« Les clubs de sport sont les premiers lieux de radicalisation »
Médéric Chapitaux, sociologue, ancien gendarme et expert dans les sports de combat, jette un pavé dans la mare
Boxe, karaté, musculation, football… Autant de disciplines exposées. « Les clubs de sports sont les premiers lieux de radicalisation. » Médéric Chapitaux est venu jeter ce pavé dans la mare, dernièrement, à Chambéry. Devant un amphi bondé de l’université de Savoie où élus, gendarmes, policiers, magistrats, enseignants et responsables de clubs ont pris sa conférence comme un uppercut.
« Nous n’avons rien vu ou rien voulu voir venir », ajoute l’ancien gendarme, ancien DTN (directeur technique national) en sports de combat, qui prépare actuellement une thèse de sociologie sur le sujet. Il était déjà venu animer une rencontre semblable en Savoie en janvier.
Notre département serait-il particulièrement concerné ? « Aucun département n’est épargné. Mais le sport reste un domaine où règne le non-dit, alors qu’il est directement concerné par ce phénomène, » a rappelé le préfet de Savoie Louis Laugier en préambule. « Le meilleur moyen d’éviter la suspicion et le communautarisme est d’agir avant qu’il soit trop tard. »
Le risque est de voir les clubs gangrenés par des “éducateurs-recruteurs”
Absence d’encadrement et de contrôle, revendications identitaires ou religieuses tolérées, voire encouragées… Pour Médéric Chapitaux, la France a trop longtemps baigné dans l’angélisme “black-blanc-bleur” qui a suivi le mondial de foot de 1998. Or le tour de France de Médéric Chapitaux fait froid dans le dos. Surtout quand il projette une galerie de portraits d’auteurs des attentats en France depuis 2012. Tous passés par un club sportif !
Il s’est intéressé aussi au parcours des “fichés S” dont certains ont pu valider leurs diplômes d’éducateurs sportifs et/ou leur diplôme en Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives). Avec le risque de voir les clubs gangrenés par ce qu’il appelle les “éducateurs-recruteurs”. Frédéric Jean Salvi, ancien étudiant en Staps, a ainsi joué de son influence auprès de candidats de djihad avant de devoir s’exiler en Grande-Bretagne où il enseignerait toujours les sports de combat. Mais une “fiche S” n’est pas une condamnation. Elle n’interdit pas de participer à une compétition officielle ou d’encadrer des jeunes. Le lutteur Saïd Itaev a vu ainsi son assignation à résidence suspendue afin de participer aux championnats de France.
Médéric Chapitaux ne s’intéressait donc qu’à la radicalisation des islamistes ? « Pas du tout, je sais aussi qu’un groupe lyonnais d’extrême droite propose de la boxe sans être affilié à une fédération. Mais n’oublions que les terroristes qui tuent au nom de l’islam ont déjà fait plus de 200 morts en France ! »
D’où l’urgence selon lui de détecter les situations dans lesquelles le sport est détourné de son « rôle de cohésion et de structuration ». Une invitation à faire le ménage. « Signaler n’est pas faire de la délation. Aux enquêteurs ensuite de faire leur boulot et de vérifier que les faits sont avérés ou non. »
Il ne suffit pas de vouloir. Certaines pratiques sportives échappent à tout contrôle. C’est le cas des disciplines qui ne relèvent pas d’une fédération. Et les même les clubs bien structurés ne semblent pas encore prêts à faire toute la lumière sur des pratiques bien éloignées des valeurs du sport.
via Chambéry | « Les clubs de sport sont les premiers lieux de radicalisation”