La gestation pour autrui en Inde – Ined – Institut national d’études démographiques
Comme Israël, la Russie ou l’Ukraine, l’Inde pratique la GPA basée sur un échange financier. Par ailleurs, contrairement à ce qui est pratiqué dans d’autres pays (États-Unis, Thaïlande, Royaume-Uni), l’Inde présente l’avantage d’établir le certificat de naissance de l’enfant au nom de la mère, et non pas au nom de la femme qui a porté l’enfant et qui a accouché. Économiquement, pour les parents étrangers, la GPA était relativement peu coûteuse en Inde, de l’ordre de 30 000 à 40 000 € (hors frais de voyage), comparés aux 100 000 € minimum à mobiliser pour une GPA pratiquée aux États-Unis.
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Le recrutement des gestatrices est essentiellement réalisé en fonction de leur capacité à mener à bien le « travail de gestation », en particulier avoir un utérus de grande taille et de qualité afin d’être en mesure de porter une grossesse multiple éventuelle. Les parents d’intention peuvent généralement choisir leur gestatrice via des profils postés sur le site internet privé de l’agence ou de la clinique.
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Dans l’ensemble des études menées en Inde sur la GPA, les gestatrices réunissent en général les critères fixés par les recommandations gouvernementales indiennes : être mère, être âgée de 21 à 35 ans, être mariée et avoir l’accord explicite de son mari, avoir eu moins de cinq naissances vivantes.
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La majorité des gestatrices indiennes qui ont été interrogées dans les différentes études occupaient un emploi avant de se tourner vers la GPA. Comparativement à la population indienne, les gestatrices ne sont ni parmi les moins lettrées ni parmi les plus pauvres. Très peu sont analphabètes. La moitié d’entre elles avaient un revenu mensuel d’au moins 10 000 roupies, sachant que 75 % de la population indienne avait un revenu inférieur à ce seuil en 2011-2012.
Leur motivation pour devenir gestatrice est financière. Elles reçoivent pour l’ensemble du processus de GPA une somme qui varie entre 200 000 et 500 000 roupies (soit entre 2 800 et 7 000 € environ(2)), ce qui représente souvent pour elles l’équivalent de plusieurs années de salaire. Les gestatrices ont une vision claire de l’utilisation qui sera faite de l’argent et indiquent que ce revenu améliorera leurs conditions de vie et surtout celles de leurs enfants. En effet, pour beaucoup, cette gestation est avant tout le projet d’une mère de famille qui souhaite un avenir meilleur pour ses enfants, qu’il s’agisse de leur donner accès à une école privée pour assurer leur éducation ou de payer la dot de leurs filles pour leur permettre de se marier. La gestation pour autrui apparaît donc comme une « stratégie maternelle ». Elle peut également s’inscrire plus largement dans une stratégie familiale lorsque l’argent servira à payer les dettes de la famille, à acheter un rickshaw (petit taxi) qui permettra au mari de subvenir aux besoins du foyer, ou encore à acquérir un logement. Au-delà de cette motivation économique, les femmes considèrent qu’en aidant un couple sans enfant cette gestation leur permet de réaliser une bonne action, ce qui représente un aspect important de l’hindouisme, religion pratiquée par plus de 80 % de la population du pays.
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La perspective d’une césarienne est redoutée. Par rapport à l’enfant qu’elles portent, les gestatrices mettent en avant l’avenir heureux qui l’attend avec des parents aimants et financièrement aisés. Elles émettent cependant le regret de ne pas être autorisées à le voir au moment de la naissance.
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La GPA tend donc à être décrite comme une expérience assumée par les gestatrices qui présentent ce choix comme celui de femmes instruites, épouses et mères prenant en main la destinée de leur famille pour en améliorer les conditions de vie ou faire face à des problèmes financiers, ponctuels ou durables. Les entretiens ont néanmoins parfois conduit à fissurer ce discours. De nombreuses gestatrices ont indiqué qu’elles ne souhaitaient pas renouveler cette expérience dans le futur.
De manière plus poignante, une question sur la possibilité que leur propre fille puisse devenir un jour gestatrice à son tour, a parfois provoqué de fortes émotions chez ces femmes qui y voyaient le signe d’un échec de leur propre GPA à changer la vie de leur famille. Cette étude s’est arrêtée aux portes des centres médicaux et il restera dans l’avenir à explorer le devenir de ces femmes, de leurs enfants et de leurs familles afin de savoir si les rêves d’un avenir meilleur se sont concrétisés.