Comme tout lobby qui se respecte, cette fondation – dont la scientificité des « recherches » fut plusieurs fois questionnée – dépend, pour une large partie de son activité, de ses apparitions publiques. Et il se trouve que – ô chance ! – sa stratégie et son savoir-faire en la matière correspondent en tout point aux critères de la sélection médiatique, et plus spécifiquement, aux attentes des « débats » audiovisuels. Entre autres :
1. Disponibilité à toute heure, et sans limite, pour n’importe quel média. Les rouages des grands médias n’ont en effet aucun secret pour Agnès Verdier-Molinié, ancienne journaliste formée à bonne école, sous le haut patronage de… Christophe Barbier à L’Express [1] ! Et c’est peu dire que le carnet d’adresses est bien fourni, de la presse économique (Les Échos, Challenges, Capital, Boursorama) aux médias d’opinion libérale (Le Figaro, L’Express, L’Opinion, Le Point) en passant par des médias de la droite dure ou de droite extrême – Atlantico et Valeurs actuelles lui ayant toujours réservé une très bonne place. Sans oublier, évidemment, les médias dits « généralistes » et les chaînes d’info en continu, qui ont, en particulier ces dernières années, décuplé son écho.
Pour avoir une idée exhaustive de la surface médiatique occupée par l’IFRAP, nous avons contacté la fondation. Quelle ne fut pas notre surprise de tomber directement sur sa présidente, qui nous a, « bien cordialement », renvoyé au site internet ! Le lobby y revendique… 4 541 « passages médias » depuis 2009. Une vraie fierté : « Avec en moyenne plus d’un passage par jour dans les médias, la Fondation IFRAP est la plus sollicitée de tous les think tanks par la presse économique, mais aussi par les radios et les télévisions. » Une fois n’est pas coutume, nous donnons dans notre montage vidéo un chiffre (sans aucune prétention à l’exhaustivité) plus proche de celui de la préfecture ! Pour une raison simple : il s’avère laborieux – avec nos maigres moyens techniques – de différencier ce qui relève d’un « passage média » d’une simple mention ou citation à la radio, dans une revue de presse, etc. Reste que le constat de base ne change pas : les médias surexposent la directrice de l’IFRAP, contribuant, à travers elle, au pilonnage économique ultra-libéral.
2. Publication programmée d’essais interchangeables. Une stratégie qui, associée à la légitimation médiatique ordinaire, assure à Agnès Verdier-Molinié de régulières tournées dans les médias (frisson et exclusivité bisannuels garantis) :
3. Recours à des pelletées de chiffres. Comme nous l’écrivions dès 2015, dans les grands médias, les chiffres « objectivent le débat et permettent de prétendre expliquer une situation politique par une équation arithmétique, ce qui fait toujours gagner du temps. Agnès Verdier-Molinié donne donc de très nombreux chiffres à l’appui de ses analyses et des mesures qu’elle propose ; que ces chiffres soient régulièrement contestables ou carrément frauduleux ne l’empêche pas d’en donner toujours plus. » Nous persistons et signons encore aujourd’hui.
Il en va de même pour les propositions économiques et sociales de l’IFRAP, toutes plus violentes les unes que les autres, mais auxquelles les médias reconnaissent le mérite du « choc » qui fait les gros-titres. Quand bien même ces propositions débouchent, pour les travailleurs, sur une destruction systématique de leurs conditions de travail, entre autres réalités désastreuses… qui se vérifient aujourd’hui en pleine épidémie du Covid-19, chaque jour, dans le monde hospitalier.
Pauline Perrenot et Kilian Sturm