Crise des opiacés aux Etats-Unis : les Sackler, des philanthropes accusés d’être des empoisonneurs

Source : Envoyé Spécial, France info, 22-02-2019

Derrière l’un des antalgiques opioïdes qui plongent les Etats-Unis dans une grave crise sanitaire, avec 72 000 morts d’overdose en 2017, se cache une dynastie parmi les plus puissantes du pays. Plus riche que les Rockefeller… et très discrète. Pour retracer la saga des Sackler, la famille propriétaire des laboratoires Purdue Pharma, les journalistes d’”Envoyé spécial” ont épluché les archives.

Massivement prescrits contre les douleurs, les médicaments opioïdes sont accusés d’être responsables d’une véritable hécatombe aux Etats-Unis. La crise des opiacés a été décrétée “urgence de santé publique” par le président Trump en 2016. Derrière l’un de ces antidouleurs, l’OxyContin, se cache une dynastie parmi les plus puissantes du pays. Plus riche que les Rockefeller… et très discrète. Il n’existe que très peu de photos de la famille Sackler, aucune vidéo publique. Pour retracer son histoire, les journalistes d’”Envoyé spécial” ont dû éplucher soixante-dix ans d’archives.

Chez les Sackler, il y a d’abord Arthur, le patriarche. Il est à la fois médecin et publicitaire – c’est le secret de sa réussite. Son génie du marketing a permis, dans les années 60, au Valium des laboratoires Roche d’atteindre 100 millions de dollars de ventes, du jamais vu. Avec ses frères Raymond et Mortimer, il développe le premier succès “maison” des laboratoires Purdue Pharma, son premier opioïde à base de morphine : MS Contin.

L’OxyContin assure la fortune de la dynastie

Le brevet arrive à expiration lorsque l’héritier, Richard Sackler, prend les rênes du groupe. C’est lui remplace la morphine par l’oxycodone, un analgésique stupéfiant deux fois plus fort. L’OxyContin est né, et cet antidouleur responsable de milliers de morts par overdose va assurer la fortune de la dynastie : 13 milliards de dollars aujourd’hui. Huit membres des Sackler siégeaient encore au comité de direction jusqu’à l’été 2018. Pourtant, leurs noms n’apparaissent nulle part dans les documents publics de Purdue.

Leur nom s’affiche sur les plus grands musées du monde

Mais voici le plus étonnant : le nom “Sackler” s’affiche sur les plus grands musées du monde. Au Metropolitan, à New York, où ils ont financé l’immense temple de Dendour, au Guggenheim, au Louvre… A Londres, Washington, Tel Aviv ou Pékin, les Sackler apposent leur nom sur des bibliothèques, des universités, et même… un astéroïde. A des années-lumière de l’OxyContin.

“Il faut qu’ils paient les désintoxications”

Cette belle image vole aujourd’hui en éclats. Sous des banderoles clamant “Shame on Sackler” (“Honte aux Sackler”), des activistes multiplient les actions coup de poing. “Les Sackler ont menti, des milliers de personnes sont mortes. Les Sackler savaient que leurs pilules tueraient”, scandent les manifestants.

Selon eux, les prétendus philanthropes sont des empoisonneurs. “Il faut qu’ils paient les désintoxications, réclame la photographe Nan Goldin. Des centaines de personnes meurent chaque jour. Des milliers sont mortes à travers le pays. Et maintenant, ils s’implantent en Europe. Et ils vont tuer, là-bas aussi.” Nan Goldin a elle-même souffert d’addiction à l’OxyContin pendant trois ans, suite à une prescription pour soulager une tendinite. Souhaitant aujourd’hui responsabiliser la famille Sackler, elle a participé au lancement de la campagne PAIN (Prescription Addiction Intervention Now) et a lancé le hashtag #ShameOnSackler sur Twitter.

Extrait de “Antidouleurs : l’Amérique dévastée”, un reportage à voir dans “Envoyé spécial” le 21 février 2019.

Source : Envoyé Spécial, France info, 22-02-2019

 

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