Un producteur de la BBC : « Je peux prouver que l’attaque chimique de Douma était une mise en scène »
Par Vanessa Beeley
Paru sur RT sous le titre Real ‘obscene masquerade’: How BBC depicted staged hospital scenes as proof of Douma chemical attack
Dans un nouvel et incroyable rebondissement, les médias grand public semblent avoir été dénoncés une fois de plus comme une simple extension de la politique étrangère de l’État, et ce précisément par un membre de leur propre camp, celui-là même qui manipule l’opinion en faveur d’un changement de régime en Syrie.
Riam Dalati fait partie de l’équipe de production de la BBC basée à Beyrouth et se décrit, sur sa page Twitter, comme un « collègue estimé » de Quentin Sommerville, correspondant de la BBC au Moyen-Orient. Dalati a rompu avec les médias alignés sur le gouvernement britannique, sur Twitter, en annonçant qu’après « presque 6 mois d’enquête, je peux prouver sans l’ombre d’un doute que la scène de l’hôpital de Douma était une mise en scène ».
Les scènes en question sont celles du groupe pseudo-humanitaire Casques blancs et des militants affiliés à Jaish al-Islam, le groupe armé extrémiste installé à Douma au moment de l’attaque présumée à l’arme chimique du 7 avril 2018. Les scènes d’enfants arrosés au jet d’eau à la suite d’une « attaque chimique » avaient été immédiatement acceptées comme crédibles et fait les gros titres sensationnalistes de la plupart des médias occidentaux, dont la BBC, CNN et Channel 4.
Simon Tisdall, du Guardian, avait écrit un article d’opinion intitulé : « Après Douma, la réponse de l’Occident au régime syrien doit être militaire » – seulement deux jours après Douma, il appelait essentiellement à une guerre totale.
(Idrees Ahmad : « @BBC dit qu’il a twitté de sa propre initiative et qu’aucune enquête de cette sorte n’a été autorisée par la @BBCWorld. Mais ce n’est pas suffisant. Ce n’est repris par les médias que parce qu’il s’identifie en tant que producteur de la @BBCNews. La BBC doit prendre ses responsabilités et couper ses liens avec ce troll. »
Réponse de Vanessa Beeley : « @Lyse Doucet [Correspondante internationale en chef de la BBC, NdT], la #BBC va-t-elle recevoir ses ordres du troll pro-changement de régime Idrees Ahmad ? Ceci devient une guerre interne très intéressante entre gens qui étaient du même bord il y a peu. Comment la BBC va-t-elle gérer cette crise de crédibilité ?)
Bien que le tweet de Dalati aie clairement affligé certaines personnes connues dans le camp de l’establishment, ce n’est pas la première fois que Dalati est au centre de ce type de controverse. Presque immédiatement après l’incident présumé de Douma, il avait fait part sur Twitter de sa frustration au sujet de « militants et de rebelles » qui utilisaient « des cadavres d’enfants pour mettre en scène des scènes émotionnellement chargées pour une consommation occidentale ». La formulation du tweet de Dalati, qui disait en avoir « assez » de ces manipulations, suggérait que ce n’était pas la première fois que des enfants étaient utilisés comme accessoires dans un théâtre de guerre macabre destiné à emporter l’approbation du public à une intervention militaire en Syrie déguisée en nécessaire répression « humanitaire » contre « les gazages de son propre peuple par Assad ».
Dalati se référait à l’arrangement de deux cadavres d’enfants dans une composition de nature morte de type « dernière accolade », une photo qui est devenue virale, propulsée dans la sphère des médias sociaux par des activistes qui avaient collaboré avec le régime brutal de Jaish al-Islam pendant que celui-ci torturait et abusait des civils syriens sous son contrôle.
L’explosion apparente de Dalati pourrait peut-être s’expliquer par sa participation à la production du documentaire Panorama de la BBC controversé de septembre 2013, « Saving Syria’s Children » (Sauver les enfants de Syrie). Un chercheur indépendant, Robert Stuart, s’est donné pour mission de prouver la manipulation: « Les séquences filmées par le personnel de la BBC et d’autres personnes à l’hôpital d’Atareb, à Alep, le 26 août 2013, dans le but de montrer les conséquences d’un attentat incendiaire contre une école proche sont largement, sinon entièrement, mises en scène ».
Peut-être Dalati a-t-il été témoin d’un trop grand nombre de mises en scène d’événements qui pourraient précipiter une guerre en Syrie entre les États-Unis et la Russie.
Quelle que soit la raison de l’exaspération de Dalati, ce tweet avait été supprimé avant d’être remplacé par une version édulcorée. Dalati a prétendu qu’une « violation de la politique éditoriale » et un manque de contexte étaient à l’origine de cette modification. Apparemment, les employés de la BBC n’ont pas le droit d’en avoir « marre » de l’exploitation des enfants pour promouvoir une guerre qui tuera inévitablement d’autres enfants. Dernièrement, Dalati a restreint son compte Twitter, rendant ses tweets uniquement visibles à ses followers approuvés.
(Charles Shoebridge [ex-enquêteur de Scotland Yard spécialisé en contre-terrorisme, NdT]: « Notons la façon dont des journalistes qui ont été pendant des années en première ligne de la version des rebelles de #Syrie et qui calomniaient ceux qui avaient le courage de les défier, font aujourd’hui tardivement leur mea culpa sur #Douma, peut-être par peur que la vérité émerge bientôt et détruise leur réputation. »
Riam Dalati, de la BBC : « Après presque six mois d’enquête, je peux prouver sans l’ombre d’un doute que la scène de l’hôpital de #Douma était mise en scène. Tous les Casques blancs, les acivistes et les gens à qui j’ai parlé sont soit à #Idlib, soit dans la zone de l#EuphratesShield. Seule une personne était à #Damas. »
Tweets et réponses de C. Shoebridge qui rappellent le passé :
Riam Dalati en avril 2018 : « Voici pourquoi des universitaires britanniques sont en train de colporter des théories du complot pro-Assad sur la Syrie. Avec des références à Tim Hayward & Piers Robinson, et la participation de Vanessa Beeley et autres. »
Réponse de Charles Shoebridge : « Voici un exemple de la façon dont Riam Dalati, de la BBC, avec de nombreux autres, se donnaient pour mission de calomnier ceux qui posaient des questions légitimes, suggérant par exemple que les scènes d’attaques chimiques de #Syrie comme celle de Douma avaient été mises en scène. Aujourd’hui, Riam Dalati admet que c’était la vérité. »)
En deux occasions importantes à ce jour, donc, Dalati semble s’être écarté de la feuille de route de la BBC en Syrie. Cependant, il avait participé au lynchage médiatique des journalistes et des universitaires qui avaient osé remettre en question le récit des médias sur « l’attaque chimique », au moment de l’incident présumé à Douma, les traitant de complotistes. Parmi ces « théoriciens du complot » figuraient le célèbre journaliste Robert Fisk (de l’Independent) et Uli Gack, correspondant de guerre expérimenté de la ZDF, une chaîne de télévision publique allemande. La journaliste indépendante Eva Bartlett et Pearson Sharpe, de One American News Network, ont également rapporté des preuves de mise en scène et de déformation des événements à Douma par les médias grand public.
Je suis allée en visite à Douma peu après l’attaque présumée. J’ai interrogé des membres du personnel médical et des civils, qui affirmaient catégoriquement qu’il n’y avait pas eu d’attaque chimique. Des médecins et des infirmières, dont certains étaient de service la nuit en question, m’ont dit que des adultes et des enfants souffraient d’effets d’inhalation de fumée. Ils ont décrit la panique engendrée par des activistes et des Casques blancs, qui sont arrivés en criant « attaque chimique ! » avant d’arroser au jet les patients.
Suleiman Saour, 20 ans, m’a dit : « À 19 h, nous avions reçu des blessés toute la journée. À 19 heures, quelqu’un est arrivé en portant un petit garçon, l’a allongé sur un lit et a dit qu’il avait été frappé par des armes chimiques. J’ai rapidement examiné le garçon (…) il souffrait d’avoir inhalé de la fumée (…) Nous lui avons lavé le visage et traité avec un spray de Ventoline. Plus tard, on a découvert que l’enfant avait de l’asthme et que ça s’était aggravé à cause de la fumée. »
Des universitaires, les professeurs Piers Robinson et Tim Hayward, ainsi que d’autres membres du Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias, ont fait l’objet d’attaques concertées lorsqu’ils ont analysé les événements et mis en doute la véracité de cette attaque chimique. Au Royaume-Uni, le Times a publié pas moins de quatre articles me qualifiant, ainsi que ces universitaires « voyous », « d’idiots utiles d’Assad », le jour même où le Royaume-Uni, les États-Unis et la France ont lancé leur attaque illégale de missiles contre la Syrie. Une campagne de bombardements rendue possible par l’ignominieux jugement hâtif des médias grand public occidentaux.
Il a fallu six mois à Dalati pour arriver à la même conclusion que ceux qu’il avait traités de « complotistes », et nous devons donc nous interroger sur les raisons pour lesquelles il a soudainement publié ses conclusions. Peter Ford, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Syrie, m’a donné son opinion sur les révélations de Dalati.
« Le Royaume-Uni s’est joint à Trump et Macron pour bombarder illégalement la Syrie, en grande partie sur la base d’un clip vidéo diffusé ad nauseam par la BBC, dont un producteur de la BBC déclare aujourd’hui qu’il a des preuves de son caractère de mise en scène. Dans la déclaration qu’elle a ensuite publiée, la BBC ne réfute pas son affirmation. Les implications sont très importantes : d’abord, parce que cet organe d’État s’est effectivement livré à une manipulation de l’opinion publique et, ensuite, parce que le gouvernement britannique a lancé son attaque contre la Syrie sur la base d’une hypothèse fausse et fabriquée de toutes pièces. Cela exige une enquête publique. »
La déclaration de Ford souligne le sérieux de la déclaration de Dalati, qui doit par ailleurs soulever des questionnements sur la possibilité que des récits « d’attaque chimique » antérieurs aient également été manipulés, mis en scène ou fabriqués. Swedish Doctors for Human Rights (Organisation de médecins suédois pour les droits de l’homme) a enquêté sur l’attaque présumée au chlore à Sarmin, près d’Idlib, en mars 2015, et a conclu que les procédures médicales menées par les médecins sur les lieux étaient extrêmement douteuses.
Le Dr Leif Elinder, médecin suédois et pédiatre spécialisé en pédiatrie, a déclaré «après examen du matériel vidéo, j’ai constaté que les procédures infligées à ces enfants, dont certains sont sans vie, sont bizarres, non médicales, non salvatrices et même contre-productives pour sauver la vie des enfants ». Cette vidéo, produite et présentée par les Casques blancs et leurs collègues de la Société médicale syro-américaine (SAMS), a été projetée lors d’une session à huis clos du Conseil de sécurité des Nations Unies pour demander une zone d’exclusion aérienne – qui se serait traduite par une protection des forces terroristes alliées des USA par la coalition américaine.
Juste après que le producteur de la BBC ait déclaré publiquement que les scènes de l’hôpital pendant « l’attaque » de Douma étaient des mises en scène, la BBC a pris ses distances en déclarant qu’il s’agissait là de déclarations personnelles d’un employé, qui ne signifient pas qu’une attaque n’a pas eu lieu. Mais le rapport préliminaire de l’OIAC de juillet 2018 avait déjà discrédité le sensationnalisme des premiers reportages des médias occidentaux. « Aucun agent neurotoxique organophosphoré ou leurs produits de dégradation n’ont été détectés, que ce soit dans les échantillons environnementaux ou dans les échantillons de plasma des victimes présumées « , a-t-il noté. Pas de sarin.
La mission d’enquête de l’OIAC n’est pas encore parvenue à la conclusion qu’une attaque chimique de quelque nature que ce soit ait eu lieu à Douma. Les échantillons environnementaux contenaient des molécules organiques chlorées, comme d’acide trichloracétique et de l’hydrate de chloral, qui pourraient être attribuées à quelque chose d’aussi basique que de l’eau potable chlorée. Malgré cette ambiguïté, la BBC a d’abord publié une manchette selon laquelle « du chlore a été utilisé » dans l’attaque de Douma, avant de la remplacer par « Du chlore possible sur le site de l’attaque de Douma ». Une autre erreur ? Ou une autre tentative délibérée d’induire en erreur et de soutenir les velléités de changement de régime du Foreign Office britannique en Syrie ?
Les révélations de Dalati doivent également être resituées dans leur contexte. Elles font suite à des conclusions similaires tirées par James Harkin, journaliste, confrère de Dalati et collaborateur du Guardian qui a publié une longue enquête sur Douma dans l’Intercept. Harkin a également admis que les scènes de l’hôpital de Douma étaient probablement mises en scène et que la rumeur sur le sarin était infondée.
Il est très peu probable, malgré la déclaration de la BBC, que Dalati ait pris le risque de publier ses affirmations sans l’approbation de sa hiérarchie. L’observation du timing est toujours cruciale lorsqu’il s’agit d’analyser les événements susceptibles de révéler que les médias néocolonialistes, en particulier la BBC, sont en réalité des agences de communication d’États.
Sur la base d’une interprétation éclairée et intelligente des événements dans leur contexte, nous pouvons supposer que l’OIAC est sur le point de publier ses conclusions finales sur l’attaque de Douma. Un rapport qui a le potentiel de mettre à nu toute l’étendue de la tromperie et de la falsification des faits de la BBC à Douma. Un rapport qui pourrait soulever des questions désagréables sur les reportages des médias grand public, en particulier au sujet de l’utilisation présumée d’armes chimiques par le gouvernement syrien au cours des huit années de conflit en Syrie. La diffusion d’informations de choc par Dalati est-elle une tactique de limitation des dégâts par la BBC, ou bien Dalati est-il un électron libre qui a décidé de dire a vérité ? Seul l’avenir le dira.
Ce que Dalati a fait, c’est mettre en lumière l’hypocrisie et la partialité des médias occidentaux et des représentants du gouvernement. Le reportage de la BBC sur la « production » de témoins de l’attaque chimique Douma au siège de l’OIAC à La Haye par la Russie a souligné que le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France avaient boycotté la procédure en traitant l’événement de « coup médiatique méprisable ». L’ambassadeur de France aux Pays-Bas avait qualifié les témoignages des civils syriens de « mascarade obscène ». Le Guardian s’était aligné sur cette position, réduisant la tentative de la Russie d’éclaircir ce qui s’était passé à Douma à une exhibition douteuse de « témoins supposés » afin de discréditer cette tentative de déraillement de leur version.
Aujourd’hui, il semble que la véritable mascarade obscène ait eu lieu à Douma, qu’elle ait été montée de toutes pièces par les Casques Blancs financés par le Foreign Office britannique, et qu’elle ait été adoptée par la BBC et d’autres sténographes d’État comme parole d’évangile afin de criminaliser l’armée arabe syrienne, alors que la libération finale de Douma des griffes de Jaish al-Islam approchait rapidement. Cette mascarade obscène a entraîné le bombardement illégal de la Syrie par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni.
Comme l’a dit Peter Ford, « cela exige une enquête publique. »
Traduction Entelekheia
Photo Press TV
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