Rude semaine pour les libertés, par Régis de Castelnau

l’euphorie footballistique de ces derniers jours a un peu masqué trois agressions contre les libertés publiques : le « délit de solidarité », le vote de la loi « fake news » et la saisie de la dotation du Rassemblement national. Cette dernière, probablement la plus grave a été rendue possible par une manœuvre déroutante et particulièrement inquiétante…

Pendant que l’équipe nationale de football poursuivait son brillant parcours en coupe du monde trois événements se sont produits dans l’actualité française, chacun manifestant une volonté de mettre en cause et de réduire les libertés publiques. Rude semaine conclue par le discours du Président de la République à Versailles devant le congrès, qui fut loin d’être rassurant sur ce point.

Le classement par ordre d’importance, fait apparaître en premier la scandaleuse décision des juges d’instruction du Pôle Financier qui à la requête du Parquet National du même nom ont fait saisir les 2 millions d’euros de dotation publique que devait percevoir le Rassemblement National, anciennement Front National. Et comme d’habitude, les élites françaises toujours soucieuses de prendre la pose antifasciste et toujours verrouillées dans leur culture de mépris du droit et des principes n’ont pipé mot quand elles ne se sont pas réjouies de voir foulées aux pieds leurs propres libertés publiques. Médaille d’argent pour, la nouvelle acrobatie du Conseil Constitutionnel présidé par Laurent Fabius. L’annulation du fameux « délit de solidarité », nouveau coup porté à la souveraineté populaire, n’est en fait que la poursuite par cette institution d’un projet de restriction drastique des pouvoirs du parlement. Troisième place de ce triste podium, le vote en catimini par l’Assemblée nationale de la fameuse loi dite fake news, dont la simple lecture fait se dresser les cheveux sur la tête à tout démocrate conséquent. Rude semaine disions-nous en effet, conclue par le discours du Président devant le congrès. Dont il a lui-même fait extraire un tweet dans lequel il nous assène son inquiétante conception de la liberté individuelle. On savait déjà par Jean-Claude Juncker « qu’il ne pouvait y avoir de choix démocratique contre les traités européens (sic) ». Manifestement il semble qu’Emmanuel Macron soit du même avis concernant l’exercice de son pouvoir en France. Pour combattre la lèpre populiste comme il appelle l’opposition à l’Europe austéritaire, il n’est pas partisan des médecines douces.

La candidate du Front national, Marine Le Pen, a été bien utile lorsque la stratégie dite « du castor » l’a transformée en repoussoir et permis l’élection d’Emmanuel Macron. La perspective des européennes est moins séduisante, le désormais RN pouvant y jouer un rôle important. Comment l’en empêcher ? La solution a été trouvée avec le nouvel exploit ahurissant du couple infernal : Parquet national financier (PNF) d’une part et Pôle d’instruction du même nom. Les magistrats qui composent ces deux instances ont la tête sous le même bonnet. Après avoir chassé le Sarkozy pendant cinq ans et détruit la candidature de François Fillon, ils ont semble-t-il décidé de détruire le parti dont la candidate a recueilli près de 40 % des voix à la dernière présidentielle. En toute impartialité naturellement.

Petite description de la manipulation. Depuis la loi de 1990, il existe en France un financement public de la vie politique. Pour éviter le renouvellement des folies des années fric et juguler la corruption qui les accompagnait le législateur a adopté un système reposant sur trois principes : financement public des partis en proportion de leurs poids électoral, limitation des dépenses pour les campagnes, et contrôle par une autorité administrative indépendante. En ce qui concerne le montant des sommes attribuées à chaque parti politique, celui-ci est calculé sur la base des résultats électoraux lors des élections législatives. Qui est le seul critère juridique du calcul et le seul support juridique du versement. À partir du moment où vous êtes organisé en parti politique dans les formes prévues par la loi et que vous avez obtenu tel ou tel résultat électoral, l’État vous DOIT votre dotation. Ah oui, mais non, le PNF ne l’entend pas de cette oreille, suivi par deux juges d’instruction dont on se demande ce qui leur a pris.

Une loi contre le grand banditisme

Le Front national (devenu Rassemblement national) et certains de ses dirigeants font l’objet actuellement de poursuites, soupçonnés qu’ils sont d’avoir utilisé des attachés parlementaires européens à des fonctions directement politiques pour le parti lui-même. Pour l’instant, aucune décision de culpabilité n’a été prise. L’affaire est à l’instruction depuis plusieurs années et on est loin d’une décision de culpabilité au fond. Certains se sont alors visiblement demandé comment affaiblir, voire tuer le Rassemblement national, à l’approche de ce scrutin européen qui ne devrait pas lui être défavorable. Eurêka ! Utilisons un texte qui n’a rien à voir avec la matière traitée à l’instruction, un texte destiné à lutter contre le grand banditisme. C’est-à-dire la loi du 27 mars 2012 relative à la confiscation des avoirs criminels. D’après celle-ci, il est possible de confisquer, avant une éventuelle condamnation, les avoirs de personnes poursuivies, dès lors que le caractère frauduleux de leurs acquisitions entretient un lien direct avec l’activité criminelle. Le meilleur exemple étant celui de l’argent du trafic de drogue ayant permis l’acquisition d’une voiture de luxe, qui pourra donc être saisie. C’est une mesure qui met en cause le principe de la présomption d’innocence et qui est donc très encadrée. Tout d’abord, cette possibilité n’est envisageable que pour certaines infractions (voir la page trois de la circulaire), et ensuite l’ordonnance de saisie doit être motivée en particulier sur le lien étroit existant entre l’activité criminelle et l’acquisition du bien objet de la saisie.

À l’évidence, l’utilisation de ce texte destiné aux gangsters et aux caïds n’a rien à faire dans la procédure actuellement suivie au Pôle financier. L’éventuel « détournement de fonds publics européens » ne figure pas dans la liste des infractions justiciables de la confiscation. Il n’y a ensuite, bien sûr, aucun lien direct entre celui-ci et la dotation que l’État doit au RN, le seul support juridique de celle-ci étant ses résultats électoraux.

Un raisonnement abracadabrant

Il s’est quand même trouvé deux magistrats pour considérer qu’il y avait un lien direct entre le caractère éventuellement fictif des emplois d’attachés parlementaires européens et le versement de la dotation ! Avec le raisonnement suivant : les attachés parlementaires n’ont travaillé que pour le parti (ce qui reste pourtant à établir), et cela a permis au Rassemblement national (alors Front national) d’obtenir les résultats électoraux sur la base desquels est calculée la dotation ! Raisonnement abracadabrant, mais dont il semble bien que l’objectif soit de porter un coup qu’on espère probablement mortel à un parti légal qui bénéficie de la confiance d’une partie importante des citoyens français. Il est malheureusement probable que ce coup gravissime porté à la liberté politique dans notre pays ne suscitera aucun froncement de sourcils ni à la chambre d’instruction, ni à la Cour de cassation.

A qui le tour ?

Coup gravissime. Comment qualifier autrement un acte qui crée un précédent aussi dangereux. Alors comme ça, il suffira que le PNF ou n’importe quelle association saisisse un juge d’instruction pour des faits réels, anodins ou simplement imaginaires, pour que l’on puisse couper les vivres aux partis politiques qui gênent ? Les imbéciles, antifascistes de pacotille, qui se réjouissent bruyamment de ce qui arrive au RN feraient bien de réfléchir un peu et de comprendre qu’ils sont les prochains sur la liste. Comme je l’ai toujours fait, je continuerai à combattre le Rassemblement national, mais sur des bases politiques. Jamais avec des expédients liberticides mis en œuvre par ceux dont la mission fondamentale est pourtant de faire respecter la loi et les libertés publiques.

Comment une telle dérive dont les affaires Sarkozy et Fillon ont été les aspects emblématiques a-t-elle pu se produire ? Car de deux choses l’une : soit cette décision est le fruit d’une demande du pouvoir exécutif, soit le Pôle financier, flanqué d’un PNF apparemment connivent, est devenu un outil directement politique. La sélectivité du PNF dans le choix des procédures, qui ménage scrupuleusement les amis du pouvoir, la longueur des instructions Pôle d’Instruction financier (jusqu’à 25 ans pour Karachi) toujours dirigées contre les mêmes, et qui ne s’activent, en liaison avec les médias que pour des occurrences politiques, font peser sur les magistrats une lourde suspicion.

Et que dire de ce silence approbateur à l’Élysée et à Matignon ?

Chapitre 2 : quand Laurent Fabius fait du droit. « Que trépasse si je faiblis ! »

Pourquoi cette référence à la devise de Godefroy de Montmirail dans le film « les visiteurs » ? Parce que le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius a décidé de reprendre ses mauvaises habitudes. Pour dépénaliser l’aide aux migrants sanctionnés par la loi, il a donné une force juridique à une devise! Se livrant à cette occasion à une petite opération qui se situe dans le droit fil d’une évolution qu’il a initiée depuis déjà un moment et qui consiste à vider de sa substance l’article 3 de la Constitution française. Celui qui affirme : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».

Un Conseil pas si populaire…

Les lois votées par le Parlement entretiennent un rapport de conformité, c’est-à-dire de non-contrariété, avec la partie normative de la Constitution, le contenu qui organise le fonctionnement de la République. Par une décision du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel avait intégré à la Constitution le préambule de celle de 1946. Elle avait décidé que la loi votée par le Parlement souverain devait être également « conforme » à un texte pourtant complètement proclamatoire. C’était déjà une limitation de la souveraineté populaire.

Depuis cette date, le Conseil a systématiquement mis en œuvre une technique qui a consisté à intégrer à la Constitution, dans sa partie normative, tout un tas de choses qui n’avaient rien à y faire. Avec toujours l’objectif de limiter l’espace de l’exercice de la souveraineté populaire. Celle-ci se retrouve donc en tenaille avec, de l’autre côté, l’Union européenne qui a sanctuarisé une partie du pouvoir de décision des peuples dans des traités non-modifiables, sinon par l’unanimité impossible des 27 pays membres.

Cédric Herrou, passeur professionnel

L’exploit accompli le 6 juillet par le Conseil constitutionnel relève exactement de cette logique. Saisi par le transporteur de migrants, Cédric Herrou, soutenu par toute belle âme avide de bonne conscience, il a annulé une partie d’un texte voté par le Parlement et prévoyant la répression de l’aide au séjour irrégulier (c’est-à-dire illégal) d’étrangers en France. L’article L 622–1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi libellé : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ». Visant la sanction d’aide au séjour irrégulier sans recherche de contrepartie, la cour suprême a déclaré contraire à la constitution les mots « au séjour irrégulier » figurant au premier alinéa de l’article L. 622-4 du Code. C’est donc ce que ses adversaires appelaient le « délit de solidarité » qui a été déclaré inconstitutionnel. Sous les ovations bruyantes de la cohorte des belles âmes rassemblées trop contentes d’obtenir l’appui du juge pour bafouer à cette occasion la volonté pourtant très claire du peuple français. Claire par la décision de ses représentants, mais également par toutes les études d’opinion qui démontrent que les Français, à près de 70 %, sont opposés aux nouvelles formes qu’a pris le trafic d’êtres humains.

Pour faire ce cadeau aux belles âmes, le Conseil constitutionnel a trouvé une astuce. Rien dans la Constitution ne pouvait prohiber la création législative du « délit de solidarité » en tant que tel. Alors, dans les couloirs de la cour suprême, on a eu une super idée. L’article 2 de la Constitution proclame tout un tas de jolies choses et rappelle la devise de la République : « La devise de la République est « Liberté, Egalité, Fraternité ». » On va simplement dire qu’une devise a une valeur normative obligatoire et que par conséquent la « fraternité » est un principe constitutionnel. Tout ce qui, dans la loi, pourrait être contraire à la fraternité doit donc être prohibé. La grossièreté de la manipulation saute aux yeux. Quelle définition de la fraternité, quel contenu ? Est-elle réservée, ce qui serait logique, aux citoyens français ? Une fraternité universelle ne constituerait-elle pas un bel oxymore ? Quand et comment porte-t-on atteinte à la fraternité ? L’auteur de ces lignes appartient à une famille qui dispose d’une devise ancienne : « Toujours courant derrière la gloire ». Il est donc assez bien placé pour savoir l’absence de caractère normatif obligatoire de cette devise, sauf à la compléter par un ironique et justifié « sans jamais la rattraper ». Tout ceci serait au plus ridicule si cette démarche du Conseil constitutionnel n’était dangereuse pour la démocratie.

Les Français doivent payer, les Français paieront!

On se permettra d’abord quelques observations sur cette notion de « délit de solidarité ». Si l’on comprend bien, les opposants au texte voulaient que l’aide apportée au séjour sans sollicitation de contrepartie, c’est-à-dire la simple hospitalitée bénévole, ne puisse constituer une infraction. Ce pourrait paraître honorable, sauf que l’on sait bien qu’il n’y a jamais d’acte gratuit, et qu’il faut dépasser l’hypocrisie : le choix militant d’aider au séjour des migrants est une décision à caractère politique. Monsieur Herrou, est un activiste « no border » et n’a jamais caché son alignement sur la volonté du néolibéralisme de libre-circulation des capitaux des marchandises et des hommes. Cette intervention militante fait partie intégrante du système mis en place pour cette nouvelle traite qui commence avec des rabatteurs dans les pays en cause, passe par toutes sortes de mafias, se poursuit avec la livraison de leur cargaison par les O.N.G. puis ensuite, avec les cours de morale des belles âmes. Celles-ci d’ailleurs, après avoir offert, pour certains, un bol de soupe aux malheureux, exigent toujours la même chose : que ce soient les autres qui payent, c’est-à-dire la collectivité. « Les Français doivent payer, les Français paieront ». Avec souvent les cathos en première ligne qui nous bassinent avec Saint Martin, le légionnaire romain, et son manteau coupé en deux pour être donné à un pauvre. En oubliant scrupuleusement de nous rappeler le pourquoi de cette division. Eh oui, Martin, qui n’était pas généreux avec l’argent des autres, ne pouvait disposer du manteau, car la moitié conservée appartenait à l’État romain.

Manipulation et forçage

Il faut être clair ensuite. J’étais personnellement opposé à la rédaction de l’article L 622–1 et à l’incrimination de « l’aide au séjour irrégulier ». Non pas parce qu’elle était contraire à la fraternité (!) mais parce que la rédaction était trop large et violait le principe de spécialité auquel doit répondre toute incrimination pénale. Je souhaitais, pour ma part, que le texte soit revu, et les diverses hypothèses de faits considérés comme délictuels, détaillées. C’est ce qui était d’ailleurs prévu. Mais Laurent Fabius a préféré, au-delà du coup médiatique, une manipulation et un forçage qui sont gros de dangers. L’enjeu de cette affaire n’est pas la censure d’un article mal rédigé, mais la méthode utilisée qui conduit inéluctablement à renforcer les pouvoirs du Conseil à l’encontre de la souveraineté populaire. Le Parlement macronien travaille actuellement sur une nouvelle modification de la Constitution, déjà abîmée par les prédécesseurs de Macron, et qui finira de la déchiqueter. Dans une sorte de foire, ce ne sont que surenchère et concurrence pour y fourrer n’importe quoi. Travail dont le résultat ne va malheureusement que fournir des arguments à un juge fermement décidé à restreindre, voire empêcher l’expression la volonté de ce peuple qu’on déteste.

Pour combattre la volonté populaire qualifiée de « lèpre populiste », par Macron, quoi de mieux que de disposer d’un outil constitutionnel facile à manipuler permettant de mettre le Parlement au pas ?

Chapitre 3 : Loi fake news, la vérité si je mens

 

Depuis plusieurs mois, le président Emmanuel Macron et certains de ses ministres nous ont annoncé le dépôt d’un projet de loi destiné à lutter contre les « fake news ». On a entendu le président de la République nous dire « qu’ en cas de propagation d’une fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge à travers une nouvelle action en référé, permettant, le cas échéant, de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l’accès au site Internet ». Le juge des référés, juge de l’évidence, nouveau dépositaire de la vérité objective ! Et disposant ainsi d’un droit de vie et de mort sur les médias sur la base de la simple accusation de « diffusion de fausses nouvelles ».

Taisez-vous ! Vous ne discernez rien.

Finalement, Emmanuel Macron a jugé plus prudent que ce soit le groupe majoritaire qui saisisse l’Assemblée nationale d’une proposition d’abord intitulée « lutte contre les fausses nouvelles » puis « loi contre la manipulation de l’information ». La lecture de l’exposé des motifs et du texte lui-même est atterrante et ne peut que provoquer l’inquiétude de tous ceux qui sont attachés aux libertés publiques fondamentales. En particulier, à la plus importante d’entre elles : celle de la liberté de pensée et d’expression. Si ce texte était adopté, il constituerait une régression insupportable, et ouvrirait la voie à ce qui semble être l’objectif principal : empêcher l’expression sur Internet d’opinions qui ne seraient pas validées par le pouvoir et/ou par des instances médiatiques sélectionnées par ce dernier. Or la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, partie intégrante de notre Constitution, garantit cette liberté fondamentale.

Dans son interprétation, à l’occasion de l’arrêt concernant la fameuse loi Gayssot, le Conseil constitutionnel a admis qu’il puisse exister des limitations à celle-ci. Mais en exigeant « que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Or, ce qui est envisagé aujourd’hui excède largement le cadre posé par le juge constitutionnel. Françoise Nyssen, ministre de la Culture, n’a pas fait mystère du point de vue idéologique qui sous-tend cette initiative décidée par Emmanuel Macron, en déclarant publiquement que « la capacité de discernement des citoyens ne suffit plus » et qu’il « faut former les citoyens ». À la vérité officielle ? La ministre se place frontalement à contre-courant de l’héritage des Lumières, de l’héritage de la Révolution française et de toutes les traditions de notre pays. Ce legs de la liberté d’expression est incompatible avec la définition de la « fausse nouvelle »définie par l’article premier de la proposition de loi comme « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvu d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable ». Pardon ? Si j’affirme par exemple que Dieu existe, je ne peux fournir bien sûr aucun élément de preuve, vais-je tomber sous le coup de ce texte ?

L’hiver se prépare l’été

Tous les commentateurs honnêtes ont relevé son caractère liberticide. Et compris qu’agiter l’épouvantail de la chaîne d’information RT n’était qu’une diversion visant à masquer l’objet principal l’expression de l’opposition au pouvoir sur Internet. Et préserver ainsi le monopole des médias contrôlés par l’oligarchie financière.

Profitant d’un hémicycle aux trois quarts vides, les manipulateurs du groupe LREM ont franchi la première étape et fait nuitamment voter le texte. Il est prévu que ces amoureux d’Anastasie profitent de l’été pour finaliser leur méfait. Les optimistes vont nous répondre que le Conseil constitutionnel ne laissera pas passer.

C’est une plaisanterie. Nous avons vu le peu de cas que cette institution fait des principes républicains.

Conclusion générale : la tentation autoritaire

Au moment de terminer cette petite trilogie liberticide, comment ne pas être saisi d’une sourde inquiétude. Les trois épisodes – la saisie de la dotation du Rassemblement national, l’attaque contre la souveraineté populaire du Conseil constitutionnel et le vote de la loi « fake news » – qui sont autant d’attentats contre des libertés publiques fondamentales, se sont déroulés dans une seule semaine.

Le détournement de la loi par des magistrats, chargés pourtant de la faire respecter, mais devenus incontrôlables, a été utilisé pour tenter de faire disparaître la deuxième force politique électorale du pays. Le Conseil constitutionnel vient de démontrer que la façon dont il conçoit son rôle ne le porte pas à être le garant d’un certain nombre de règles supérieures, mais l’outil de la mise en cause de la souveraineté populaire. Quant à la loi « fake news », la volonté de porter atteinte à liberté d’expression saute aux yeux. Il faut faire feu de tout bois pour tenter de contrer les succès électoraux de ceux qui s’opposent à la mise en œuvre des orientations décidées à Bruxelles. Cette inquiétude se nourrit en premier lieu du constat de la multiplication de ces événements, dont l’examen permet de caractériser la mise en œuvre d’une stratégie. Mais aussi de l’absence de réactions politiques de ceux qui devraient pourtant être en première ligne sur ces questions-là.

Heures sombres: regarder le côté où s’accumulent les nuages

Tout d’abord, existent au sein des élites dirigeantes des pays concernés, de forts courants fermement décidés à combattre la « lèpre populiste » à partir de l’application du principe « la fin justifie les moyens ». Habités souvent par une idéologie du camp du bien confronté à une populace égarée, ils ne sont pas du tout gênés devant l’utilisation de mesures attentatoires aux libertés ou illégales. L’épisode qui vient de se produire en Italie en est une nouvelle preuve. L’on apprend que la Cour de cassation, à l’instar du Pôle financier français, cherche à mettre sous séquestre la somme de 40 millions d’euros appartenant à la Ligue du Nord en garantie de sommes qui pourraient être dues par un ancien dirigeant de ce parti pour des faits remontant à 2008, et alors même qu’aucune condamnation définitive n’a été prononcée.

Ensuite, la faiblesse de la culture des libertés publiques au sein des élites politiques les amène à des formes de complaisance avec cette tentation autoritaire, dès lors qu’elles pensent pouvoir en retirer un petit intérêt politicien. Le plus bel exemple en est l’absence totale de véritables réactions politiques au grossier raid judiciaire qui a permis l’élimination de François Fillon de la présidentielle et l’élection d’Emmanuel Macron. Et que dire aujourd’hui devant celle de Laurent Wauquiez, par exemple, qui semble se frotter les mains de ce qui arrive au parti de Marine Le Pen ? Sans mesurer que s’ils ne se tiennent pas tranquilles, les Républicains seront les prochains sur la liste. Ou celle de Guillaume Tabard dans Le Figaro qui juge la mesure prise par les magistrats du Pôle financier « parfaitement légale » ? Affichant ainsi un surprenant manque de vigilance devant ce qui saute aux yeux du praticien qui connaît un peu le fonctionnement de la boutique « pôle financier ».

Si l’on ne veut pas des heures sombres, il faut regarder le côté où s’accumulent les nuages.

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PS: Ne pas oublier de signer la pétition contre la loi fake news.

C’est ici.

Source :Vu du droit, Régis de Castelnau, 16-07-2018

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