Nous sommes tous des Loana (1977–2021)

Février 1963, une brune petite par l’âge mais grande par la taille, Annie Chancel, fille de Français moyens – son père vend des bonbons sur les marchés –, sort un disque sur l’école qui se classe numéro un. Son producteur (qui engloutira les droits d’auteur à la SACEM) l’avait rebaptisée Sheila, pour les besoins de la cause – commerciale –, l’air étant à l’américanisme.

 

Janvier 2001, une blonde un peu chevaline, rebaptisée Loana tout court pour les besoins de la production (elle s’appelle Petrucciani en entier), crève l’écran d’une émission dite de télé réalité. Le jeu consiste à enfermer onze célibataires dans un lieu et de les filmer 24 heures sur 24 en attendant qu’il se passe des choses. L’émission quotidienne diffusée sur M6 connaît un succès retentissant, et les tarifs publicitaires s’envolent, à l’égal des spots à la mi-temps d’une finale de Coupe du monde de football.

La chaîne du groupe RTL (appartenant au groupe Bertelsmann) dirigée par le brutal Nicolas de Tavernost, le cauchemar des dirigeants de TF1 (il fait plus de bénéfices qu’eux avec moins de moyens) gagne entre 200 et 300 millions de francs grâce à Loft Story, toutes activités confondues (publicité, merchandising, abonnements, téléphonie). Loana devient une star, elle passe ses vacances à Saint-Tropez, et les touristes se battent pour tenter de la voir depuis les murs de sa villa.

 

 

 

 

Entre-temps, elle aura abandonné sa fille à sa mère, répondu à des centaines d’interviews, fait l’objet d’études sociologiques, exaspéré les uns, subjugué les autres. Ses moindres faits et gestes sont observés, filmés : en réalité, elle ne sortira jamais du Loft, cette prison dorée. Elle goûte au whisky et à la coke, grossit, maigrit, regrossit, et devient une star déchue. Ses tournées de chanteuse en boîte de nuit virent à la tragi-comédie.

Sheila, star fabriquée mais chanteuse de vocation, connaîtra une carrière étonnamment longue, truffée de tubes et de tournées. Elle saura même passer le cap du disco, celui dans lequel disparaîtront la plupart des stars des années 60. Loana, sans talent particulier à part ses faux cheveux blonds et sa fausse grosse poitrine, fera des allers et retours en HP, jusqu’à ce jour maudit de février 2021, où son image s’autodétruira définitivement.

 

Invitée chez Cyril Hanouna, elle est désormais l’ex-star qui a chuté, comme un gagnant du gros lot qui aurait tout perdu par bêtise, vanité ou fièvre acheteuse. Le visage et la parole déformés par des problèmes neurologiques (les coups de ses « conjoints », selon elle) et la prise massive de stupéfiants, elle déclenche la pitié ou la dérision. Le produit qui aura fait gagner des dizaines de millions d’euros aux producteurs télé et à la presse people avec ses centaines de couvertures, ne vaut désormais plus rien. Elle peut juste vendre sa déchéance. Et après la déchéance, il n’y a plus rien.

 

 

Quelle leçon morale retenir de tout cela ? Jacques Essebag et Stéphane Courbit, à la tête d’Endemol France de 2000 à 2007, ont chacun, lors de la revente de la société de production audiovisuelle au groupe néerlandais Endemol, récupéré entre 180 et 240 millions d’euros. On ne parle pas de francs (un sixième d’euro) ni de shekels (un quart d’euro), mais bien d’euros. La fabrication et la diffusion d’émissions de télé réalité fondées sur la négation des valeurs chrétiennes (avidité, impudeur, violence, égoïsme, mensonge, vulgarité, ignorance) a considérablement enrichi les dirigeants de la profession. Au détriment, bien sûr, de la viande à canaux, ce dérivé de la viande à canons.

Loana, cette Française moyenne, ni très belle ni très brillante, a fait sienne ces antivaleurs pour finir échouée, exsangue, telle un globicéphale, sur la plage. Elle a été exploitée au maximum par cette machine à dévaloriser dans tous les sens du terme. La surexposition médiatique fondée sur le non-talent a un prix, et un prix redoutable. Côté public, la fascination pour le vide, pour l’abjection, pour l’exhibition de l’Autre dans sa nudité est devenue le cœur de la télévision. On n’apprend plus rien ou presque, on regarde l’Autre grandir ou chuter, si possible dans cet ordre, la viande télévisuelle se consommant et se rejetant de plus en plus vite, comme un hamburger au fast-food.

La destruction programmée de Loana, ce symbole et icône, annonçait la destruction programmée de notre culture, de nos valeurs, de notre singularité dans le monde. Aujourd’hui, vingt ans exactement après la naissance de Loft Story, la France est devenue à son tour un Loft Story géant avec confinements et couvre-feux imposés par la dominance mondialiste et répercutée par des dirigeants corrompus. Ce sont eux, les producteurs de chaos, qui vont gagner des milliards sur le délitement et la paupérisation de notre pays.

Loana, image du délitement et de la paupérisation, a été re-hissée sur la chaîne d’exhibition ce 9 février 2021, histoire de bien l’achever. Pour information, le riche Cyril Hanouna, animateur et producteur sur la chaîne C8 du groupe Canal+, appartient avec sa société H2O au groupe Banijay de Stéphane Courbit. La boucle est bouclée.

 

 

 

 

Cyril Hanouna, dernier venu dans la confrérie, est à la tête de plusieurs dizaines de millions d’euros. La fortune de Jacques Essebag, dit Arthur, est évaluée à 460 millions d’euros par le magazine Challenges et celle de Stéphane Courbit à 1200 millions d’euros. Loana, elle, est ruinée à tous points de vue.

« Je suis endettée. Je ne peux pas régler l’assurance de mon appart et de ma voiture. Je vais finir sous les ponts, sans un rond. »

 

 

 

Source : Nous sommes tous des Loana (1977–2021) – Egalite et Réconciliation

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