L’enquête sur les armes chimiques par deux reporters du Monde en Syrie : Une scandaleuse manipulation

En ce qui concerne la Syrie – comme lors des guerres menées contre la Serbie, l’Irak et la Libye – les médias traditionnels se sont alignés sur la position des puissances engagées dans sa déstabilisation. Ils ont trompé le public.

« Les rapports sur l’utilisation d’armes chimiques par le régime Assad font partie d’un récit à répétition. (…) Les titres [des médias] sont tous les mêmes : la Syrie utilise des armes chimiques. Voilà comment fonctionne le théâtre » [1] écrivait le journaliste Robert Fisk il y a un mois.

On vient d’en avoir une nouvelle illustration avec les « révélations » de deux reporters – Laurent Van der Stockt et Jean-Philippe Rémy – publiées par Le Monde le 27 mai au sujet de la prétendue « utilisation de gaz chimiques par le régime syrien ». Une accusation qui incrimine Damas et qui coïncide avec la réunion des ministres des affaires étrangères de l’UE où la France et la Grande Bretagne escomptent obtenir ce qui leur avait été refusé par trois fois : la levée de l’embargo sur la livraison d’armes aux « rebelles ».

Qui peut croire que la succession de ces deux épisodes est fortuite et croire encore en la « neutralité » du Monde ?

Le Monde a publié ce brûlot le jour où à Bruxelles et à l’ONU l’Etat syrien allait être à nouveau mis en accusation. Ceci devant concourir à peser sur les gouvernements qui rechignaient à une levée de l’embargo sur les armes voulue par la France et la Grande Bretagne. Pari réussi ?

Les « rebelles » ont obtenu d’être approvisionnés en armes et la prolongation des sanctions qui font en premier lieu souffrir les Syriens. Il y a de fort indices qui indiquent que la fable de l’usage du gaz sarin attribué à Bachar el-Assad serait le fait des groupes terroristes que la France et la Grande Bretagne sont pressées d’approvisionner en armes. [2]

En clair. L’enquête du Monde s’avère n’être qu’un « montage » établi par ses deux reporters. En clair, une nouvelle escroquerie médiatique élaborée en concomitance avec les services secrets français (DGSE) et la direction du renseignement militaire (DRM). Son objectif : venir en aide aux groupes terroristes à un moment où le vent médiatique et politique semble tourner en leur défaveur et où la diplomatie belliciste de Laurent Fabius est en pleine déroute.

Le Monde a été et reste en pointe dans la désinformation devant incriminer le président Bachar al-Assad, l’ennemi juré d’Israël. Offrant abondamment ses colonnes à des journalistes dont le biais est connu, comme Christophe Ayad, ou à des « reporters » qui, comme Jonathan Littell et Florence Aubenas, se sont laissés embarquer par de prétendus « gentils rebelles » qui leur ont raconté ce qu’ils voulaient entendre sur le « dictateur sanguinaire » ; alors qu’au même moment « les gentils rebelles » enlevaient des civils, coupaient des têtes, égorgeaient des chrétiens et des alaouites (nous avons publié des témoignages dès 2012 par des habitants de Homs).

Le Monde livre sur la Syrie, comme hier sur la Libye, une information totalement déséquilibrée. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre de colonnes qu’il a réservées à l’enquête bizarre des deux reporters devant donner la « quasi preuve » qu’Assad « utilise des armes chimiques » [3]. Et le peu de place accordée début mai aux déclarations de Mme del Ponte qui affirmait le contraire et qui était autrement plus crédible. [4]

On peut voir aussi avec quel empressement les journalistes du Le Monde a désavoué Mme Del Ponte le lendemain pour décrédibiliser des propos qui ne cadraient pas avec leur thèse. [5]

Bref retour en arrière

Depuis le début de la crise en Syrie la présentation des faits par les médias occidentaux a été faussée : présentée en combat entre de valeureux «  rebelles luttant pour la démocratie » et un « dictateur sanguinaire ».

Les journalistes traditionnels ont relayé la propagande des groupes armés en s’appuyant sur une unique source : l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Une officine liée aux Frères musulmans, à une pseudo opposition armée financée par le Qatar et l’Arabie Saoudite. Or, ils ne pouvaient ignorer que cette officine partisane se résumait à un opposant au gouvernement syrien fournissant des bilans statistiques truqués des victimes de la violence en prétendant s’appuyer sur les données de « militants » présents sur les lieux. Nombre de massacres que les médias ont attribués à l’armée gouvernementale ont été perpétrés par les « rebelles » [6].

Des énormes manifestations qui ont eu lieu en 2011 et début 2012, avec des millions de Syriens qui manifestaient pacifiquement en faveur du gouvernement Assad, disant leur hostilité à de pseudo « opposants » violents qui sortaient le vendredi des mosquées [7], les médias n’en ont quasiment jamais parlé.

En revanche, des fausses manifestations populaires contre le gouvernement ont fait la une. Ainsi, durant l’année 2011 les chaines télévisées ont passé et repassé quasi quotidiennement des clips montrant d’immenses foules de gens que l’on disait en colère contre Assad, le « sanguinaire ». En juillet 2011 un écho planétaire à été donné à ce clip manipulé émanant d’ONG suspectes faisant croire qu’à Hama, une petite ville d’à peine cinq cent mille habitants, il y avait eu une manifestation « monstre » de 650’000 personnes !

La ficelle était grosse ! Et pourtant aucun journaliste ne s’est soucié d’en vérifier la véracité. Les « grands » quotidiens de l’establishment –Le Monde, Le Figaro, Libération n’ont pas été en reste, cette fois non plus :

- Le 22 juillet 2011 le quotidien Le Monde dans un article intitulé : « Syrie : 1,2 million de manifestants à Hama et Deir Ezzor », affirmait : « Comme chaque vendredi depuis le début de la révolte, mi-mars, les Syriens étaient appelés à manifester à la sortie des mosquées, après la prière hebdomadaire. Selon Rami Abdel Rahmane, chef de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), plus de 1,2 million de personnes ont répondu à l’appel à Hama et à Deir Ezzor, près de la frontière irakienne, mais huit civils ont été tués dans la dispersion de rassemblements (…) A Deir Ezzor, ils étaient plus de cinq cent cinquante mille à la fin de la manifestation, et à Hama, ils étaient plus de six cent cinquante mille », a-t-il assuré, précisant que les forces de sécurité étaient absentes dans ces deux villes. »
 [8]
- Le 8 juillet 2011 le quotidien Le Figaro dans un article intitulé « Syrie : un demi-million de personnes manifestent à Hama » Georges Malbrunot et Caroline Bruneau, affirmaient :
- « Pour la deuxième semaine consécutive, près d’un demi-million de personnes sont descendues manifester vendredi sur la place al-Assi, selon les militants des droits de l’homme. (…) Vendredi dernier déjà, 500.000 manifestants s’étaient réunis au centre-ville ». [9]
- Le 8 juillet le quotidien Libération dans un article intitulé : « Syrie : nouvelle manifestation monstre à Hama, assiégé par l’armée », affirmait : « Plus de 150.000 personnes défilent sur la place al-Assi en affirmant le refus du dialogue avec le pouvoir et en appelant à la chute du régime », a d’abord indiqué le chef de l’OSDH Rami Abdel-Rahmane. Une estimation revue à la hausse quelques minutes plus tard : ils étaient en fait quelque 450.000, selon Abdel Karim Rihaoui, chef de la Ligue syrienne des droits de l’Homme. Vendredi dernier, des militants affirment qu’ils étaient un demi-million. » [10]
L’escroquerie des manifestions massives réprimées par le « sanguinaire » Assad n’est qu’un des innombrables mensonges qui ont servi à faire subir un véritable lavage de cerveau à l’opinion publique. Les auditeurs qui, le 11 juillet, ont entendu, par la grâce d’un imprévu, le témoignage d’un Syrien sur RMC ont eu droit à un moment de vérité inespérée leur permettant de comprendre comment fonctionne la machine à multiplier les mensonges :

Pourquoi la presse et les médias ne mettent-ils pas en évidence les vrais tenants et aboutissants de la déstabilisation horrible parraînée par quelques puissances en Syrie ?
Parce qu’à l’arrière plan il s’agit des intérêts d’Israël. On ne touche pas à l’impunité d’Israël qui est le véritable fauteur de guerre dans la région ; Israël est à la manœuvre dans cette guerre livrée contre la Syrie. Il est fort des appuis de la France, de la Grande Bretagne, des Etats Unis et de ses nouveaux alliés du Golfe.

Depuis les années 60 Tel Aviv met toute son énergie à fédérer les forces hostiles au président syrien Bachar al-Assad.

Bachar « doit tomber », l’Iran « doit tomber », le Hezbollah « doit tomber ». Pourquoi ? Parce que cet axe de résistance fait obstacle à la domination de la région par l’Etat juif. Raison pour laquelle le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius qui place, tout comme Bernard Kouchner avant lui, les intérêts d’Israël au dessus de ceux la France, n’a eu de cesse de répéter « Bachar doit tomber ». [11]

Faute de pouvoir stopper l’information mensongère des journalistes aux manettes n’est-il pas urgent d’alerter l’opinion publique, qui la subit, sur leur véritable rôle dans la guerre ? Et de montrer le vrai visage de prétendus « grands » reporters, envoyés spéciaux [12] « spécialistes » du Moyen Orient, dont le manquement au devoir d’informer correctement contribue à faire couler des fleuves de sang ?

Silvia Cattori

(*) Voir : « Les Syriens sont une majorité à soutenir le président Assad, mais ce n’est pas des médias occidentaux que vous pourriez l’apprendre », par Jonathan Steele, 17 janvier 2012.
http://www.silviacattori.net/article2718.html

 


[1Voir : « Les rapports sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie ? Un air de déjà vu… », par Robert Fisk, 28 avril 2013.
http://www.silviacattori.net/article4385.html
Voir aussi : « Bachar al-Assad, la Syrie et la vérité sur les armes chimiques », par Robert Fisk, 10 décembre 2012.
http://www.silviacattori.net/article4031.html

[6Voir par exemple :
- « Y a-t-il eu un massacre dans la ville syrienne d’Aqrab ? », par Alex Thomson, 14 décembre 2012.
http://www.silviacattori.net/article4056.html
- « Syrie : Le massacre de 245 personnes à Déraya aurait été commis par la rébellion », par Robert Fisk, 29 août 2012.
http://www.silviacattori.net/article3605.html
- « Houla : L’extermination par les rebelles sunnites », par Rainer Hermann, 13 juin 2012.
http://www.silviacattori.net/article3340.html

[7Voir :
- « Les Syriens manifestent massivement leur soutien au gouvernement dans de nombreuses villes », par Silvia Cattori, 15 mars 2012.
http://www.silviacattori.net/article2974.html
- « Syrie : Les manifestations que les sympathisants de l’« opposition islamiste » ne veulent pas voir », 16 novembre 2011.
http://www.silviacattori.net/article2369.html
- « La Syrie réelle toujours là contre la Syrie virtuelle », par Guy Delorme, 13 octobre 2011.
http://www.silviacattori.net/article2174.html

[11Les Syriens qui vont manifester devant l’ambassade d’Israël le 2 juin pour dénoncer le rôle d’Israël « dans la destruction programmée de la Syrie aux côtés des groupes djihadistes » ne sont pas dupes.

[12D’après notre expérience les reporters de guerre, (français, britanniques et américains notamment) travaillent étroitement avec le renseignement et sont encadrés – protégés par des agents.

 

via L’enquête sur les armes chimiques par deux reporters du Monde en Syrie : Une scandaleuse manipulation [Silvia Cattori]

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