Au tribunal, peu de casseurs, mais des «gilets jaunes» hébétés
Comme la semaine dernière, les profils des casseurs interpellés diffèrent. Pour la plupart intégrés socialement, ils semblent découvrir la portée de leurs actes.
Il n’a pas gardé son gilet jaune, mais, ironie du sort, le revers de son blouson est de la couleur de la révolte. Sur ce chauffeur de camion-benne de la Marne, on a retrouvé, lors de son interpellation, un masque à gaz, des lunettes de protection et deux armes blanches. Comme la quasi-totalité des 19 dossiers qui passaient lundi pour comparution immédiate à la 23e chambre correctionnelle du TGI de Paris, c’est là un homme intégré, ayant un domicile, une famille et un salaire qui oscille entre 1500 et 2000 euros.
Il est le premier des mis en cause pour «participation à un groupement en vue de la préparation caractérisée de violences contre personnes, destruction et dégradation». Il veut bien, en attente de son procès, d’un contrôle judiciaire avec l’interdiction de paraître à Paris, «sauf en semaine, monsieur le président, à cause des livraisons», supplie-t-il.
Venu de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), cet autre jeune chauffeur poids lourd qui gagne 4000 euros par mois, le jure: «C’était ma première manifestation, mais je ne veux plus du tout venir à Paris. D’ailleurs, il n’y a pas de raison, je fais du transport de betteraves dans le 77.»
Intérimaire de son état, un jeune homme de 26 ans venu de la Nièvre a été arrêté en possession d’un lance-pierre «pour renvoyer les grenades lacrymogènes», affirme-t-il. «Pourquoi ne pas juste quitter les lieux?» lui suggère le président Zmirou. L’avocat commis d’office Bertrand Vermersch tape fort: «Nous voyons bien que le parquet n’est pas une autorité de poursuite indépendante, mais qu’il est pieds et poings liés par des instructions générales de la Chancellerie qui voulait un immense coup de filet. Sauf que les profils sont tous professionnellement intégrés.»
Pourtant, à ce stade, le parquet est très mesuré et alterne entre jours-amendes et proposition de travaux d’intérêt général. Peu à peu, il durcit pourtant ses réquisitions. Ce jeune technicien de Villeurbanne avait dans son sac à dos pétards artisanaux, feux de Bengale et fumigènes achetés sur Internet. «Je voulais pouvoir répliquer si nécessaire aux gazages abusifs, comme c’était le cas avec ma mère la semaine dernière. Je ne veux plus aller sur une manif quelle qu’elle soit», jure-t-il.
«Manifester est un droit. Ce qui est incriminé, c’est d’y aller en vue de commettre des violences», lui rappelle, pédagogue, le président Zmirou. Le procureur lui rappelle qu’«il n’y a pas de légitime défense quand on fait l’objet de sommation de dispersion des forces de l’ordre». Il requiert trois mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt à cause d’antécédents de conduites sous l’emprise de stupéfiants.
«Où sont les casseurs de Dior, Chanel ou Burberry? Ce sont eux que l’on recherche», plaide Flore Aubignat, son avocate commise d’office. Il écopera de six mois d’emprisonnement sans mandat de dépôt. Une peine largement aménageable. À 17 heures, seul un jeune hippie de Marseille sur qui l’on a retrouvé jeudi soir la panoplie du parfait petit black bloc – cotte de mailles, fronde professionnelle, 260 billes de métal et masque de protection – est condamné à six mois d’emprisonnement dont trois assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve et une amende pour port d’armes illicite.
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