Risques du ralentissement de l’AMOC sur les points de bascule

Figure 1. L’AMOC est la section atlantique de la circulation méridionale inversée (MOC) mondiale. Une partie de celui-ci est le Gulf Stream, qui transporte la chaleur des tropiques vers le nord.

Par Gabriel Oxenstierna, Ph.D (*)

Article initialement publié le 5 octobre 2023 sur le site WUWT (traduit par la rédaction).

L’AMOC (circulation méridionale de retournement de l’Atlantique) est l’un des principaux systèmes de circulation océanique de la Terre. En redistribuant la chaleur sur la Planète, l’AMOC a un impact majeur sur la variabilité de notre climat. Le transport de chaleur vers le nord à travers l’Atlantique représente un quart du flux thermique mondial (atteignant un maximum de 1,3 PW à 25°N). [NDT : 1PW = 1015 Watts].

Le transport de chaleur est un équilibre entre le flux vers le nord du Gulf Stream chaud, le pompage d’Ekman et les flux vers le sud de la thermocline plus froide et des eaux profondes froides de l’Atlantique Nord. La circulation s’achève après un temps très long lorsque les eaux profondes remontent à la surface dans l’océan Austral. Le circuit de l’AMOC s’étale sur plusieurs centaines d’années.

Les points de basculement redoutés

Plusieurs études ont montré que le Gulf Stream et l’AMOC se sont affaiblis au cours des 40 dernières années.[1][2][3]. Un rapport très médiatisé prévient qu’un affaiblissement continu aurait des « impacts graves » et augmenterait le risque de « problèmes en cascade » pour d’autres systèmes terrestres majeurs, « comme la calotte glaciaire de l’Antarctique, les systèmes tropicaux de mousson et la forêt amazonienne ». La figure 2 ci-dessous illustre les télécorrélations majeures liées à l’AMOC [4]. Les effets de cet affaiblissement se produiraient également dans de nombreux autres domaines. Des conditions météorologiques plus orageuses, davantage d’inondations, un effondrement de la production de plancton et une destruction généralisée de l’oxygène dans les océans (anoxie) sont prévus. La question d’un éventuel affaiblissement de l’AMOC est donc du plus grand intérêt.

Figure 2. L’AMOC est au cœur des points de bascule imaginés par les chercheurs alarmistes [4]. A : Fréquentes sécheresses de la forêt amazonienne. B : Réduction de la banquise arctique. C : Ralentissement de la circulation atlantique depuis 1950. D : Feux et ravageurs dans les forêts boréales. F : mort des coraux sur une large échelle. G : fonte de la calotte glaciaire du Groenland. H : dégel du pergélisol. I : Accélération de la fonte de glace de l’Ouest de l’antarctique. Accélération de la fonte de la calotte glaciaire du bassin de Wilkes en Antarctique.

Ce que dit le GIEC

Le rapport AR6 du GIEC souligne que l’AMOC est l’un des principaux éléments constitutifs du climat et qu’il est potentiellement l’un des « points de bascule » les plus importants [5]. Au fil des années, le GIEC a fait des projections alarmistes pour l’AMOC. Dans son dernier rapport d’évaluation (AR6), le GIEC affirme que l’AMOC est actuellement à son plus faible niveau depuis 1 600 ans et prévoit un déclin futur important.


Figure 3. Anomalies de débit AMOC selon les simulations du modèle GIEC. Les épaisses lignes grises et noires représentent l’historique simulé par les deux dernières générations de modèles. Les lignes colorées sont des prévisions issues des modèles selon les scénarios d’émissions sélectionnés. Les débits sont en Sverdrups (Sv, millions de mètres cubes par seconde). Source : AR6 WG1 fig. 9.10, tiré de [3]

Le GIEC affirme qu’il est « très probable » que l’AMOC s’affaiblira au cours du 21ème siècle quels que soient les scénarios d’émissions [ch 4.3.2.3]. Il prévoit une réduction de 25 à 50% en 2100 selon le scénario adopté. Le GIEC n’a qu’une « confiance moyenne » dans le fait qu’il n’y aura pas d’« effondrement brutal » avant 2100. Si l’AMOC s’effondrait, les conditions météorologiques mondiales seraient dramatiquement impactées.

Un artefact des modèles qui vient à l’appui du récit sur le réchauffement climatique d’origine anthropique

La partie historique de la figure 3 a été reconstituée par modélisation. Si on compare l’historique produit par les modèles CMIP5 avec celui de la nouvelle génération de modèle CMIP6, on voit que le débit de l’AMOC est supérieur avec les modèles CMIP6, en particulier au cours de la seconde moitié du 20e siècle jusqu’en 1990. En conséquence, l’affaiblissement montré par le CIMP6 apparaît beaucoup plus prononcé notamment depuis les années 1980. Cette présentation s’accorde parfaitement au récit selon lequel le déclin de l’AMOC est principalement causé par le réchauffement climatique d’origine anthropique.

Aucun déclin n’a été observé dans les données récentes en provenance de l’Atlantique

Récemment, nous avons reçu une mise à jour des stations de mesure appelées RAPID, qui mesurent directement les différents flux qui constituent ensemble l’AMOC. RAPID mesure l’AMOC dans une série de stations situées à 26,5 N. RAPID mesure les débits du Gulf Stream, du transport d’Ekman et enfin du flux de retour vers le sud des différentes couches d’eau froide. Ces trois composantes forment ensemble l’AMOC, correspondant à la série chronologique rouge dans la figure 4 ci-dessous.


Figure 4. Lectures des flux AMOC à Sverdrups (Sv). (A)MOC est la courbe rouge avec un débit de 16,8 ±4,6Sv. Il comprend le Gulf Stream (vert, 31,3 ±3,1 Sv), le transport Ekman (noir, 3,7 ±3,5 Sv) et le flux froid et profond en direction sud (lila, -18,2 ±3,4 Sv). Les dernières données remontent à mars 2022. Source : RAPID .

Comme le montre la figure 4, l’AMOC a effectivement connu une certaine diminution au tout début de la période des mesures RAPID, de 2004 à 2010. Mais après cela, l’AMOC est resté stable. Le Gulf Stream présente une légère diminution, tandis que les autres composantes sont stables. On observe aussi une variabilité à court terme assez importante.

Les données collectées directement dans l’océan Atlantique n’étayent pas les prévisions du GIEC sur un effondrement en cours de l’AMOC.

Les prévisions du GIEC infirmées par les recherches de terrain

Ces dernières années, un certain nombre de rapports de recherche ont été publiés qui remettent en question les prévisions du GIEC [6][7]. Certains chercheurs à l’origine de RAPID écrivent qu’ils n’ont trouvé aucun signe d’affaiblissement de l’AMOC au cours des 30 dernières années [6], période pendant laquelle les modèles du GIEC montrent un fort déclin. C’est le réel opposé au virtuel.

Les chercheurs trouvent que l’AMOC est soumis à « une oscillation décennale, qui se superpose à un cycle multi décennal ». Les enregistrements paléoclimatiques montrent également une variabilité multi décennale de l’AMOC.

Quelles peuvent être alors les rétroactions associées à la variabilité naturelle de l’AMOC et leurs échelles de temps ? La variabilité de l’AMOC est-elle périodique ou quasi-périodique ? Les échelles de temps ainsi que les mécanismes à l’origine de ces variations naturelles restent inexpliqués. Ce n’est pas étonnant, étant donné les échelles de temps qui sont en jeu (des centaines d’années). Le GIEC lui-même admet l’incertitude sur l’état de l’AMOC : « Compte tenu de l’écart important entre l’AMOC modélisé reconstruit au XXe siècle et de l’incertitude quant au réalisme de la réponse de l’AMOC modélisé au 20e siècle (Section 3.5.4.1), nous avons qu’une faible confiance dans les deux mécanismes » (pages 9-32).

En résumé

  1. Les modélisateurs ont réussi à créer l’impression d’un déclin plus prononcé de l’AMOC à partir de 1990 en manipulant les données issues des modèles CMIP5 et CMIP6. Cette manipulation de l’historique nourrit le récit de la crise climatique selon lequel le déclin de l’AMOC est causé par les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique anthropique.
  2. Le GIEC n’est pas vraiment convaincu et accorde une « faible confiance » aux modèles. Cela ne l’empêche pas de prévoir une diminution brutale de l’AMOC comme étant « très probable ». Ils promeuvent un discours sur la crise climatique entièrement construit sur des modèles auxquels ils accordent eux-mêmes une faible note de confiance.
  3. La question de la variabilité naturelle est pertinente pour toutes les discussions sur l’AMOC, mais reste non résolue. Cela n’empêche pas le GIEC d’accorder un rôle primordial dans les développements de l’AMOC aux effets des émissions de gaz à effet de serre et du RCA (Réchauffement Climatique Anthropique).
  4. Les données empiriques sur les débits d’eau des différentes composantes de l’AMOC dans l’Atlantique ne montrent aucun déclin au cours des 30 dernières années. L’AMOC est stable et ne montre aucun signe de déclin.

Références 

[1] Fort affaiblissement du Gulf Stream observé au cours des quatre dernières décennies dans le détroit de Floride , Piecuch et Beal, 2023, https://doi.org/10.1029/2023GL105170

[2] Signaux d’alerte précoce basés sur l’observation d’un effondrement de la circulation méridionale de renversement de l’Atlantique , Niklas Boers, Nature 2021, https://doi.org/10.1038/s41558-021-01097-4

[3] Modifications de l’AMOC forcée par aérosol dans les simulations historiques CMIP6 , Menary et 13 co-auteurs, 2020, https://doi.org/10.1029/2020GL088166

[4] Un réchauffement climatique supérieur à 1,5 °C pourrait déclencher plusieurs points de basculement climatique , Armstrong McKay et 5 co-auteurs, Science 2022, https://doi.org/10.1126/science.abn7950

[5] GIEC SROCC « Extrêmes, changements brusques et gestion des risques », chapitre 6.7, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/3/2022/03/08_SROCC_Ch06_FINAL.pdf

[6] Une reconstruction sur 30 ans de la circulation de retournement méridional de l’Atlantique ne montre aucun déclin , Worthington et 5 co-auteurs, 2021, https://doi.org/10.5194/os-17-285-2021

[7] Une circulation méridionale de renversement atlantique stable dans un océan Atlantique Nord en évolution depuis les années 1990 , Fu et 4 co-auteurs, Science 2022, https://doi.org/10.1126/sciadv.abc7836


(*) Gabriel Oxenstierna est titulaire d’un doctorat de l’Université de Stockholm et l’un des signataires de Clintel.

A lire aussi notre article du 6 mars 2021 (Une reconstruction de la « circulation méridienne de retournement atlantique » (AMOC) ne montre aucun déclin sur 30 ans)

Source : Risques du ralentissement de l’AMOC sur es points de bascule

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