Vaccins anti-HPV :15 médecins dénoncent les risques des conflits d’intérêts

Quinze professionnels de santé s’opposent à la récente campagne en faveur de la vaccination des filles et des garçons contre le papillomavirus. Dénonçant l’influence de l’industrie pharmaceutique sur la promotion des vaccins anti-HPV, ils appellent les pouvoirs publics à y résister et demandent un moratoire.

Le 20 mars dernier, l’«appel des 50» a frappé fort. Académies, collèges, sociétés et syndicats médicaux, personnalités médicales et associations de patients ont d’une seule voix appelé les pouvoirs publics à généraliser la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV), et à l’étendre aux garçons. Le communiqué des 50 a trouvé un écho retentissant dans la presse. «Plus de 20 médias ont traité le sujet», se félicitait, cinq jours après, LJCom sur Twitter. Spécialisée en communication et influence dans le domaine de la santé, l’agence qui a relayé l’appel dans les médias compte parmi ses clients les labos qui produisent les vaccins contre le HPV.

Pourquoi une telle coalition pour demander la vaccination des filles et des garçons? «Nous sommes des médecins, chacun dans des spécialités différentes, plus ou moins concernés par le cancer et la vaccination contre le HPV. Nous constatons qu’en France, un des grands pays développés, la situation est la plus catastrophique en termes de couverture vaccinale et de recommandation. Aux Etats-Unis, en Australie, en Angleterre, dans les pays scandinaves… filles et garçons sont vaccinés», explique le pédiatre François Vié Le Sage, coordinateur du groupe vaccinologie de l’AFPA et expert Infovac.

Plus de mille femmes décèdent chaque année d’un cancer du col de l’utérus

Considérant qu’il s’agit d’une priorité de santé publique, alors que «plus de mille femmes, chaque année, décèdent d’un cancer du col de l’utérus», le pédiatre rappelle que la vaccination constitue «la vraie prévention» et le frottis de dépistage, «un pis-aller encore indispensable, malheureusement insuffisamment appliqué en France», mais que l’on pourrait «peut-être abandonner dans quelques années, si on atteint 90% de couverture vaccinale». Les HPV sont à l’origine de plusieurs cancers : col de l’utérus, pharynx (amygdales), anus, vulve, vagin, pénis. «Sur les 6 300 cas annuels, la moitié concerne les femmes, et l’autre, aussi bien les hommes que les femmes», précise le médecin.

Alors que seules 20% des jeunes Françaises participent à cette vaccination, les sociétés savantes souhaitent «rétablir la vérité scientifique» et la «confiance vis-à-vis de ces vaccins actifs et très bien tolérés». «Gardasil et Cervarix préviennent 70% des infections responsables des cancers dus au HPV, et Gardasil 9, 90%. Les études de tolérance, dans le monde, révèlent que le bénéfice est clairement en faveur du vaccin», rappelle le Dr Vié Le Sage. «En Australie, avec une couverture vaccinale massive des filles et des garçons et un recul de douze ans, les chiffres du portage des virus, sur le col et l’anus, et des lésions précancéreuses du col, se sont effondrés. On observe aussi un effet indirect chez les garçons non vaccinés, qui présentent moins de lésions dues à ces virus sexuellement transmissibles. Cela s’explique par le fait que beaucoup de filles, et de plus en plus de garçons, sont vaccinées. Ce pays prévoit d’éradiquer les virus responsables des cancers du col de l’utérus d’ici à vingt ans.»

Il faut vacciner davantage les filles et se mettre à vacciner les garçons, dans les mêmes conditions de remboursement

Redoutant que la France soit «à contre-courant» sur «cette vaccination qui prévient des cancers évitables», les 50 sociétés savantes appellent à la mobilisation pour rendre possible une «formidable et historique victoire contre le cancer». Et soutiennent la ministre Agnès Buzyn dans sa décision de saisir la Haute autorité de santé (HAS) sur la pertinence d’une recommandation de vaccination universelle. «Il faut vacciner davantage les filles jusqu’à l’âge de 19 ans et se mettre à vacciner les garçons, dans les mêmes conditions de prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles», ajoute le médecin. Avec 40% d’hésitants vaccinaux dans l’Hexagone, l’obligation peut-elle être envisagée pour ces vaccins? «La politique, en France, c’est plus de convaincre que de contraindre. Comment appliquer l’obligation vaccinale? Pour les vaccins chez les moins de 2 ans, on interdit d’entrer à la crèche et à l’école. Il paraît difficile d’interrompre la scolarité d’un collégien parce qu’il n’est pas vacciné contre le HPV. Quant à mettre des amendes, la Ministre n’est pas dans cette optique.»

J’assiste aux réunions des industriels parce que c’est eux qui fabriquent le produit

Interrogé sur le poids des conflits d’intérêts dans le domaine de la santé, le pédiatre répond : «J’ai des liens avec l’industrie, nécessaire à mon expertise, mais aucun enrichissement personnel. Iriez-vous faire réparer votre voiture chez un garagiste qui n’a aucun lien avec Renault ou Peugeot, et qui ne sait pas ce qu’ils fabriquent? Il m’arrive que des congrès me soient payés par les laboratoires. Je m’y rends, en Europe notamment, parce que c’est indispensable de voir ce qui se fait ailleurs. J’assiste à quelques réunions des industriels parce que c’est eux qui fabriquent le produit. Je veux savoir ce qu’ils font et comment ils font. Mais la source principale, pour moi, ce sont les études scientifiques. Pendant ce temps, mon cabinet est fermé et je suis à revenu zéro. L’industrie a clairement péché, entre autres, par défaut de transparence au moment de la polémique sur l’hépatite B et celle, fondée, sur le Mediator. Mais depuis les années 90, il y a un tel contrôle que les industriels ne peuvent écrire une ligne ni faire une action sans l’aval du ministère. Vous ne voyez pas de spots radio ou télé commerciaux en faveur d’un vaccin. Tous les montants versés aux médecins doivent être déclarés sur le site de la Base Transparence Santé. Les conflits d’intérêts, c’est-à-dire quand un médecin s’enrichit personnellement en favorisant un produit de l’industrie, sont clairement à proscrire.»

Des incertitudes pèsent sur l’efficacité et la sécurité de ces vaccins

Au contraire de l’appel des 50, des médecins et pharmaciens s’opposent à la généralisation de la vaccination contre le papillomavirus et considèrent qu’un moratoire sur ces vaccins «est nécessaire». Tous très attachés à leur indépendance de l’industrie pharmaceutique, ces 15 professionnels de la santé signent un droit de réponse solidement documenté selon lequel des «incertitudes majeures pèsent sur l’efficacité et la sécurité» des vaccins anti-HPV. Considérant que l’influence de l’industrie est omniprésente sur ces produits depuis leur introduction sur le marché, ces médecins dénoncent l’appel des 50 dont les signataires n’ont pas respecté l’obligation de déclarer, personnellement et individuellement, leurs liens et conflits d’intérêts. Cette loi du Code de la santé publique, peu respectée, est née suite à l’affaire Mediator. Les 15 signataires du droit de réponse espèrent que la ministre de la Santé «sera en mesure de résister à une pression médiatique qui n’a rien de spontané».

On est dans la pensée magique d’un produit révolutionnaire qui ne l’est pas

Médecin généraliste et professeur des universités à Lyon, Rémy Boussageon fait partie du comité scientifique du Conseil national des généralistes enseignants (CNGE). Une des rares sociétés savantes qui a refusé de signer l’appel des 50 considérant qu’il s’agissait «d’une opération de lobbying», explique le médecin, qui signe en son nom propre le droit de réponse. «On est dans la pensée magique d’un produit révolutionnaire qui ne l’est pas», réagit le Dr Armel Sevestre, à Rennes. Blogueur santé et médecin généraliste à Mantes-la-Jolie, Jean-Claude Grange se dit «terrifié que sur des présomptions d’efficacité, on implique toute la population». Pour lui, le message des 50 trahit «une démarche autoritaire et paternaliste, où l’on fait le bien des gens malgré eux».

Pharmacien et praticien hospitalier à Cholet (Maine et Loire), Amine Umlil se souvient de l’arrivée du Gardasil en France, en 2007 : «J’ai été surpris qu’en février, le ministre Xavier Bertrand annonce le remboursement de ce vaccin alors que la commission de transparence de la HAS était encore en train d’évaluer le rapport bénéfice-risque et n’avait pas rendu son avis.» «Ce vaccin miracle non encore remboursé par la sécurité sociale», titrait alors la presse féminine. Le ministre aurait cédé à la pression médiatique, à la suite de la grande campagne de communication lancée par Sanofi Pasteur MSD, fin 2006. Sur l’île de la Réunion, où le Gardasil a été lancé en avant-première, le médecin Philippe de Chazournes pense être le premier Français à avoir «levé le lièvre». Président d’une association de formation médicale indépendante, il se présente comme un médecin de terrain «expert du doute».

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Pourquoi un vaccin alors que le cancer du col n’est pas un problème de santé publique?

Lorsqu’en novembre 2006, un professeur de médecine ayant «participé au développement du Gardasil» vient sur l’île présenter le vaccin comme une «révolution» pour les Réunionnaises, le Dr de Chazournes ne comprend pas. «Pourquoi un vaccin alors que le cancer du col n’est pas un problème de santé publique?» Matraquage publicitaire dans les journaux, à la télé, et dans toutes les pharmacies… Gardasil est propulsé comme une innovation majeure contre le cancer. «Ce n’est pas un vaccin contre le cancer du col de l’utérus, mais un vaccin contre certains virus HPV en rapport avec ce cancer», rappelle le médecin. Sous son impulsion, l’Union régionale des médecins libéraux de la Réunion a financé un quart de page dans «Le Monde» du 8 septembre 2008 pour publier une contre-publicité.

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Son militantisme lui a valu de recevoir plusieurs appels d’un des fabricants du vaccin : «Le chiffre d’affaires à la Réunion ne décolle pas!» Et une convocation du conseil départemental de l’Ordre des médecins au sujet de «la campagne de dénigrement orchestrée autour du Gardasil» qui suscite le «mécontentement de nombreux confrères». Un expert reconnu, président d’une société savante, a fait le déplacement sur l’île pour défendre les vertus du vaccin contre le cancer du col et étouffer la polémique. «En 2006, j’étais une proie facile car assez isolé. Aujourd’hui, on est plus nombreux. Nous gênons car nous sommes crédibles», estime le médecin. Ex-correspondant de la Haute autorité de santé (HAS), Philippe de Chazournes explique que l’institution indépendante «n’a jamais été très favorable aux vaccins anti HPV».

Au centre hospitalier de Cholet, Amine Umlil organise des réunions grand public sur le médicament. Quand il découvre l’appel des 50 dans la presse, il décide d’équilibrer l’information sur ces vaccins à l’intention de ses lecteurs. «J’ai publié des données avant notre réunion sur le Gardasil car la question était urgente. J’ai estimé que la communication de l’appel des 50 n’était ni objective ni non trompeuse, qu’elle ne présentait pas le risque en perspective du bénéfice attendu, et qu’elle ne faisait pas état des éventuelles incertitudes, comme l’exigent le Code de la santé publique et les règles de communication rappelées en 2018 par l’Agence du médicament.»

L’efficacité du vaccin contre le cancer n’a pas été démontrée par les essais cliniques

Les «incertitudes», c’est le problème central pointé par ces 15 professionnels : si le vaccin prévient certaines lésions précancéreuses, son efficacité contre le cancer n’a pas été démontrée par les essais cliniques. «Prescrire», la revue indépendante qui a permis à la pneumologue Irène Frachon de faire éclater le scandale du Mediator, rappelait en mars que l’évolution d’une lésion précancéreuse vers un cancer du col de l’utérus est rare (0,3% des infections) et se produit après un délai moyen de 30 ans (la plupart des infections sont transitoires). L’efficacité du vaccin est donc aujourd’hui «hypothétique». Par ailleurs, elle précise que le bénéfice du vaccin «sur les cancers de la vulve, du vagin, et de l’anus» (des cancers rares) «n’est pas établi par des données cliniques», et que sa capacité à réduire le risque de lésions sévères chez les hommes n’est pas démontrée.

«Si le vaccin est efficace sur les lésions précancéreuses, ce ne serait pas illogique qu’il présente un bénéfice sur le cancer», estime le Pr Boussageon. Mais les preuves formelles ne sont pas encore là, contrairement à ce que tout le monde dit.» Quid des données australiennes? «Ce sont des modélisations statistiques. Cette étude, ainsi que celle qui vient de sortir en Ecosse, n’ont pas un bon niveau de preuve. S’appuyer sur des données observationnelles pour crier victoire n’est pas conforme à l’Evidence based medicine* quand il s’agit de prouver l’efficacité d’un traitement. Ce n’est pas parce que le «Lancet» ou le «British Medical Journal» publie ces études que celles-ci sont bonnes. Ce sont des arguments d’autorité.» Le professeur souligne que la prévention globale du cancer du col ne passe pas que par le vaccin : «Ce serait réduire le cancer au virus. Or s’il est nécessaire, il n’est pas suffisant. Le tabac, l’âge des premiers rapports sexuels, le nombre de partenaires, la précarité socio-économique, le dépistage, sont autant d’éléments qui jouent. On oublie aussi de promouvoir l’usage du préservatif alors qu’il est indispensable pour se protéger des maladies sexuellement transmissibles. Ces éléments doivent être discutés en consultation avec la patiente dont le choix est ensuite plus éclairé. Il est d’autant plus important de prendre ce temps que le bénéfice et le risque de ces vaccins sont incertains.»

Si le vaccin a une efficacité de 30%, il faudra vacciner 100 000 femmes pour sauver une vie par an

Pour évaluer une thérapeutique de prévention, le médecin privilégie l’«approche populationnelle» : «Considérons que sur 30 millions de femmes, 1000 décèdent chaque année d’un cancer du col. Si le vaccin a une efficacité de 30%, on sauve 300 vies. Cela veut dire qu’il faut vacciner 100 000 femmes pour sauver une vie par an ! Il faut se demander ensuite comment on justifie cela d’un point de vue économique. Par ailleurs, si le bénéfice du vaccin est faible, un risque d’effet indésirable grave, même rare, peut contre-balancer le bénéfice.» Si parmi les effets indésirables observés (beaucoup ne sont pas déclarés), la plupart sont relativement bénins et transitoires, il est plausible que ce vaccin expose à un surcroît de syndrome de Guillain-Barré notamment. «Un risque rare mais grave, et potentiellement mortel», souligne le pharmacien hospitalier qui se réfère à l’étude indépendante de la CNAMTS et au compte-rendu du Comité technique de pharmacovigilance de l’ANSM de 2015. Si les 400 000 filles concernées choisissaient d’être vaccinées, «il y aurait chaque année 4 à 8 jeunes filles de plus atteintes de syndrome de Guillain-Barré du fait du vaccin, avec une mort tous les 2 ans à 3 ans. Chaque année, 1 ou 2 femmes resteraient handicapées de façon durable.»

Du côté de «Prescrire», le remplacement de Gardasil par Gardasil 9 soulève un point critique. D’abord parce que le vaccin de nouvelle génération n’apporte pas de bénéfice supplémentaire, mais aussi parce que la dose d’adjuvant (aluminium) qu’elle contient double le risque de réaction sévère au site d’injection. Dans un contexte de «réticence à la vaccination par crainte de ses effets indésirables graves», la revue médicale concluait, l’année dernière : «Plutôt que de faire accepter une vaccination douloureuse chez les adolescentes, il est beaucoup plus utile de se concentrer sur une mesure de santé publique à même de réduire la gravité des cancers du col de l’utérus : le dépistage organisé chez les femmes adultes.»

Le vaccin a devancé de douze ans le lancement du dépistage organisé

Le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus est réclamé depuis trente ans par les professionnels de santé. L’examen de frottis cervical est le principal facteur de la diminution rapide, depuis les années 80, de l’incidence et de la mortalité de la maladie. Aujourd’hui reléguée au 12e rang des décès par cancer chez la femme. A quelques semaines de la commercialisation du Gardasil, en 2007, une analyse coût/efficacité du Comité technique des vaccinations (CTV) préconisait d’instaurer le dépistage organisé avant d’introduire la vaccination. Vœu pieux. Sitôt commercialisé, le vaccin devancera de douze ans le lancement du dépistage organisé, annoncé en janvier par Agnès Buzyn.

Bien que recommandée en association avec le frottis de dépistage, la vaccination contre le papillomavirus semble bénéficier d’une voie royale depuis son homologation. Malgré des doutes, des réticences, et le coût qu’elle fera supporter à la collectivité, si les pouvoirs publics lancent la vaccination systématique des filles et des garçons. Les 15 signataires du droit de réponse ont fait le calcul : «Le seul coût hors taxes des vaccins représenterait 1,9 milliard d’euros pendant les deux premières années et 180 millions d’euros annuels en vitesse de croisière.» En somme, la généralisation de la vaccination serait aussi une bonne opération notamment pour le laboratoire Merck, qui depuis fin 2018 redevient rentable, principalement grâce aux ventes d’un anti-cancéreux et du Gardasil. Les vaccins anti-HPV représentent un filon pour le géant américain, qui se relève de la perte du Vioxx, son médicament «roi des blockblusters», dont le retrait mondial en 2004, et les dédommagements aux victimes, lui ont coûté des milliards.

Entre 2012 et 2018, les signataires de l’appel des 50 ont reçu 1,6 millions d’euros de la part des fabricants des vaccins

Faut-il voir la main de l’industrie derrière la campagne médiatique du 20 mars? «Pour éclairer leurs concitoyens», les 15 médecins annexent à leur droit de réponse une analyse des liens et conflits d’intérêts des signataires de l’appel des 50. La Base Transparence Santé étant peu ergonomique et mal indexée, ils ont utilisé Euros for Docs, un outil qui rend beaucoup plus exploitables les données déclarées par les industriels. Sachant «qu’une proportion importante des rémunérations de contrats déclarés dans la base est gardée secrète» et que les versements sont sous-déclarés, en raison de l’absence de contrôle. Des «montants sous-estimés», des experts «sans conflits d’intérêts rémunérés indirectement par l’industrie», des associations de patients qui sont «des coquilles vides», «une formation médicale sous influence»… La recherche réalisée par ces médecins dévoile aussi «une certaine puissance financière» derrière l’appel des 50. Selon eux, «entre 2012 et 2018, l’ensemble des signataires ont reçu 1.611.066 euros de la part des fabricants des vaccins anti-HPV (Sanofi Pasteur MSD, MSD et GSK). Une somme qui se répartit entre les professionnels (223.765 euros) et les structures (1.387.301 euros)».

La presse et les médias, première cible de l’industrie pharmaceutique

Très intéressante, la recherche qui dévoile, sur la même période, les montants alloués par ces trois laboratoires à l’ensemble des acteurs de la santé pour la promotion de tous leurs produits: 420.041.772 euros. Dans la répartition de leurs investissements, on voit que la cible «presse et média» occupe loin devant la première place, avec 113.124.317 euros. Les académies, sociétés savantes et fondations arrivant en deuxième position.

Montants alloués par les 3 producteurs de vaccins anti HPV à l'ensemble des acteurs de la santé.
Montants alloués par les 3 producteurs de vaccins anti HPV à l’ensemble des acteurs de la santé. © Euros For Docs

L’appel des 50 : “Un château de cartes soutenu par de solides liens et conflits d’intérêts”

«C’est une campagne de lobbying énorme», estime le Dr Sevestre qui compare l’appel des 50 à un «château de cartes». «C’est une grande construction dont les structures sont assez fragiles, mais qui tiennent ensemble grâce à de solides liens et conflits d’intérêts. En omettant de les déclarer, les signataires de l’appel des 50 ne permettent pas aux destinataires du message d’avoir un regard critique sur l’information délivrée. Une personne qui n’a pas le temps de chercher ou qui est habituée à faire confiance pensera qu’il est impossible que tous ces gens se trompent», analyse le médecin.

«Ce qui est extraordinaire, c’est que les labos n’ont plus besoin de se montrer», constate le Dr Grange. «Avant qu’un produit ne soit lancé, on a déjà réuni et convaincu ceux qu’on a désignés comme les futurs grands experts mondiaux d’une pathologie. Cela se passe dans les «boards». Ces comités médicaux constitués par les laboratoires rassemblent des experts pour réfléchir à la stratégie au long cours : qu’est-ce qu’on pourrait faire en infectiologie, en antibiothérapie, dans la recherche contre le sida? Les propos sont recueillis. Les gens du marketing écoutent. Dans un deuxième temps, on essaie de leur insuffler les idées de développement marketing des produits. Ces experts sont ensuite utilisés comme orateurs, lors des congrès qui se tiennent après la commercialisation, pour populariser des articles montrant l’efficacité du produit.»

Les 10 géants pharmaceutiques ont investi 2,6 fois plus dans le marketing que dans la recherche

Une nouvelle ère pharmaceutique où le marketing serait roi? C’est ce que démontrait déjà en 2005 une analyse socio-économique de l’Université de Québec à Montréal au plan mondial : «Entre 1996 et 2005, les dix “Big Pharma” ont dépensé 739 milliards de dollars en frais de marketing et d’administration contre 288 milliards de dollars en frais de recherche et développement.»

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Ce qui se passe avec le Gardasil est vrai pour d’autres produits de santé

Face à une telle puissance d’influence, drainée par un réseau très complexe de conflits d’intérêts, la pensée critique sur un produit de santé peut-elle être étouffée ou discréditée? «Le système médical international est devenu effrayant. A l’étranger, de nombreux auteurs publient des analyses critiques. En France, où le pouvoir académique est très fort, c’est le vide absolu», déplore Jean-Claude Grange. «Ce qui se passe avec le Gardasil est vrai pour d’autres produits de santé. Ce qui est dramatique, c’est que les gens perdent confiance en la médecine et se réfugient chez des thérapeutes non professionnels de santé. Cela n’est pas bon pour la prise en charge de nos patients», réagit le Dr de Chazournes.

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Parmi les 15 signataires, les médecins blogueurs sont habitués à analyser la littérature scientifique et à débattre de la pertinence des politiques de santé publique. «Leur travail est prolifique! C’est quelque part ce que l’on attendrait de la part de professionnels indépendants. Il manque peut-être en France une agence qui, sans faire appel à des experts ayant des conflits d’intérêts, analyse les données scientifiques selon une méthodologie rigoureuse inspirée de l’Evidence based medicine*», remarque Le Pr Boussageon. Estimant que que les citoyens sont en avance sur les institutions, le professeur ajoute : «On peut avoir une expertise sans avoir de conflit d’intérêts avec l’industrie. C’était une faiblesse dans les années 80 car nous n’étions pas considérés comme des experts. Aujourd’hui, cela devient une force aux yeux des citoyens. Notre parole est même davantage crédible car nous n’avons pas intérêt à promouvoir ou nous opposer à un traitement.»

Rétablir la confiance des citoyens dans la parole de santé, c’est aussi la volonté de nos pouvoirs publics.

* Evidence Based Medicine ou médecine fondée sur les preuves.

Le site du droit de réponse des 15 signataires, accessible ici : « Face aux incertitudes sur l’efficacité et la sécurité, des médecins et pharmaciens indépendants de l’industrie pharmaceutique demandent un moratoire »

La déclaration de liens et conflits d’intérêts du Dr Vié Le sage (site Infovac).
Les 15 signataires du droit de réponse déclarent ne pas recevoir la visite médicale et n’avoir aucun conflit d’intérêts en ce qui concerne les vaccins anti-HPV ou avec toute entreprise du domaine de la santé.

via Vaccins anti-HPV :15 médecins dénoncent les risques des conflits d’intérêts

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