[COUP D’ÉTAT] Comprendre la nouvelle offensive contre le Venezuela

Source : Romainmigus.info, 9 janvier 2019

L’investiture de Nicolas Maduro, ce 10 janvier, provoque déjà des remous politiques et médiatiques. Élu le 20 mai 2018, le président vénézuélien doit faire face à une opération concertée et planifiée des États-Unis et de leurs alliés. Prenant pour prétexte initial les conditions électorales qui ont permis la victoire de Maduro, une poignée de gouvernements, repeinte pour l’occasion en «communauté internationale» par le truchement des transnationales de la communication, a décidé d’augmenter d’un cran la pression sur le Venezuela bolivarien.

Comme c’est devenu l’habitude dans le cas du Venezuela, la plupart des médias dominants se vautrent dans les fausses informations et oublient jusqu’au sens même de la déontologie journalistique.

Il convient, pour le lecteur scrupuleux et avide de démêler le vrai du faux, d’exposer les faits, de revenir sur les conditions de l’élection de Maduro, et d’analyser la stratégie de Washington pour punir un peuple jugé, depuis maintenant 20 ans, trop rebelle et encombrant.

Des prétextes fallacieux pour une nouvelle offensive politique

Dans ce nouveau scénario de déstabilisation du Venezuela, les justifications principales invoquées par les gouvernements opposés à Caracas tournent toutes autour des conditions de l’élection de Nicolas Maduro en mai dernier.

Afin de comprendre ces prétextes fallacieux, il nous faut revenir un peu en arrière.

En mai 2016, quelques mois après la victoire de l’opposition aux élections législatives, un processus de dialogue entre le chavisme et ses opposants a débuté en République Dominicaine. Une série de 150 réunions, sous l’égide de l’ancien président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, de l’ancien président de la République Dominicaine, Leonel Fernandez et l’ancien président du Panama, Martin Torrijos, a abouti en janvier 2018, à la rédaction d’un accord portant sur la convocation à une élection présidentielle anticipée ainsi que sur ses garanties électorales.

Or comme l’a souligné Jorge Rodriguez, chef de la commission de dialogue pour le gouvernement : «Tout était prêt [pour la signature de l’accord] jusqu’au pupitre où nous devions faire nos déclarations officielles. Et puis, dans l’après-midi, Julio Borges, l’ancien président de droite de l’Assemblée nationale, a reçu un appel téléphonique de la Colombie de l’ancien secrétaire d’État américain, Rex Tillerson […] L’opposition nous a alors annoncé qu’elle ne signerait pas l’accord. De retour à Caracas, José Luis Rodriguez Zapatero a envoyé une lettre à l’opposition pour lui demander quelle était son alternative dès lors qu’elle refusait de participer à une élection présentant les garanties sur lesquelles elle avait elle-même travaillé.»1 .

L’opposition vénézuélienne se scinde sur la stratégie à adopter. Alors que sa frange la plus radicale décide de ne pas participer, la partie de l’opposition qui n’a pas renoncé à reconquérir le pouvoir par la voie démocratique présentera un candidat, Henri Falcón. Deux autres prétendants participeront à cette élection2

Notons ici que le score de Bertucci s’explique plus par la nouveauté de cette offre électorale dans un climat de méfiance face aux partis politique que par une percée de l’évangélisme politique au Venezuela. En effet, le vote des évangélistes est lui-même divisé. Le parti évangéliste Organisación Renovadora Auténtica (ORA) soutenait Nicolas Maduro. . Il est donc tout simplement faux de prétendre que l’opposition a boycotté ce scrutin ou que Nicolas Maduro s’est présenté tout seul.3 Il s’agit là d’un story-telling obéissant à des desseins politiques bien peu démocratiques.

Un système électoral transparent et démocratique

Une des rengaines de Washington et de ses satellites latino-américains ou européens est d’affirmer que les élections au Venezuela ne s’alignent pas sur les standards internationaux en la matière. Ce qui est évidemment faux, mais nécessaire dans ce processus politico-médiatique visant à ne pas reconnaître la légalité de l’élection du 20 mai 2018, et la légitimité du résultat. Pour saisir l’hypocrisie de ces gouvernements sur le pied de guerre, attardons-nous un instant sur les conditions électorales offertes au peuple vénézuélien depuis l’approbation par référendum de la Constitution bolivarienne, le 15 décembre 1999. Notre lecteur pourra aisément se faire une idée de la transparence des élections au Venezuela en comparant ces mécanismes électoraux avec ceux à l’oeuvre dans son propre pays.

Au Venezuela, pour éviter les fraudes, les élections ne sont pas organisées par l’exécutif via le ministère de l’Intérieur. La Constitution de 1999, qui reconnaît l’existence de cinq pouvoirs indépendants – l’exécutif, le législatif, le judiciaire, le moral et le pouvoir électoral- laisse à ce dernier la tâche d’organiser les processus électoraux, en fonction de la Loi organique des processus électoraux.

Ce cadre légal, adopté en 2009, n’a pas été modifié depuis4. Il a notamment permis l’élection de multiples représentants de l’opposition à des pouvoirs publics. Aucun d’entre eux n’a d’ailleurs jamais émis de doute sur le bon déroulement du suffrage qui l’a donné vainqueur, et l’opposition n’a elle-même jamais remis en cause le cadre légal des processus électoraux. Ce qu’elle aurait pourtant pu faire au moyen d’un référendum d’initiative citoyenne, prévu pour abroger des lois par l’article 74 de la Constitution. Elle s’est toujours contentée de dénoncer les résultats des élections lorsqu’elle perdait, ou préventivement lorsqu’elle savait qu’elle allait perdre.

En ce qui concerne le vote des citoyens5, le Venezuela utilise un double système électronique et manuel. Lorsqu’on entre dans le bureau de vote, on s’identifie aux assesseurs avec sa carte d’identité et l’on active la machine à voter au moyen d’une reconnaissance biométrique. Il est donc impossible de voter deux fois. Après avoir choisi le candidat de son choix, la machine à voter émet un ticket avec le nom du candidat, que l’électeur place dans une enveloppe et dépose dans une urne. Pour finir, après avoir signé le registre électoral, il trempe son petit doigt dans de l’encre indélébile pour s’assurer une deuxième fois qu’il ne répètera pas son vote.

Dans les jours précédant l’élection, Le Centre National Électoral (CNE), organe recteur du pouvoir électoral, convoque tous les partis politiques participants à l’élection à une série de 14 audits préalables. Ainsi, sont mis à l’épreuve les listes d’électeurs, le logiciel utilisé pour la collecte des données électorales, les machines à voter ainsi que leur mode d’assemblage, le système biométrique de reconnaissance des électeurs, l’encre indélébile, le réseau de transmission des données électorales ainsi que le système de totalisation des données.6

Des observateurs de chaque parti politique participent à ces différents audits précédant le vote des citoyens. Chaque étape doit être approuvée préalablement par tous les participants pour assurer la plus grande transparence de l’élection. Et de fait, elles ont toujours été acceptées jusqu’à maintenant. Ajoutons à cela que tous les partis politiques en présence ont le droit de postuler leurs partisans comme assesseurs, ainsi que de faire participer les observateurs nationaux et internationaux de leurs choix à la surveillance des bureaux de vote.

Le soir des résultats, le CNE procédera à un nouvel audit où seront tirés au sort, devant les responsables des différents partis, 54,4% (au minimum selon la loi) des bureaux de vote ou l’on vérifiera le résultat électronique. Il s’agira alors de comparer les résultats obtenus dans l’urne après dépouillement avec le résultat électronique. Jamais une erreur n’a été détectée au cours des multiples processus électoraux.

Ces garanties pour garantir le résultat ont conduit l’ancien président étasunien Jimmy Carter à définir le système électoral vénézuélien comme étant «le meilleur du monde».7

Ce sont les mêmes procédures qui ont assuré la transparence de toutes les élections au Venezuela, que se soit par exemple, pour les élections législatives du 5 décembre 2015 (gagnées par l’opposition) ou pour l’élection présidentielle du 20 mai 2018 (gagné par le chavisme).

Comme on peut le voir, le Venezuela apporte plus de garanties électorales que dans de nombreux pays occidentaux, pour ne pas parler des pays du groupe de Lima. La transparence de l’élection de Nicolas Maduro a d’ailleurs été validée par plus de 2000 observateurs internationaux provenant notamment de la Communauté Caribéenne (Caricom), de l’Union Africaine et du Conseil des Experts Électoraux Latino-Américains (Ceela).

Au vu de ce système, on comprend aussi pourquoi une partie de l’opposition a refusé de se présenter à une élection qu’elle aurait perdue. Accepter de participer aux élections revient à s’associer aux audits et à valider la transparence du système électoral vénézuélien. Ce refus de prendre part au processus démocratique a ouvert la voie à la tentative de déstabilisation que nous voyons aujourd’hui.

Au soir de l’élection présidentielle

Au-delà des garanties électorales, les pays qui contestent la légitimité du président vénézuélien s’emploient à critiquer les résultats de l’élection présidentielle. Une fois encore, il ne s’agit que d’un prétexte pour légitimer la déstabilisation du Venezuela. Attardons-nous un instant sur ces résultats.

L’élection présidentielle au Venezuela est une élection au suffrage universel direct à un tour. Le président est élu non pas en fonction d’accords parlementaires ou par le choix de « grands électeurs » mais directement par le peuple.

Le 20 mai 2018, 9 389 056 électeurs se sont exprimés dans les urnes, soit 46,07% des citoyens inscrits sur les listes électorales. Le taux d’abstention élevé est encore aujourd’hui utilisé par les adversaires de la Révolution Bolivarienne pour disqualifier la victoire de Nicolas Maduro. Bien évidemment aucun de ces critiques ne mentionnera les dizaines de sanctions financières et de rétorsions à l’économie du pays depuis 2014.8 Une persécution qui a fortement découragé nombre de Vénézuéliens, et a augmenté leur défiance face à une solution électorale de sortie de crise. De plus, l’appel au boycott des urnes par plusieurs partis de l’opposition a eu aussi une conséquence sur le taux de participation.

Malgré cela, 30,45% des électeurs inscrits ont voté pour Nicolas Maduro au premier tour. Soit un résultat supérieur à ceux du président chilien Sebastián Piñera (26,5%), du président argentin Mauricio Macri (26,8%) ou du président Donald Trump (27,20%). Sans parler des scores réalisés au premier tour par le président colombien (21%) ou par le président Emmanuel Macron (18,19%). Personne évidemment ne conteste la légitimité de leurs élections malgré la faible proportion d’électeurs qui les a choisis.

Une stratégie coordonnée et planifiée depuis Washington

Dès l’élection de Nicolas Maduro, les États-Unis vont renforcer la coalition contre le Venezuela dans la région. Le 27 juin 2018, le vice-président américain, Mike Pence, annonçait déjà la couleur depuis le Brésil : «La liberté et la démocratie seront restaurés au Venezuela. Les États-Unis demandent au Brésil d’adopter une attitude ferme contre le régime de Nicolas Maduro.»9 Lui faisant écho, le secrétaire d’État, Mike Pompeo, affirmera, le 21 septembre 2018, que les États-Unis «continueront d’accroître le niveau de pression» contre le pays bolivarien. Ce même Pompeo réalisera plusieurs rencontres avec les responsables des gouvernements brésiliens, péruviens et colombiens afin de préparer l’opération du 10 janvier.

Mais c’est la réunion du Groupe de Lima, tenue le 4 janvier 2019, qui va véritablement définir le scénario. Au cours de ce cénacle, les gouvernements membres de cette internationale anti-bolivarienne10, se sont accordés sur une série d’actions à mener contre Caracas. Notons que le gouvernement mexicain, désormais dirigé par le président progressiste Andrés Manuel López Obrador, n’a pas souscrit à ce document et a réaffirmé la volonté de son pays de ne pas s’immiscer dans les affaires internes d’une autre nation, tranchant avec les positions bellicistes du gouvernement précédent et du groupe de Lima.

Le document approuvé à Lima est une véritable déclaration de guerre.11 En présence du secrétaire d’État des États-Unis (par visioconférence), les gouvernements opposés à la révolution bolivarienne se sont entendus pour augmenter la pression diplomatique contre le Venezuela, et persévérer dans leur intention de faire ouvrir une enquête à la Cour Pénale Internationale contre l’État vénézuélien. Une demande soutenue, d’ailleurs, par la France.12

Les membres du groupe de Lima condamnent la crise économique au Venezuela, mais adoptent une résolution pour renforcer le blocus financier contre ce pays. Le texte adopté prévoit d’établir des listes de personnalités juridiques avec lesquels ces pays «ne devront pas travailler, devront empêcher l’accès à leur système financier, et si nécessaire congeler leurs actifs et ressources économiques». De même, la résolution oblige les pays membres du groupe de Lima à faire pression sur les organismes financiers internationaux auxquels ils appartiennent pour empêcher l’octroi de nouveaux crédits à la République bolivarienne du Venezuela.

Plus surprenant encore, cette déclaration commune exige que le gouvernement «de Nicolas Maduro et les Forces armées du Venezuela renoncent à tous types d’actions qui violeraient la souveraineté de ses voisins». Cette accusation se base sur une réaction récente du Venezuela à une exploration pétrolière autorisée par le Guyana dans une zone territoriale réclamée par les deux nations voisines.13 Il s’agit là encore d’un prétexte qui fait écho à des fait dénoncés par le président du Venezuela, le 12 décembre 2018.

Lors d’une allocution télévisée, Nicolas Maduro avait parlé de la présence de 734 mercenaires sur les bases militaires d’Eglin en Floride et de Tolemaida en Colombie. Selon lui, leur but supposé aurait été d’agresser le Venezuela ou de préparer une attaque dans le but de justifier une intervention militaire contre la nation bolivarienne. Maduro a aussi déclaré que le conseiller national à la sécurité des États-Unis, John Bolton aurait incité le nouveau vice-président brésilien, Hamilton Mourao, à organiser des provocations militaires à la frontière avec le Venezuela.14 La déclaration du Groupe de Lima semble donc renforcer les suspicions d’agression émises par l’État vénézuélien.

Après avoir rappelé que l’élection de Nicolas Maduro était illégitime, le groupe de Lima exhorte le président vénézuélien à ne pas assumer la présidence et à « transférer le pouvoir exécutif, de manière provisoire, à l’Assemblée nationale ». Peu importe que Nicolas Maduro ait été élu grâce au même système électoral qui a permis l’élection du pouvoir législatif. Le but recherché par Washington et ses alliés n’est pas d’ordre démocratique, il est politique : remettre l’opposition à la tête du pays pétrolier.

Cette tentative de coup d’État institutionnel, déjà mise en œuvre dans d’autres pays de la région15, s’inscrit dans une stratégie de substitution des pouvoirs politiques légitimes. Dès juillet 2017, en toute illégalité, l’opposition a créé un Tribunal Suprême de Justice «en exil» basé au Panama, ainsi qu’un poste de Procureur Général de la Nation «en exil» depuis Bogota. Ces instances fantoches essaient depuis de se substituer aux pouvoirs légitimes vénézuéliens.

En lien avec une Assemblée nationale, elle-même déclarée en outrage judiciaire en mars 201716, ces parodies de pouvoirs publics réaliseront un simulacre de procès depuis le siège du Parlement colombien (sic), et condamneront le président vénézuélien Nicolas Maduro à une peine de 18 ans et 3 mois de prison.17

Pour illustrer cette situation saugrenue, imaginons un instant qu’un groupe de Gilets jaunes français désigne un Garde des Sceaux et une Cour de Cassation «en exil» et que celles-ci organisent un simulacre de procès pour condamner Emmanuel Macron à 18 ans de prison depuis la Douma russe. Cela prêterait à sourire, mais que se passerait-il si plusieurs états de par le monde reconnaissaient comme légitimes ces pouvoirs judiciaires «en exil» ? Il y a fort à parier que l’on entendrait un grand nombre de voix crier, à juste titre, à l’ingérence étrangère voire à la tentative de coup d’État. L’exemple que nous venons de mentionner peut paraître ridicule, mais c’est bien ce qui est en train de se dérouler au Venezuela.

Il ne faut pas prendre ces manœuvres à la légère. L’attentat manqué au moyen d’un drone chargé d’explosifs C4, qui a eu lieu le 4 août 2018, ne visait pas seulement à éliminer Nicolas Maduro mais tous les pouvoirs publics de la nation, dans le but de leur substituer leurs homologues fantoches et illégaux.18 La constitution de pouvoirs parallèles n’est pas un cirque politico-médiatique mais fait partie intégrante d’un coup d’État institutionnel en préparation.

De même, déclarer Nicolas Maduro illégitime est un message virulent pour les principaux partenaires économiques de Caracas (la Chine, la Russie ou la Turquie) leur notifiant que les accords signés avec le gouvernement bolivarien ne seront pas reconnus dès lors que Nicolas Maduro aura été renversé. Un conflit avec le pays caribéen pourrait avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières. Sergueï Riabkov, le vice-ministre des Affaires étrangères russes a, en ce sens, appelé «les exaltés de Washington à ne pas tomber dans la tentation d’une intervention militaire» au Venezuela.19

D’autre part, c’est aussi un message destiné aux Forces armées nationales, car, si le président Maduro est illégitime, cela revient à décapiter le pouvoir militaire de son commandant en chef.

C’est dans cette optique qu’il convient de décrypter le scénario élaboré par les États-Unis et ses alliés. En conformité avec la résolution du Groupe de Lima, l’Assemblée Nationale du Venezuela, en outrage judiciaire et dont les décisions sont nulles et non avenues20, a déclaré que la prise de fonction de Nicolas Maduro était une «usurpation de pouvoir». En conséquence, elle s’apprête illégalement à assumer le pouvoir exécutif durant «une période de transition». Le 8 janvier, une loi sur la transition a été discutée au sein de l’hémicycle vénézuélien dans le but de s’emparer du pouvoir exécutif à partir du 10 janvier.

Durant les discussions, le député Americo de Grazia a appelé tous les secteurs à s’aligner sur les autorités parallèles créées par l’opposition et appelé à prendre la rue pour «harmoniser les actions internationales, nationales et institutionnelles».21

Quant au nouveau président de l’instance législative, Juan Guaidó, il a appelé les militaires vénézuéliens à renverser le gouvernement à partir du 10 janvier.22)

Le décor est planté. L’épreuve de force imminente. Reste à savoir quelles personnalités politiques et médiatiques justifieront la violation de la souveraineté du Venezuela et le non-respect de ses institutions.

Source : Romainmigus.info, 9 janvier 2019

Article initialement paru sur le site de RT France. Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT ou au site Les-Crises.fr.


L’analyse de Maurice Lemoine :


Commentaire Les-Crises.fr

Vous observerez comme, classiquement, on présente peu le contexte “international” et l’Histoire d’ingérences (directe ou indirecte) dans les affaires intérieures d’autres pays.

Ainsi, rappelons que le Président Obama a pris en mars 2015 un décret contre le Venezuela, en déclarant “l’urgence nationale” aux États-Unis, “en raison de la menace grave et inhabituelle contre la Sécurité nationale et la politique étrangère des États-Unis posée par la situation au Venezuela.” (Source : Maison Blanche) :

Ces décrets sont régulièrement re-confirmés depuis lors (voir notre article ici).

Le Venezuela est d’ailleurs depuis longtemps un centre d’intérêt pour les Américains (Source : Wikileaks – mais il ne faut pas tomber dans la monomanie “le pétrole, explique tout” ; bien entendu, l’aspect politique et géopolitique compte beaucoup aussi) :

Cette tentative de coup d’État intervient dans un contexte où, depuis plusieurs mois, l’opposition vénézuélienne mais aussi Donald Trump ont publiquement évoqué l’idée d’une ingérence étrangère pour renverser le Président Maduro.

L’opposition “démocratique” vénézuelienne

Le 22 janvier, le Vice-Président américain qualifie M. Maduro d’usurpateur, et soutien les manifestations du lendemain (voir la vidéo ici)

Les leaders de l’opposition de droite félicitant l’année dernière le président brésilien Bolsonaro pour son élection, et espérant qu’il ramènera “la Démocratie” au Venezuela…

Depuis hier, plusieurs pays ont reconnu le coup d’État :

Ça ressemble donc à ça désormais un Coup d’État sur Twitter…

Ca marche aussi pour le peuple français ?

Rappel :

Freddy Guevara, un des leaders de l’opposition vénézuélienne, était en France il y a quelques mois. On l’a souvent vu dans les manifestations au Venezuela (qui ne respectent pas les nouvelles normes françaises quand à l’équipement des manifestants)

En revanche, quand l’argent de la Françafrique irrigue bien notre pays, ce n’est pas la même chose – sans même reparler des Chinois :

Bref, ce sont bien les gens qui font voter des lois à cause de la supposée “inacceptable ingérence russe” qui posterait des messages sur Facebook ?

Ce n’est pas ironique du tout en fait… Ils sont probablement très mécontent que soit déstabilisé un autre de leur alliés. Source : L’Obs

Concluons par un exemple de l’habituel story-telling de la presse mainstream – où les soutiens à Maduro n’existent plus… (bien entendu, il ne faut pas tomber dans le story-telling inverse…)

Venezuela : « Cela fait longtemps que nous attendons un leader comme Juan Guaidó »

Source ; Le Parisien, Guylaine Roujol Perez, 24 janvier 2019

Au lendemain de manifestations qui ont drainé des centaines de milliers de personnes contre Nicolas Maduro, le leader de l’opposition se présente comme le « nouveau président par intérim ».

Un président autoproclamé et aussitôt reconnu par les Etats-Unis et plusieurs pays voisins, un ministre de la Défense qui assure que l’armée reste unie et opposée à un dirigeant « imposé sous d’obscurs intérêts », des centaines de milliers de manifestants ivres d’espoir reprenant en chœur un slogan symbole d’unité populaire « El pueblo, unido, jamás será vencido » (NDLR : le peuple, uni, ne sera jamais vaincu)

Soixante-et-un ans après le coup d’Etat qui avait fait tomber la dictature du général Marcos Pérez Jiménez, la journée du mercredi 23 janvier restera sans aucun doute dans l’histoire du Venezuela.

OB : La journaliste est au courant que ce n’est pas une dictature ? Il vient d’avoir des élections présidentielles, et l’opposition est majoritaire ua Parlement ! De quoi faire rêver un Chinois ou un Saoudien…

Alors que l’avenue Libertador de Caracas était noire de monde, Juan Guaidó, président de l’Assemblée nationale et leader de l’opposition, a rejoint les manifestants place Juan Pablo II de Chacaíto où il a exhorté les Vénézuéliens « à ne jamais se rendre ». Avant de jurer sur la Constitution et « devant dieu tout-puissant » d’assurer la charge de président dans un « gouvernement de transition » puis des élections libres, sous les vivats et les applaudissements d’une foule galvanisée comme une vague trop longtemps retenue. Des élections libres également appelées par l’Union européenne.

OB : Elle a appelée la Chine et la Saoudie aussi, ou le numéro était occupé ?

Une « vacance du pouvoir »

Deux jours après la tentative de soulèvement d’une poignée de militaires contre le régime de Nicolas Maduro, le très récent leader de l’opposition a promis de « résister jusqu’à la démocratie, jusqu’à la liberté » s’appuyant sur l’article 233 de la constitution du pays. Celle-ci prévoit que le président de l’Assemblée nationale assume le pouvoir exécutif en cas de vacance du pouvoir. Une vacance justifiée par les opposants au leader socialiste par la révocation populaire et les conditions troubles de son élection.

OB : Le Président qui vient d’être élu, et investi le 10 janvier est donc en vacance du pouvoir ?

Nicolas Maduro a de son côté ordonné l’arrestation du leader de l’opposition

OB : on peut se demander quelel serait la réaction de la presse si Marine Le Pen se déclarait Présidente légitime, soutenue par Salvini…

et donné 72 heures au personnel diplomatique des Etats-Unis, avec qui il a rompu les relations, pour quitter le pays.

Pour Eréndira, une journaliste qui vit dans la capitale, l’ambiance à Caracas durant cette journée était celle « d’une grande joie. Cela fait si longtemps que les gens attendent un leader comme Juan Guaidó… Quelqu’un à qui on ne connaît pas de casserole. C’est pour ça que les gens sont si enthousiastes ! »

OB : Précision, rigueur, objectivité, explication de la complexité des choses : du vrai journalisme à la française !

Les milices s’en mêlent

« Dans l’après-midi, il y a eu des gaz lacrymogènes et quelques affrontements entre la police et des gens qui partaient de quartiers de l’ouest de la ville pour rejoindre le cortège. Mais globalement, l’ambiance est à l’espoir, à la joie. Une manifestation était prévue avec les soutiens de Maduro, mais il semblerait qu’il y ait eu très peu de monde, trop peu pour l’appuyer. »

Les Vénézuéliens sont sortis dans la rue dans d’autres grandes villes du pays. « Mais certaines manifestations ont été réprimées par la Garde nationale, la police et des colectivos (NDLR : Des milices armées qui soutiennent le gouvernement) et on parle de 16 morts. » poursuit Eréndira.

Jorge a participé à celle de San Cristobal (État du Táchira) dans le nord-ouest du pays, où une foule habillée de blanc est partie de cinq points de rassemblements pour se diriger vers la place Bolivar, sans jamais rencontrer de manifestants pro gouvernement : « Nous voulons appuyer l’arrivée au pouvoir du président de l’Assemblée nationale. La manifestation s’est passée normalement, avec beaucoup d’espoir. A 13h30, les gardes nationaux ont lancé des bombes lacrymogènes pour nous disperser. Il y a eu quelques blessés mais à ma connaissance rien de grave. Par la suite, cela s’est corsé avec l’arrivée des colectivos qui étaient armés et ont tiré. J’ai vu deux personnes touchées, l’une à la tête, l’autre à l’épaule. Je viens d’apprendre qu’elles étaient décédées. Les blessés ont été évacués vers l’hôpital central. »

« Le début de la fin du cauchemar »

A Valencia (état de Carabobo), un Vénézuélien voyant la police se joindre aux manifestants commente la scène et finit en sanglots « C’est le début de la fin de ce cauchemar ». Quelques heures avant, comme un symbole fort rappelant d’autres soulèvements, la statue d’Hugo Chavez à San Félix (État du Bolivar) avait été brûlée puis pendue par-dessus un pont.

OB : c’est vrai que pour beaucoup de Vénézuéliens, la vie est très dure, un vrai cauchemar. Mais pourquoi ne pas parler des sanctions qui n’aident pas le pays ?

A l’extérieur du pays, la diaspora aussi était mobilisée. Pedro, exilé en Colombie et membre du mouvement Rumbo Libertad (en route vers la Liberté), a manifesté à Bogota. « Nous espérons vraiment sortir de cette dictature. Les Vénézuéliens qui vivent dans des conditions précaires aspirent à rentrer chez eux. En tant que membre du mouvement Rumbo Libertad, nous avons passé des accords avec l’opposition afin qu’il n’y ait pas de négociation avec les personnes actuellement au pouvoir mais un gouvernement de transition avec des élections libres et transparentes. » Le cortège d’environ 2000 personnes a terminé sa marche devant l’ambassade du Venezuela.

Source ; Le Parisien, Guylaine Roujol Perez, 24 janvier 2019

Une proximité un peu gênante peut-être…

(Billet édité)

Nous vous proposons cet article afin d’élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]

Notes

1. Cathy Dos Santos, “Venezuela. «Il faut diversifier notre économie sans toucher au social »”, L´Humanité, 03/04/2018, https://www.humanite.fr/venezuela-il-faut-diversifier-notre-economie-sans-toucher-au-social-652993
2. Bertucci, pasteur évangélique mouillé dans le scandale des Panama Papers se présentera en candidat indépendant, ainsi que Reynaldo Quijada, soutenu par une fraction du trotskysme vénézuélien. Ils réaliseront respectivement 10,82% et 0,39% des voix.Notons ici que le score de Bertucci s’explique plus par la nouveauté de cette offre électorale dans un climat de méfiance face aux partis politique que par une percée de l’évangélisme politique au Venezuela. En effet, le vote des évangélistes est lui-même divisé. Le parti évangéliste Organisación Renovadora Auténtica (ORA) soutenait Nicolas Maduro.
3. À propos de la fake news sur l’interdiction des partis politiques au Venezuela, lire Thierry Deronne, “L’interdiction d’un parti qui n’existe pas”, Venezuela Infos, 29/01/2018, https://venezuelainfos.wordpress.com/2018/01/29/venezuela-linterdiction-dun-parti-qui-nexiste-pas/
4. Cette loi complète la loi Organique du Pouvoir électoral approuvée en 2002.
5. L’auteur de ces lignes a déjà participé aux élections municipales et régionales de 2013.
6. Lire la liste des audits sur le site du Centre National Electoral, http://www.cne.gov.ve/web/sistema_electoral/tecnologia_electoral_auditorias.php
Nous invitons les lecteurs courageux à se plonger plus en profondeur dans ces systèmes d’audit en lisant les longs rapports techniques du CNE (en espagnol) http://www.cne.gov.ve/web/media/biblioteca/AUDITORIAS/libro-auditorias-del-sistema-automatizado-de-votacion.pdf
7. “Jimmy Carter: “El sistema electoral venezolano es el mejor del mundo”, RT, 20/09/2012, https://actualidad.rt.com/actualidad/view/54145-jimmy-carter-sistema-electoral-venezolano-mejor-mundo
8. Romain Migus, “Chronologie des sanctions économiques contre le Venezuela”,Venezuela en Vivo, actualisé le 07/01/2019, https://www.romainmigus.info/2019/01/chronologie-des-sanctions-economiques.html
9. “Mike Pence : La libertad será restaurada en Venezuela”, El Nacional, 27/06/2018, http://www.el-nacional.com/noticias/latinoamerica/mike-pence-libertad-sera-restaurada-venezuela_241757
10. Les gouvernements membres du groupe de Lima sont ceux d’Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Guyana, Honduras, Panama, Paraguay, Pérou et Sainte Lucie. Ainsi que celui du Mexique qui a refusé de signer la dernière déclaration.
11. Document disponible sur https://www.gob.pe/institucion/rree/noticias/24270-declaracion-del-grupo-de-lima
12. Palais de l’Elysée, “Communiqué relatif à la situation au Venezuela”, 30/09/2018, disponible sur https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/09/30/communique-relatif-a-la-situation-au-venezuela
13. Manuel Palma, “Los buques de la discordia: Venezuela y Guyana reavivan la disputa por su diferendo territorial”, RT, 28/12/2018, https://actualidad.rt.com/actualidad/300448-buques-discordia-venezuela-guyana-reavivar
14. Luigino Bracci, Maduro denuncia: Más de 700 paramilitares entrenan en Colombia para ejecutar golpe de Estado en su contra”, AlbaCiudad,12/12/2018, http://albaciudad.org/2018/12/maduro-golpe-de-estado-john-bolton/
15. Notamment au Honduras (2009), au Paraguay (2012), au Brésil (2016) ou en Equateur (2017).
16. Après l’élection des députés en décembre 2015, une plainte a été déposé par les candidats du Psuv dans l’Etat d’Amazonie pour achat de voix de la part de leurs opposants élus. Le tribunal judiciaire ayant sanctionné par la suite cette malversation, le tribunal du pouvoir électoral a exigé que l’élection de ces trois postes de députés soit à refaire. La présidence de l’Assemblée Nationale ayant refusé de se plier aux pouvoirs judiciaire et électoral, l’Assemblée Nationale a été déclaré en outrage judiciaire. Les décisions et votes qui émanent du pouvoir législatif sont donc nuls et non avenus tant que la présidence de l’Assemblée Nationale n’autorise pas le retour aux urnes. Précisons que l’opposition détient une majorité absolue de 122 députés sur 167 postes.
17. TSJ en el exilio condenó a Maduro a 18 años y 3 meses de prisión”, El Nacional, 15/08/2018, http://www.el-nacional.com/noticias/crisis-humanitaria/tsj-exilio-condeno-maduro-anos-meses-prision_248160
18. Romain Migus, ”Le drone médiatique explose en plein vol”, Venezuela en Vivo, 08/08/2018, https://www.romainmigus.info/2018/08/le-drone-mediatique-explose-en-plein-vol.html
19. “El Gobierno ruso advirtió a Estados Unidos contra una posible intervención militar en Venezuela”, SputnikNews, 09/01/2019, https://mundo.sputniknews.com/politica/201901091084610873-politica-de-eeuu-respecto-venezuela/
20. Voir explication en point 16.
21. Maritza Villaroel, “Asamblea Nacional arranca proceso para Ley de Transición”, Site de l’Assemblée Nationale du Venezuela, 08/01/2019, http://www.asambleanacional.gob.ve/noticias/_asamblea-nacional-arranca-proceso-para-ley-de-transicion
22. “El golpismo venezolano no descansa”, Pagina12, 05/01/2019, https://www.pagina12.com.ar/166485-el-golpismo-venezolano-no-descansa?fbclid=IwAR3-4Oe_vnJzRq_FCnpTW0sbBoFUmWispXhMDOk0PxwTt82jbXm2sT2eHdM(traduction française disponible sur http://venesol.org/2019/01/07/juan-guadio-president-du-parlement-venezuelien-appelle-a-un-coup-detat-contre-nicolas-maduro/

via » [COUP D’ÉTAT] Comprendre la nouvelle offensive contre le Venezuela, par Romain Migus

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