Condamnation définitive à 40 jours de prison ferme pour Alain Soral dans l’affaire « grosse lesbienne »
Le polémiste franco-suisse Alain Soral est condamné en dernière instance à 40 jours de prison pour discrimination et incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle. C’est la première fois que le Tribunal fédéral se penche sur cette norme pénale. Son arrêt fera jurisprudence.
C’était une décision très attendue. Dans un arrêt publié jeudi [18 avril 2024], le Tribunal fédéral confirme la condamnation d’Alain Soral pour discrimination et incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle.
La Cour suprême helvétique relève « le langage rabaissant, déshumanisant et outrancier » de l’écrivain invitant les internautes à « mépriser une journaliste en raison de son orientation sexuelle en particulier ».
Cet arrêt fera date. C’est en effet la première fois que la plus haute autorité judiciaire de Suisse se prononce sur la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, sanctionnée pénalement depuis la votation populaire du 9 février 2020.
L’affaire Soral remonte à l’été 2021. En août, Cathy Macherel, journaliste à la Tribune de Genève, révèle que l’association Égalité et Réconciliation, présidée par le polémiste franco-suisse installé à Lausanne depuis 2019, donne des formations à Genève.
Les propos incriminés
Alain Soral n’apprécie pas cette enquête et décide d’y répondre quelques semaines plus tard dans une interview filmée diffusée sur le site Internet de l’association qu’il préside.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral retranscrit les propos qu’il tient à cette occasion.
« Je crois que cet article à charge est relativement malhonnête et signé (…) par une militante queer qui se bat aussi pour les migrants. Donc voilà face à quoi on est (…) Je rappelle que queer, en anglais, ça veut dire, je crois, désaxé. Donc je pense qu’entre ma vision du monde et celle d’une grosse lesbienne militante pour les migrants (…), je suis plus, moi, un combattant de la paix (…) que ceux qui me font face et qui me harcèlent, alors que je ne leur ai rien demandé. »
Selon le Tribunal fédéral, le discours incriminé pris dans son ensemble donne le sentiment qu’aux yeux d’Alain Soral, la journaliste « présente tant le défaut d’être homosexuelle que celui de militer en faveur de certaines minorités ».
« Exciter un sentiment de haine »
Le tribunal relève que l’interview filmée est accompagnée d’une photographie de Cathy Macherel.
« Alain Soral a prévu une mise en scène consistant à inclure une photo-portrait de la journaliste (…), offrant ainsi aux internautes une figure concrète sur laquelle déverser leur mépris. Il ne fait aucun doute que le message du recourant tend à éveiller et exciter un sentiment de haine à raison de l’orientation sexuelle. »
Un recourant, Alain Soral donc, qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de propos discriminatoires. Le Tribunal fédéral constate que si son casier judiciaire suisse est vierge, son casier français comporte 22 condamnations entre 2008 et 2019.
Pour le Tribunal fédéral, « ses multiples condamnations pour diffamation et provocation à la discrimination raciale ou religieuse, ou en raison de l’orientation ou l’identité sexuelle (…) confirment la propension d’Alain Soral à adopter des comportements méprisants et discriminatoires à l’égard de groupes de personnes pourtant protégées par la loi. »
« Insensible à la sanction pénale »
La Cour suprême balaie l’argument d’Alain Soral invoquant la violation de la liberté d’expression.
« Sa démarche correspond bien plus à une attaque personnelle gratuite à l’encontre de personnes définies par leur orientation sexuelle qu’à l’expression d’une opinion sur des questions d’intérêt public. »
Aux yeux du Tribunal fédéral, il est donc établi que le Franco-Suisse a tenu des propos pénalement répréhensibles. À l’instar du Tribunal cantonal vaudois, la Cour suprême estime qu’une peine de prison ferme s’impose « au regard des nombreux antécédents d’Alain Soral (…), et de son insensibilité à la sanction pénale ».
Le polémiste écope donc d’une peine privative de liberté de 40 jours.