Les collégiens de cinquième sont tombés au niveau des élèves de CM2 de 1987

Une étude menée par des professeurs d’université et des écoles montre l’évolution du niveau orthographique des élèves de 10 à 16 ans, etnre 1987 et 2005. Elle n’est pas à l’avantage des plus jeunes élèves.

Les performances des élèves en orthographe sont en baisse sensible, au point que le niveau d’une classe de cinquième de 2005 est celui d’une classe de CM2 de 1987. Cette baisse ne relève ni du sentiment subjectif ni de l’affirmation polémique. Elle est démontrée par un travail universitaire, signé d’une équipe composée de Danièle Manesse, professeur en sciences du langage à l’université de Paris III-Sorbonne nouvelle, de Danièle Cogis, maître de conférences à l’IUFM de Paris, et de deux professeurs des écoles, Michèle Dorgans et Christine Tallet.

Leur enquête est présentée dans un ouvrage qui doit être publié le 22 février sous le titre Orthographe : à qui la faute ?, aux éditions ESF. Réalisée en 2005, elle reproduit à l’identique, selon le même protocole, une enquête précédente menée en 1986-1987 par le chercheur André Chervel et Danièle Manesse sur le niveau orthographique des élèves de 10 à 16 ans. Celle-ci procédait à une comparaison à un siècle de distance, en s’appuyant sur les dictées collectées entre 1873 et 1877 par l’inspecteur général Beuvain d’Altenheim. Cette enquête avait été publiée dans l’ouvrage La Dictée, les Français et l’orthographe (Calmann-Lévy, 1989).

En termes de « niveau orthographique moyen », les résultats de cette comparaison étaient alors en faveur des élèves de 1987. En 2005, la même dictée (un court passage de Fénelon, de 83 mots) a été administrée à un échantillon représentatif de 2 767 élèves de 123 classes du CM2 à la troisième. Cette fois, la comparaison des résultats entre 1987 et 2005 témoigne d’une chute importante du niveau. Les erreurs ont considérablement augmenté : là où les collégiens en faisaient huit en 1987, ils en font treize en 2005. Là où les élèves de CM2 faisaient douze erreurs, ils en font dix-huit. En 1987, 50 % des élèves faisaient moins de six fautes. Ils ne sont plus que 22 % en 2005.

« TEMPS RÉDUIT POUR L’ÉTUDE »

Dans l’intervalle, le niveau orthographique a pris un retard de deux années scolaires : autrement dit, les cinquièmes de 2005 ont le niveau des CM2 de 1987, les quatrièmes de 2005 celui des sixièmes de 1987, etc. La nature des erreurs a aussi évolué, car ce sont surtout les fautes de morphosyntaxe, d’accords et de conjugaison qui augmentent : 52 % du total en 2005, contre 40 % en 1987. Pour tenter d’analyser les causes de cette baisse, Danièle Manesse cite en premier « un temps réduit pour l’étude de la langue », ce qui correspond à « un thème récurrent » dans les propos des professeurs de français. Elle s’interroge sur la possibilité que les « théories de l’énonciation » introduites dans les programmes du collège aient « marginalisé » l’étude des « outils de la langue ». L’orthographe est ainsi devenue une « patate chaude » que chaque niveau de scolarité s’empresse de transmettre au suivant : de l’école au collège, du collège au lycée, etc. Danièle Manesse évoque le « désarroi » des professeurs devant le fait que « l’exigence traditionnelle de l’école en matière de correction de la langue » soit « passée au second plan » et que l’on ait « minoré l’importance auparavant accordée aux dimensions formelles de l’écrit ».

Dans leur conclusion collective, les auteurs abordent aussi « la formation des professeurs des écoles et des collèges », selon elles « ridiculement courte pour ce qui est de l’étude de la langue », et la « question ancienne de la vigilance orthographique des professeurs des autres matières ». Enfin, cette enquête vaut aussi par son origine : Danièle Manesse est une proche de Philippe Meirieu, considéré dans le débat sur l’éducation comme le chef de file des pédagogues. Elle-même favorable, comme beaucoup de spécialistes, à une réforme de l’orthographe, elle rappelle que « jusqu’à nouvel ordre, l’orthographe qu’on doit enseigner est ce qu’elle est ».
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