Tableau périodique des éléments : la nouvelle version met en garde contre les éléments en péril

Fragilités dans le tableau périodique des éléments.

Source : The Conversation, David Cole-Hamilton, 24-01-2019

24 janvier 2019

David Cole-Hamilton

Professeur émérite de chimie, Université de St Andrews

Il est étonnant de penser que tout ce qui nous entoure est composé de seulement 90 éléments constitutifs – les éléments chimiques naturels. Dmitri Mendeleev a classé 63 de ces éléments connus à l’époque et a publié sa première version de ce que nous connaissons maintenant comme le tableau périodique en 1869. Cette année-là, la guerre civile américaine venait de prendre fin, l’Allemagne était sur le point d’être unifiée, Tolstoï publia Guerre et Paix, et le canal de Suez fut ouvert.

Il y a maintenant 118 éléments connus, mais seulement 90 sont présents dans la nature. Les autres sont pour la plupart des éléments super-lourds qui ont été créées dans les laboratoires au cours des dernières décennies par des réactions nucléaires et qui se désintègrent rapidement en un ou plusieurs des éléments naturels.

L’emplacement de chacun de ces éléments naturels dans le tableau périodique nous permet de déterminer rapidement une grande partie des ses propriétés. Pour commémorer le 150e anniversaire de cette formidable ressource, l’UNESCO a proclamé 2019 Année internationale du tableau périodique.

Dans le cadre des célébrations, la Société Européenne de Chimie a publié une toute nouvelle présentation du tableau périodique – voir l’image principale. Il est conçu pour donner un message frappant sur le développement durable ; basé sur une idée originale des années 1970 du chimiste américain William Sheehan, le tableau a été entièrement redessiné de sorte que l’aire occupée par chaque élément représente l’échelle de son abondance.

Rouge pour danger

Chaque zone du nouveau tableau a été codée par couleur pour indiquer sa vulnérabilité. Dans la plupart des cas, les éléments n’ont pas disparu mais, au fur et à mesure que nous les utilisons, ils se dispersent et sont beaucoup plus difficiles à récupérer. Le rouge indique que la dispersion rendra ces éléments beaucoup moins facilement disponibles en 100 ans ou moins – c’est le cas pour l’hélium (He), l’argent (Ag), le tellure (Te), le gallium (Ga), le germanium (Ge), le strontium (Sr), l’yttrium (Y), le zinc (Zn), l’Indium (In), l’arsenic (As), le hafnium (Hf) et le tantale (Ta).

Pour ne donner que quelques exemples, l’hélium est utilisé pour refroidir les aimants des scanners IRM et pour diluer l’oxygène pour la plongée sous-marine. Les barres de sécurité des réacteurs nucléaires utilisent du hafnium. Des sels de strontium sont ajoutés aux feux d’artifice et aux fusées éclairantes pour produire des couleurs rouge vif. L’yttrium est un composant des objectifs des appareils photo pour les rendre résistants aux chocs et à la chaleur. Il est également utilisé dans les lasers et les alliages. Le gallium, quant à lui, est utilisé pour fabriquer des miroirs, des diodes électroluminescentes et des cellules solaires de très haute qualité.

Par ailleurs, les zones orange et jaune du nouveau tableau périodique anticipent également les problèmes causés par une utilisation accrue de ces éléments. Le vert signifie qu’il y a abondance d’oxygène (O), d’hydrogène (H), d’aluminium (Al) et de calcium (Ca).

Quatre éléments – l’étain (Sn), le tantale (Ta), le tungstène (W) et l’or (Au) – sont colorés en noir parce qu’ils proviennent souvent de minéraux de conflit, c’est-à-dire de mines où les guerres se font pour leur appropriation. Elles pourraient toutes être d’origine plus éthique, ce qui nous rappelle que les entreprises doivent soigneusement retracer leur origine pour s’assurer que les gens ne sont pas morts pour pouvoir fournir les minéraux en question.

Pénuries de smartphones

Sur les 90 éléments, 31 portent un symbole de smartphone – reflétant le fait qu’ils sont tous contenus dans ces appareils. Cela comprend les quatre éléments provenant des minéraux de conflit et six autres dont la durée de vie utile prévue est inférieure à 100 ans.

Prenons l’indium (In), par exemple, qui est coloré en rouge sur la table. Chaque écran tactile contient une couche conductrice transparente d’oxyde d’indium-étain. Il y a beaucoup d’indium, mais il est déjà très dispersé. C’est un sous-produit de la fabrication du zinc, mais il n’y en a que pour environ 20 ans. Ensuite, le prix commencera à augmenter rapidement – à moins que nous ne fassions quelque chose pour préserver les stocks actuels.

Les trois principales possibilités sont : remplacer, recycler ou utiliser moins. D’énormes efforts sont faits pour trouver des matériaux alternatifs basés sur des éléments abondants sur la Terre. Il est possible de récupérer de l’indium à partir d’écrans usagés et on tente actuellement de le récupérer. Mais quand on regarde le tableau périodique et la nature très précieuse de tant d’éléments, peut-on justifier un changement de téléphone tous les deux ans environ ?

Actuellement, plus d’un million de téléphones sont renouvelés chaque mois rien qu’au Royaume-Uni (10 millions en Europe, 12 millions aux États-Unis). Lorsque nous échangeons nos smartphones, beaucoup d’entre eux vont d’abord dans les pays en développement pour être réutilisés. La plupart finissent dans des sites d’enfouissement ou on tente d’en extraire quelques éléments dans des conditions épouvantables. Les autres éléments demeurent dans des solutions acides. C’est de cette manière, et au fait que de très nombreux portables traînent dans des tiroirs, que les éléments des téléphones portables se disséminent.

Le nombre de téléphones que nous échangeons pourrait être considérablement réduit et avec lui la demande sur les ressources limitées telles que l’indium. Dans ce contexte, le récent avertissement sur les bénéfices d’Apple, dû en partie au fait que les clients remplacent légèrement moins souvent leurs iPhones, était au moins un signe d’amélioration.

Mais comme le souligne la nouvelle version du tableau périodique, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour conserver et recycler les 90 précieux éléments constitutifs de notre monde merveilleusement divers. Si nous ne commençons pas à prendre ces problèmes plus au sérieux, bon nombre des objets et des technologies que nous prenons maintenant pour acquis deviendront peut-être des vestiges d’un temps plus riche dans quelques générations – ou seulement accessibles aux personnes plus fortunées.

Source : The Conversation, David Cole-Hamilton, 24-01-2019

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

 

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