Pollution « calamiteuse » des eaux : l’UFC-Que choisir accuse l’agriculture productiviste
Raréfiée et polluée : l’eau des rivières et des nappes phréatiques est dans un « état calamiteux », affirme mardi 17 octobre l’UFC-« Que Choisir », qui incrimine des « décennies d’agriculture productiviste » et « l’inaction des pouvoirs publics ». Dans un rapport publié à l’occasion des états généraux de l’alimentation, l’association réclame « une réforme urgente » de la politique de l’eau afin de mettre en place des mesures de prévention des pollutions agricoles et d’appliquer strictement le principe « préleveur-pollueur-payeur ».
« Le constat est assez effarant : une ressource qui continue à se dégrader comme si nous subissions une fatalité », déplore le président de l’UFC-Que Choisir, Alain Bazot. « On a un système à bout de souffle, une gestion aberrante de la ressource », accuse-t-il, réclamant « une rénovation en profondeur de la gouvernance dans les agences de l’eau », chargées de gérer la ressource.
84 départements ont connu des restrictions d’eau cet été, dont 37 en situation de « crise », pointe le rapport. Or « l’agriculture intensive accapare 80% de la consommation nette estivale de l’eau, et la moitié de la consommation nette annuelle », accuse l’UFC.
« Dans la moitié du territoire français, les pesticides sont présents dans les cours d’eau à des doses supérieures à la norme autorisée dans l’eau potable. » Cette norme est aussi dépassée dans « le tiers des nappes phréatiques », constate l’association. Pire, dans ces dernières, « les contaminations en nitrates ont progressé, ne laissant plus que la moitié des nappes indemnes », écrit l’UFC-« Que Choisir ».
L’association impute ces « désastres environnementaux » à l’agriculture intensive qui, dénonce-t-elle, « est loin d’avoir corrigé ses pratiques » puisque « les quantités d’engrais utilisées n’ont pas baissé en vingt ans » et que « l’utilisation des pesticides a même augmenté de 18% en cinq ans ».
Eau du robinet : les bons réflexes
1,9 million de consommateurs ont été exposés à une eau polluée par les pesticides agricoles entre 2014 et 2016 selon le site de l’association, qui met à disposition une carte interactive de la qualité des eaux du robinet, sur la base des relevés des Agences régionales de santé entre 2014 et 2016. L’UFC pointe par ailleurs le problème des relevés concernant les composants des canalisations migrant dans l’eau (plomb, nickel, cuivre notamment), peu nombreux et souvent effectués à la sortie du robinet.
Qualité médiocre, problèmes de canalisations… Cliquez ici pour accéder à la carte interactive
L’étude n’appelle pas pour autant à se reporter sur l’eau en bouteille, « 65 fois plus chère » et bien plus polluante que l’eau du robinet. « La consommation responsable est de boire l’eau potable », martèle l’UFC, qui rappelle quelques bons réflexes :
- « Laissez couler l’eau quelques instants avant de la boire. Dans le cas où l’odeur est marquée, il suffit de laisser l’eau s’aérer, par exemple dans une carafe ouverte.
- Lorsque la concentration en nitrates est comprise entre 50 et 100 mg/l, l’eau ne doit pas être consommée par les femmes enceintes et les nourrissons. Si elle est égale ou supérieure à 100 mg/l, l’eau ne doit être utilisée pour aucun usage alimentaire.
- Lorsque l’eau est très alcaline (pH supérieur à 9), il est déconseillé de l’utiliser pour la toilette, car elle peut être irritante pour l’œil ou la peau. »
La dépollution payée par les consommateurs
L’UFC-« Que Choisir » regrette encore que la réparation des dommages environnementaux soit toujours très majoritairement financée par les consommateurs. Via leur facture d’eau, ils « payent 88% de la redevance ‘pollutions’ et 70% de la redevance ‘prélèvement’, soit 1,9 milliard d’euros par an », précise l’association.
L’agriculture, « pourtant responsable à elle seule de 70% des pollutions en pesticides, de 75% des pollutions en nitrates et de la moitié des consommations nettes en eau » ne paie que « 7% de la redevance ‘pollutions’ et 4% de la redevance ‘prélèvement’, en violation flagrante du principe ‘préleveur-pollueur-payeur' », selon l’association.
Elle estime par ailleurs que la politique de l’eau dans les régions est « dictée par les intérêts agricoles », ce qui conduit selon elle à privilégier « des mesures essentiellement curatives, trop souvent sans chercher à réduire les pollutions à la source ».
L’UFC-« Que Choisir » dénonce également la ponction de 300 millions d’euros sur le budget des agences de l’eau, prévue dans le projet de loi de finances 2018, au bénéfice d’autres organismes. Elle appelle les consommateurs à se mobiliser via une pétition et lance une campagne de sensibilisation des parlementaires.
La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) déplore de son côté un rapport « caricatural » et « à charge », qui selon elle manipule les chiffres « quitte à dire des contre-vérités ». Selon des données du ministère de l’Environnement de 2016, « il y a une baisse de 10% des pesticides dans les cours d’eau entre 2008 et 2013 », soutient Eric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de sa commission environnement, auprès de l’AFP ; ainsi qu’une « baisse de 14% des teneurs en nitrates entre 2006 et 2014 dans les cours d’eau ».
T.V.
via Pollution « calamiteuse » des eaux : l’UFC-Que choisir accuse l’agriculture productiviste – L’Obs