Insécurité : les tricheries statistiques du ministère de l’intérieur

Atlantico : Que définissez-vous comme étant les principaux « mensonges » du ministère l’Intérieur ?

Xavier Raufer : Ces mensonges sont au nombre de trois :

Mensonge N°1

Les blessés des guerres de gangs décomptés en « violences physiques non-crapuleuses » ou « violences gratuites » – Hors des homicides, l’Intérieur décompte les blessés même graves ou mourants, de ces batailles, comme « violences physiques non-crapuleuses » ou « violences

gratuites », moyen facile de délester l’inquiétant poste statistique des violence entre bandes criminelles. Or ce classement est un total non-sens : rien de plus stratégique et prémédité que ces batailles dont l’objet – fort « crapuleux » et pas du tout « gratuit », est d’usage d’assurer le contrôle criminel d’un gang sur « son » territoire et d’en chasser la « concurrence ».

Mensonge N°2 

L’escamotage des cambriolages – Jusqu’à présent, les chiffres publiés chaque mois par la statistique du ministère de l’Intérieur concernent – étrangement – les seuls cambriolages de résidences principales. Votre maison de campagne est cambriolée ? C’est négligé par la statistique publique. Or ces cambriolages « évaporés » (locaux officiels, d’entreprises ; locaux agricoles, résidences secondaires etc.) forment – proportion considérable – ± 40% du total connu. Comme c’est la norme en Europe, l’Intérieur devrait publier le total des cambriolages en y précisant combien de résidences secondaires, de locaux professionnels, agricoles ou officiels, etc. Que l’Intérieur fournisse plutôt des chiffres tronqués et révélateur – et inquiétant.

Mensonge N°3

Entre Intérieur et Justice : l’évaporation des vols avec armes – Rappel : l’article 311-8 du Code pénal en vigueur dispose que « Le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d’amende lorsqu’il est commis avec usage ou menace d’une arme ou par une personne porteuse d’une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé ». Ce vol avec arme est un crime, passible de la Cour d’assises. D

Maintenant, l’entourloupe : depuis 1972, la statistique mensuelle des crimes et délits se décompte par un « État 4001 », agrégat de 19 index thématiques mesurant l’activité officielle sur les infractions (crimes, délits), enregistrées  leur occurrence par les forces de sécurité, puis portées à la connaissance de la justice. Or voici ce qu’expose un texte de l’assemblée nationale [28/03/2019 « Rapport d’information – Évaluation de la lutte contre la délinquance financière »] : « 19 index regroupent chacun une liste précise de natures d’infractions (en abrégé, NATINF). Lors de l’enregistrement d’une infraction dans le logiciel de rédaction de procédure par la police ou la gendarmerie, l’enquêteur saisit une NATINF mais c’est sa hiérarchie qui assume le choix de l’indexation. A la clôture de l’enquête, le magistrat de permanence confirme la NATINF choisie en enregistrant le fait. C’est alors que la NATINF et l’indexation sont saisies dans la base de données utilisée pour établir les statistiques » (nous soulignons).

Suivons ce frauduleux parcours : sur le terrain, un officier de police ou un gendarme recueille des faits. Rentré à sa base, l’intéressé n’envoie pas directement un PV à la justice : le commissaire ou le gendarme en chef local s’en charge. Entré sous sa nature d’affaire (NATAF) le PV en ressort, « retouché » ou pas, comme braquage ou pas, selon sa NATINF.

A son gré, ou selon des instructions hiérarchiques, un commissaire ou un officier gendarme peut dévaluer un « vol avec arme » (jugé en cour d’assises) en « vol aggravé » ou « violences en réunion avec la menace d’une arme » (simples délits) : dans les statistiques, cela fait un braquage de moins. Tout ministre de l’Intérieur lassé des mauvais chiffres, ou ministre de la Justice impécunieux (prix moyen d’un procès d’assises : 600 000 euros), peut ainsi pressurer les gradés du terrain pour que des crimes (braquages) soient transformés, par la magie du classement, en d’anodins délits ; d’où en aval, une factice « baisse des braquages ».

Cette quotidienne manipulation affecte le nombre des vols à main armée réellement commis, peut-être dix mille par an, même si seule la révélation des archives internes des ministères concernés (Justice, Intérieur) l’établirait.

Cas concret : Y., D. et S. sont jugés au tribunal pour un braquage avec armes à feu pointées sur les victimes. Y. a déjà été condamné dix fois ; les autres, quatre ou cinq fois. Or au TGI – dévaluation judiciaire courante – ils sont jugés pour un banal « vol aggravé ». Ainsi de suite au quotidien, dans chaque tribunal de France. Combien de « braquages » en moins dans les statistiques de fin d’année ? Serait-ce assez pour expliquer une baisse factice ?

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