Yémen: «On a créé une crise humanitaire sans précédent»

HUMANITAIRE Dans le pays, 70% des habitants ne savent pas quand ils mangeront leur prochain repas…

Dimanche 26 mars, cela fera deux ans que le Yémen vit au cœur de plusieurs conflits. « La plus grave crise humanitaire du monde » disent les ONG présentes sur place. Peu d’images circulent sur cette guerre et pourtant, l’urgence est grande : à court de vivres, le Yémen entier risque la famine.

Du blé et du sucre. C’est tout ce qu’il reste aux Yéménites pour se nourrir. Les réserves du pays courent jusqu’au mois d’avril, rapporte le Programme alimentaire mondial (PAM). Après, c’est l’inconnu. Dans tout le pays la nourriture manque et la famine menace de s’étendre : 17 millions de personnes sont en insécurité alimentaire, soit 70 % de la population qui ne sait pas d’où viendra son prochain repas.

Les médicaments manquent aussi. « Il n’y a plus de médicaments dans le pays pour soigner la population ou les blessés de guerre. Les gens meurent des maladies les plus simples, comme la diarrhée chez les enfants ou des maladies respiratoires », explique Marina Benedik, coordinatrice générale à  Médecins du Monde.

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Un pays détruit de l’intérieur

Le Yémen produit peu de vivres, et sa survie dépend à 90 % des exportations. Mais les accès aux pays sont rendus de plus en plus difficiles par la guerre. L’aéroport de Sanaa, la capitale, est fermé depuis le mois d’août, et les ports sont très surveillés. Même les humanitaires ont du mal à entrer dans le pays. « On a créé une crise humanitaire sans précédent et imposé un embargo maritime comme aérien. C’est une prise en otage de la population entière », soupire Marina Benedik.

Les Yéménites vivent comme « emprisonnés » : il est très difficile pour les habitants de Sanaa de fuir, sauf en bateau par la mer ou vers Oman, à l’ouest, à pied. Ce long voyage de plusieurs jours à travers le désert est desservi par une unique route très surveillée par les forces armées, et Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) y rôde. « Regardez sur une carte : le Yémen est un pays très isolé entouré par la mer, Oman et l’Arabie Saoudite », explique Wael Ibrahim, volontaire au sein de l’ONG Care.

Une frappe de l'Arabie saoudite sur une base armée de la ville de Sanaa, capitale du pays.
Une frappe de l’Arabie saoudite sur une base armée de la ville de Sanaa, capitale du pays. – Hani Mohammed/AP/SIPA

Des manifestations de femmes

Les ONG ont fait les comptes : le conflit a fait trois millions de déplacés et tué 10.000 civils, notamment sous les frappes de l’Arabie Saoudite voisine. Pourtant, on voit peu de ruines dans la capitale, Sanaa. Quelques bâtiments du gouvernement et quelques maisons individuelles ont été pris pour cible mais la destruction est ailleurs.

« Cela fait cinq mois que les gens n’ont plus de salaire. Au total, dix millions de personnes vivent sans revenus. L’économie est en train de s’effondrer. Il n’y a plus de service public, plus d’eau, plus d’essence. Les banques ne fonctionnent plus. Il n’y a pas non plus de collecte de déchets, pas d’eau courante, peu d’électricité », liste Wael Ibrahim. Plus de la moitié des installations sanitaires ne sont plus en état de fonctionner.

Alors les Yéménites manifestent, les femmes particulièrement. Ils protestent contre l’arrêt de leur salaire ou pour rétablir la paix. Mais « depuis janvier, la situation sécuritaire se dégrade et la population perd un peu son calme », souligne Marina Benedik. « Bien sûr qu’il y a de la colère. Ils aiment leur pays, ils y sont attachés », confirme Wael Ibrahim.

Sans futur, les Yéménites attendent la fin des conflits et espèrent une aide venue de l’étranger. « C’est très important pour les gens en souffrance de savoir que des personnes extérieures parlent et transmettent leur message. Etre seul, ça fragilise la population. »

Les victimes de cette guerre peu médiatique communiquent beaucoup sur les réseaux sociaux. Sur Twitter avec #EndYemenSiege ou sur Facebook, ils partagent leur quotidien en espérant le rendre visible à l’autre bout du monde.

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