Le profil inquiétant de Jean-Marc Borello, délégué national d’Emmanuel Macron
Un nom vient de surgir dans la campagne, c’est celui de Jean-Marc Borello. Voici ce qu’en dit l’excellente revue quinzomadaire Faits & Documents (du 15 au 30 avril 2017). Nous avons ajouté deux articles de Libération et du Figaro, qui évoquent le personnage de manière très contrastée…
Le « vrai patron de Macron ». C’est ainsi que Le Point (2 mars 2017) présentait Jean-Marc Borello, « pape de l’économie sociale et solidaire », président depuis 1997 du Groupe SOS (15 000 salariés, 900 millions d’euros de chiffre d’affaires) – primé à ce titre par la Fondation Schwab au dernier Forum économique mondial de Davos –, délégué national d’En Marche ! et ancien professeur d’Emmanuel Macron à Sciences-Po Paris où il a enseigné entre 1998 et 2003.
Né en 1957, ce fils d’un militaire et d’un cadre chez Pechiney (cheftaine d’une troupe scoute) devait renier « les valeurs « droite catho » de la famille » (Enjeux, octobre 2008) et commencer comme éducateur spécialisé du ministère de la Justice aux Ulis (Essonne). Chargé de mission à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (1982-1984) avant de rejoindre le cabinet de Gaston Deferre au ministère de l’Intérieur (1982-1984) puis de Gilbert Trigano à la délégation chargée des nouvelles formations dans le cabinet de Laurent Fabius (1984-1986), il a parallèlement cofondé SOS Drogue International, en 1984, avec la chanteuse Régine (née Zylberberg, épouse Choukroun) dont il dirigera pendant dix ans les affaires (le Pavillon Ledoyen, le Regine’s, etc.), ce qui lui vaudra une condamnation en 1999 à six mois de prison avec sursis pour « facilitation de l’usage illicite de stupéfiants » dans ses fonctions de gérant de la boîte de nuit parisienne branchée Le Palace.
Célibataire endurci, Jean-Marc Borello fut également, avec le conseiller d’État Philippe Sauzay, des magistrats parisiens comme la juge Eva Joly, des journalistes comme Geneviève Moll, un administrateur de l’Institut des Tournelles, association de protection de l’enfance pratiquant la « thérapie par le luxe » inspirée par Françoise Dolto (nuits dans des châteaux et des palaces parisiens), le tout financé par la Sécurité sociale, le ministère de la Justice, mais aussi Danielle Mitterrand, Raïssa Gorbatchev, etc. Le directeur de l’institut, Robert Mégel, fonctionnaire de la Protection judiciaire de la jeunesse, sera définitivement condamné à douze ans de prison pour pédophilie en 2006. Jean-Marc Borello, représentant de l’association lors de l’ouverture de l’enquête en 1997, plaidera en faveur de Mégel lors des procès successifs.
Directeur du Journal du Sida et de Respect Magazine, « l’atout social d’Emmanuel Macron » (Le Monde, 17 janvier) a piloté, en 2013, la loi sur l’économie sociale et solidaire portée par Benoît Hamon, dont l’actuel conseiller économique Nicolas Hazard n’est autre que le vice-président du Groupe SOS. Par ailleurs, le Groupe SOS a récemment décroché de gros contrats pour la mise en place des programmes de « déradicalisation ». Notons que Jean-Marc Borello, qui bénéficie de solides réseaux dans la police, est un proche de Jules Boyadjian, conseiller parlementaire de Bernard Cazeneuve place Beauvau puis à Matignon.
Pour rafraîchir la mémoire de nos lecteurs, voici l’introduction d’un article de Libération sur l’affaire des Tournelles, daté du 6 mai 2006, sous le titre de Défilé chic pour défendre l’ex-éducateur des Tournelles :
C’est un véritable clan des partisans qui défile à la barre de la cour d’assises d’appel de Paris, depuis deux semaines, pour défendre Robert Mégel. Ce dernier était le patron des Tournelles, centre pour mineurs difficiles de Seine-et-Marne, où il prônait la rééducation par « le beau et le merveilleux » avant d’être condamné à onze ans de prison, en 2004, pour viols et attouchements sur mineurs. Anciens administrateurs, psychiatre, cadres, éducateurs ou pensionnaires, ils assurent que l’homme dans le box est innocent. Et que Jérôme, le brun jeune homme assis sur le banc des parties civiles, n’est qu’un menteur.
« Ces faits sont matériellement impossibles », assène Jean-Marc Borello, ancien administrateur des Tournelles, aujourd’hui délégué général du groupe SOS Drogue International. Borello affirme qu’il ne jouait aucun rôle dans la vie quotidienne des Tournelles, mais il assure : « Dans cette institution, compte tenu de son mode de fonctionnement, ces histoires de pédophilie étaient impossibles. » Ceux qui redoutent le contraire sont des guignols (un ancien chargé de prévention de la pédophilie du conseil général) ou des incompétents (deux anciens directeurs opérationnels du centre). Quant à l’ancien président du conseil d’administration, qui doutait lui aussi de l’innocence de Mégel, « il avait la volonté d’expédier cette association par le fond et sur ordre du préfet qui était parti en croisade contre ce qu’il pensait être une version seine-et-marnaise de l’affaire Dutroux ».
Sous le titre flatteur Jean-Marc Borello, le grand patron (social) qui murmure à l’oreille d’Emmanuel Macron, Le Figaro du 27 avril 2017 propose un grand portrait dithyrambique de Borello. Morceaux choisis.
D’aucuns le voient déjà ministre des Affaires sociales d’Emmanuel Macron élu dans 10 jours à la présidence de la République, pilier d’un gouvernement ouvert sur la société civile. Un poste qui, il faut bien le reconnaître, irait sur le papier très bien à Jean-Marc Borello, 59 ans, président fondateur du groupe SOS, le numéro un européen de l’économie sociale et solidaire, avec ses 15.000 salariés répartis dans 405 établissements en France et ses 900 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais une hérésie pour ce « Bill Gates du social », comme il est surnommé, l’un des deux seuls Européens à avoir été désigné « entrepreneur social de l’année » (c’était en 2016) par la puissante fondation Schwab.
Le quotidien passe très vite sur une des mille vies de Borello, à savoir quand il était éducateur :
En fait, l’ancien prof du jeune et sémillant Macron à Sciences Po – il a déjà eu 1 000 vies et a été aussi, entre autres, éducateur spécialisé, conseiller ministériel ou encore a dirigé Le Pavillon Ledoyen à Paris pour le compte de la chanteuse Régine – dérange plus l’ordre établi qu’il ne cherche à le pénétrer.
Borello connaît des personnalités de poids :
Toute sa vie, ce proche de Simone Veil – il voue un véritable culte à l’ancienne ministre de la Santé – l’a d’ailleurs dédiée à ceux qui sont dans le besoin. Aux toxicos, SDF, malades du Sida, réfugiés, jeunes délinquants qu’il continue d’ailleurs toujours de prendre en charge dans l’un des pôles du groupe SOS…
Malgré ce CV haut de gamme, les patrons semblent l’éviter :
Mais pour les patrons du CAC 40 qu’il côtoie peu – il est allé pour la première fois en janvier dernier au forum économique mondial de Davos et n’est pas certain d’y retourner un jour –, Jean-Marc Borello n’est pas de leur monde. « Ils ne le connaissent pas vraiment : c’est un personnage hors série qui a réussi sans être un furieux capitaliste », confie Raymond Soubie, le président des sociétés de conseil Alixio et Taddeo, et ancien conseil social de Nicolas Sarkozy à l’Élysée de 2007 à 2010.
C’est peut-être à cause de sa condamnation pour « usage de stupéfiants » et sa réputation de « voyou » :
Pour certains de ses congénères, Borello n’est rien d’autre qu’un voyou qui a été condamné dans les années 90 à de la prison avec sursis pour avoir « facilité l’usage illicite de stupéfiants » dans la boîte de nuit le Palace, qu’il dirigeait alors.