiques ! Ils ressemblent aux politiques, tout est dans la formule.) est très compliquée, mais possible. Il a fallu attendre le 30 avril 2012, mais problème, 90 % des dossiers sont rejetés. (3)
Ben voyons, c’est comme le Médiator du laboratoire Servier. Pour obtenir gain de cause, il faut avoir du temps, et des moyens financiers pour payer les avocats. Mais voilà, du temps et de l’argent, certains n’en ont pas, ou n’ont pas le courage d’affronter la pieuvre administrative.
Fin février 2016, François Hollande en visite à Tahiti a promis une révision du traitement des demandes d’indemnisation des victimes. (une vingtaine de dossiers ont abouti sur 1 millier…) (4)
Voici un extrait d’un de ses discours à Tahiti :
» …. La « dette nucléaire » ou « milliard Chirac » (en francs, soit l’équivalent de 150 millions d’euros aujourd’hui), une dotation annuelle qui visait à compenser la perte d’activité économique engendrée par la cessation des tests en 1996, « sera sanctuarisée ». « Son niveau sera dès 2017 rétabli à plus de 90 millions d’euros », a aussi promis M. Hollande, répondant, là encore, à une demande pressante des élus locaux.
« Les conséquences environnementales devront également être traitées » sur les atolls qui accueillaient les installations nucléaires, a-t-il poursuivi. L’État achèvera notamment « le démantèlement des [infrastructures] et la dépollution de l’atoll de Hao ». Ceux de Mururoa et Fangataufa feront l’objet d’une « vigilance méticuleuse »…. »
Incroyable. Depuis 1996, rien n’a été fait pour dépolluer l’atoll d’ Hao, entre autres. On croit rêver. 21 ans après… Pauvres habitants.
Au moins, François Hollande a fait le premier pas. Espérons qu’Emmanuel Macron fera le reste. Il est plus que temps.
Claude Janvier
PS : pour ceux qui veulent, il existe une association qui peut vous aider à faire reconnaître vos droits. (5) (6) Et (7)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_de_B%C3%A9ryl (2)
http://www.sortirdunucleaire.org/Veterans-du-nucleaire-nos-maladies-radio-induites (3
http://www.aven.org/aven-les-essais-dans-le-monde (6)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Essais_nucl%C3%A9aires_fran%C3%A7ais