La raison secrète pour laquelle les riches aiment la pandémie

Par Lee Camp
Paru sur Consortium News sous le titre LEE CAMP: The Secret Reason Billionaires Love a Pandemic


Voyez-vous, il y a une lutte des classes depuis des années – perpétrée par les riches (qui ne sont pas plus intelligents ou meilleurs) contre tous les autres.

Nous vivons à une époque où il y a plus de milliardaires marchant sur Terre que jamais. (Ils ne marchent pas vraiment. Ils paient quelqu’un pour marcher à leur place). Et on ne peut pas nier que les milliardaires sont milliardaires parce qu’ils ont travaillé plus dur que n’importe qui d’autre – environ 300 fois plus dur qu’un travailleur moyen. Ils sont plus intelligents, plus malins, plus intuitifs et font également preuve de plus d’initiative que quiconque. C’est pourquoi ils sont milliardaires et nous ne le sommes pas. C’est pourquoi ils seront toujours milliardaires et nous ne le serons jamais. C’est pourquoi nous pouvons tous nous voir dans le reflet du crâne chauve de Jeff Bezos et pourtant, nous ne pouvons jamais le toucher.

Maintenant, je dois dire que tout ce qui est dit dans le premier paragraphe est totalement faux. Aucune partie n’en est vraie (sauf la partie concernant la marche). La plupart des milliardaires ne travaillent pas plus, ne réfléchissent pas plus et n’en savent pas plus que les autres. Ils n’ont rien de plus que la moyenne des gens, sauf : a) de la chance b) parfois avoir hérité d’une fortune et c) être plus portés sur la sociopathie. Vous pourriez donc dire qu’ils ne se démarquent que sur le plan de la sociopathie. Ils sont plus disposés à écraser d’autres humains pour obtenir ce qu’ils veulent et, par conséquent, ils sont plus à même de l’obtenir.

Tout cela pourrait légèrement expliquer pourquoi j’ai une veine saillante au front quand je lis que les milliardaires se portent mieux que jamais pendant cette épidémie virale mondiale qui a tué des centaines de milliers de personnes.

Aux États-Unis, les milliardaires ont vu leur fortune grimper en flèche, avec une augmentation de 12,5 % depuis le début de la pandémie. L’Institute for Policy Studies a publié une étude « montrant que, dans les huit semaines entre le 18 mars et le 14 mai, les super-riches du pays ont ajouté 368,8 milliards de dollars supplémentaires à leurs fortunes déjà énormes ».

C’est un niveau de richesse stupéfiant, mais cela n’a rien d’une nouveauté. Même avant la pandémie, les coffres des riches regorgeaient d’une quantité incroyable de choses brillantes. Bien avant que le coronavirus ne devienne un nom familier, les trois Américains les plus riches étaient plus riches que les 50% les plus pauvres de notre pays.

Pour ceux d’entre vous qui savent calculer, cela représente 164 millions de personnes. (Si vous sentez venir un haut-le-cœur , c’est ici qu’il faut le placer). Ce ne sont plus des inégalités, c’est l’équivalent d’un bain de sang. Et je veux dire, d’une baignoire pleine de sang d’écureuil malade – pas de bon sang de vierge en bonne santé travaillant à la caisse d’American Outfitters. (Si vous pensez que cette phrase est misogyne, je n’ai jamais dit que c’était une femme. Les hommes aussi peuvent être vierges ! Vous me dégoûtez avec vos stéréotypes de genre).

Outre ces inégalités surréalistes, les riches ne paient pas non plus leur juste part d’impôts. (Choqué ?) Ils ont reçu une réduction d’impôt géante de Donald Trump, et les super-riches cachent 32 billions de dollars dans des paradis fiscaux offshore du monde entier.

Pendant ce temps, pour les Américains moyens, les choses ne vont pas aussi bien. Comme l’écrit Alan Mcleod pour MintPress, « Un nombre record de 36 millions d’Américains ont déposé une demande d’assurance-chômage, des millions d’autres ont perdu leur assurance-santé dépendante de l’employeur, [1] et environ un tiers du pays ne peut plus payer son loyer.

Une fois que vous avez tout mis sur la table et que vous avez regardé les cartes qui nous ont été distribuées, vous n’avez pas d’autre choix que de vous demander : « Comment se fait-il que notre société ne s’effondre pas ? Comment se fait-il que beaucoup plus de choses ne soient pas incendiées ? Pourquoi le beurre de cacahuète est-il encore disponible dans les épiceries ? Pourquoi les gens continuent-ils à se promener en trottinette électrique en souriant sous leur masque de pandémie ? Pourquoi la bourse n’est-elle pas si basse qu’elle permette de voir mes chaussettes ? Pourquoi ne payons-nous pas tous des bidons d’essence faits maison avec des bidons d’alcool de contrebande fait maison – de l’essence dont nous aurions besoin pour alimenter les tronçonneuses qui nous serviraient de protection ?

Nous vivons dans une ploutonomie

Eh bien, une des raisons est que nous avons maintenant une ploutonomie – un terme utilisé par les analystes de Citigroup et d’autres pour décrire un système dans lequel les plus riches (les 1%) sont le moteur ainsi que les bénéficiaires de la croissance économique.

Au fond, dans l’Amérique d’aujourd’hui, seul compte ce que font les riches – ce qu’ils achètent, ce qu’ils vendent, ce dans quoi ils investissent, ce qu’ils baisent et ce qu’ils écoutent. Vous et moi n’avons tout simplement pas d’importance.

Nous comptons autant qu’un moucheron … autant qu’un moucheron compte pour un autre moucheron … qui ne s’intéresse pas beaucoup à lui. En fait, qui l’ignore totalement. (Je n’aurais jamais dû m’empêtrer dans cette analogie. Je n’ai pas de plan de sortie).

Selon des estimations récentes, 20 % des gens possèdent à eux seuls 85 % des richesses, donc tant que le gouvernement sert ces 20 %, il peut presque complètement ignorer les 80 % de personnes les plus pauvres.

Cela explique pourquoi notre gouvernement n’a pas vu la nécessité de vraiment renflouer les gens de la classe moyenne pendant cette crise. Ils ont envoyé un chèque de 1 200 dollars aux citoyens ordinaires tout en donnant 4,25 BILLIONS de dollars aux grandes banques et aux entreprises américaines.

Comprenez-vous combien cela représente ? Non, vous ne pouvez pas. Personne ne le peut. Ce n’est pas possible. C’est fait pour ne pas être possible. Si quelqu’un vous donnait un million de dollars par an – vous faisait cadeau de 1 000 000 de dollars – savez-vous combien de temps il vous faudrait pour amasser 4,25 billions de dollars ? Il vous faudrait 4,25 millions d’années. … À ce moment-là, les dollars ne signifieraient plus rien parce que la monnaie aurait été remplacée par la masturbation manuelle. Et les humains auront été remplacés par des créatures-kangourous à têtes de seiches, et donc une « branlette » sera une procédure beaucoup plus compliquée qui impliquera des mains humaines empaillées que les Seichourous appelleront « pompes sexuelles à 5 dents ». (Je peux étayer tout cela avec des sources sûres).

Quoi qu’il en soit, cette idée de ploutonomie a en fait été divulguée dans une note d’analyste de Citigroup, il y a plusieurs années. Ils ont accidentellement énoncé à voix haute, pour leurs clients super riches, ce qu’ils taisent normalement. On pouvait y lire :

Le monde est en train de se diviser en deux blocs – les ploutonomies, dont la croissance économique est alimentée et largement consommée par une riche minorité, et le reste. …Quels sont les moteurs les plus communs de la Ploutonomie ? Des gains de productivité dus à la technologie, une innovation financière créative, des gouvernements coopératifs favorables au capitalisme, … et des conquêtes à l’étranger qui stimulent la création de richesses, les États de droit et les brevets d’inventions.

Prenons un moment pour traduire ce que cela signifie en langage humain. Par exemple, « une innovation financière créative » se traduit par « de nouvelles façons de voler les gens ». Ensuite, « des gouvernements coopératifs favorables au capitalisme » doit être lu comme « des gouvernements contrôlés par les riches et conçus pour escroquer le peuple comme au coin d’un bois ». C’est ce que cela signifie quand un gouvernement « coopère » avec la Citibank. Et enfin, « les conquêtes à l’étranger qui stimulent la création de richesses, les États de droit et les brevets d’inventions ». Ce charabia signifie « envahir et prendre le contrôle d’autres nations et d’autres peuples, puis voler leurs ressources ».

C’est une bien belle langue qu’ils parlent là-bas à la Citibank, n’est-ce pas ? Je pense que c’est un dérivé du scandinave.

La note de Citigroup se termine par : « Souvent, ces vagues de richesse impliquent une grande complexité, exploitée au mieux par les  personnes riches et instruites du moment. » Ils disent que la ploutonomie est trop compliquée pour nous, les masses troglodytes, avec nos T-shirts avec des choses écrites dessus et nos pailles extra longues avec une petite cuillère au bout pour atteindre le fond de nos gobelets de boissons glacées Slush Puppie. Il vaut mieux laisser tout ça aux riches intelligents. Ils préféreraient que nous retournions gratter les fourmis du bol de bouillie que nous partageons avec un bébé non réclamé. [2]

La lutte des classes

Revenons maintenant à l’article de Mintpress sur les gains époustouflants des riches – « Le fait que la richesse des milliardaires augmente si rapidement en période d’effondrement économique suggère que les gains des riches ne sont même plus reliés aux forces productives et qu’ils sont davantage liés à la quantité de richesse que l’on peut tirer des coffres publics ».

Vous voyez, il y a une lutte des classes depuis des années – perpétrée par les riches contre tous les autres. Dans une étude publiée dans les Proceedings de la National Academy of Sciences, des chercheurs ont découvert que l’appartenance à la classe sociale des possédants était un bon indicateur de comportements non éthiques. Ils ont montré que les riches sont plus susceptibles de prendre des décisions contraires à l’éthique, de voler les autres, d’enfreindre les règles du Code de la route et de tricher lors des concours.

Et pourtant, les riches sont ceux qui contrôlent notre gouvernement et notre économie. Non seulement ils devraient être tenus à l’écart des postes de direction, mais ils ne devraient même pas être dans les rues. Nous devons assurer la sécurité de nos enfants, après tout.

Les riches à millions devraient être placés dans des installations où ils pourraient être surveillés et recevoir le traitement dont ils ont besoin. Et ensuite – pendant qu’ils ne regarderaient pas – le reste d’entre nous créerions un monde merveilleux durable, égalitaire, pacifique, écologique et utopique où les câlins ne causent plus la mort.

Lee Camp est un satiriste politique, écrivain, acteur et activiste américain. Il anime l’émission satirique hebdomadaire Redacted Tonight sur RT America. Il a écrit pour The Onion et le Huffington Post. 

Traduction Entelekheia
Illustration de la page d’accueil : The Wealth of the Nation (La Richesse de la nation), Seymour Fogel, 1942 (détail).

Notes de la traduction :

[1] Aux USA, l’assurance-santé est prise par l’employeur. Pas d’emploi, pas de couverture. [2] Allusion aux bébés nés par GPA en Ukraine, et non réclamés à cause de la fermeture des frontières.

via La raison secrète pour laquelle les riches aiment la pandémie

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