Des soldats français déployés en renfort en Syrie depuis deux semaines, annonce Washington
Le secrétaire d’Etat américain a annoncé que la France avait envoyé des soldats en renfort au début du mois d’avril. Selon Washington, il ne s’agirait pas de contrer les opérations militaires de la Turquie mais d’empêcher un retour de Daesh.
Ce n’est pas Paris qui en a fait l’annonce, mais Washington. James Mattis, secrétaire d’Etat américain, a dévoilé ce 26 avril 2018 que des soldats français étaient arrivés en renfort en Syrie deux semaines auparavant, confirmant une information donnée notamment le 4 avril dernier par le site Debkafile, réputé proche du renseignement israélien.
«Les Français nous ont renforcés en Syrie avec des forces spéciales au cours des deux dernières semaines», a précisé James Mattis, s’exprimant devant le Congrès américain. «Vous allez assister à un nouvel effort dans la vallée de l’Euphrate dans les jours qui viennent», a-t-il ajouté.
Selon Debkafile, qui citait une source militaire, des Marines américains ainsi que des soldats français auraient débarqué dans le nord de la Syrie le 3 avril 2018, une date qui n’a toutefois pas été confirmée officiellement. Les forces françaises et américaines auraient pris position le long de la rivière Sajour, dans le but de contrer l’avancée de l’armée turque, d’après le site. Le 29 mars, les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) se prévalaient déjà d’un appui prochain de la France dans le nord de la Syrie. Le lendemain 30 mars, Paris précisait qu’une intervention militaire dans le nord de la Syrie ne se ferait que dans le cadre de la coalition dite «arabo-occidentale» dirigée par les Etats-Unis.
James Mattis était interrogé sur le souhait exprimé à plusieurs reprises par le locataire de la Maison Blanche de retirer les forces américaines de Syrie. «A l’heure actuelle, nous ne nous retirons pas», a-t-il répondu, au risque de désavouer Donald Trump. «Je suis convaincu que nous le regretterions sans doute», a encore martelé le secrétaire d’Etat.
En décembre 2017, le Pentagone reconnaissait avoir jusqu’ici largement sous-évalué le nombre de ses soldats déployés en Syrie. Dans un communiqué publié sur le site du département de la Défense, le colonel Robert Manning annonçait ainsi la présence de 2 000 soldats dans le pays, notamment sur la base américaine d’Al-Tanf, dans le sud, mais aussi en appui des Kurdes, qui contrôlent une large portion de la Syrie, à l’est de l’Euphrate.
Objectif affiché des Etats-Unis : non pas la Turquie mais Daesh
Alors que Daesh a été presqu’entièrement éliminé de Syrie, la Turquie a récemment renforcé sa présence militaire dans le pays. Après avoir pris le 18 mars la ville d’Afrin aux combattants kurdes, l’armée turque a ainsi annoncé comme prochain objectif Manbij, avec l’aide de groupes combattants rebelles parmi lesquels l’Armée syrienne libre (ASL).
Pour autant, ce 26 avril, James Mattis a avancé un but tout autre que celui de faire barrage à Ankara. Pour le secrétaire d’Etat américain, il s’agit avant tout d’empêcher Daesh d’émerger à nouveau. «Nous devons créer des forces localement afin de maintenir la pression», a-t-il déclaré. Et James Mattis d’ajouter : «Vous allez assister à un nouvel effort dans la vallée de l’Euphrate dans les jours qui viennent contre ce qui reste de [Daesh].»
Interrogé à ce sujet lors de sa conférence de presse commune avec son homologue américain Donald Trump le 24 avril, le président Emmanuel Macron avait mis en avant le même motif. «Nous avons décidé d’augmenter notre contribution à la coalition et nous sommes totalement impliqués dans la lutte contre Daesh», avait argumenté le dirigeant qui s’était vanté quelques jours plutôt d’avoir convaincu Washington de la nécessité de conserver une présence militaire en Syrie.
Les poches résiduelles de l’organisation terroriste se situent plutôt, non pas au nord, mais à la frontière entre la Syrie et l’Irak, où sont par ailleurs présentes des forces kurdes.
Si Washington la présente comme une manière d’empêcher un retour de Daesh, l’initiative franco-américaine suscitera-t-elle une réaction de la Turquie ? Le 30 mars dernier, Ankara, vent debout contre la constitution d’un territoire kurde à ses frontières, avait catégoriquement rejeté la proposition de Paris de servir de médiateur avec les YPG.