300 fois plus de résidus de pesticides dans le vin que dans l’eau potable
Il y a 300 fois plus de résidus de pesticides dans le vin que dans l’eau potable. Ce rapport frappant est l’un des enseignements que l’on peut tirer des résultats de l’enquête que vient de publier Que choisir (abonnés) dans son dernier numéro.
En passant 92 vins issus de différentes régions viticoles françaises au crible, le magazine a en effet détecté des résidus de pesticides (ou des traces) dans 100% des échantillons.
Dans le détail, on constate un grand écart entre les vins bio, à un bout du spectre, et certains vins industriels ou conventionnels, à l’autre bout. Mais pas un seul vin parmi la centaine analysée n’échappe totalement aux pesticides.
Bordeaux, le mauvais élève
C’est la région bordelaise qui compte le plus important taux de contamination aux résidus de pesticides, selon le test de Que choisir :
« Cinq bordeaux remportent la palme avec des quantités totales de résidus allant de 441 μg/kg [l’unité est ici le microgramme, soit un millionième de gramme, ndlr] pour le rosé Baron de Lestac 2012, à 1 682 μg/kg pour le graves blanc château Roquetaillade Le Bernet 2011. »
Pour ce dernier vin, la teneur en résidus de pesticides est ainsi « 3 364 fois plus élevée que la norme appliquée à l’eau potable (0,5 μg/kg) ».
A noter également la performance du bordeaux Mouton Cadet 2010, dans sa version rouge, qui réunit à lui tout seul les résidus et traces de 14 pesticides différents (dont du carbendazime, molécule interdite en France). Une information à mettre en parallèle avec la diffusion de ce vin : produit au total à 12 millions de bouteilles par an, Mouton Cadet est « la marque la plus diffusée dans le monde ».
Pour contrebalancer ce palmarès sévère, rappelons qu’il existe de très bons domaines en bio à Bordeaux : Planquette, Les Trois Petiotes, Gombaude-Guillot ou Lamery, pour n’en citer qu’une poignée.
Les vins blancs sont les plus chargés
Si on fait le tri par couleur, ce sont les vins blancs qui embarquent le plus de résidus de pesticides, selon l’analyse de Que Choisir : 242 μg/kg en moyenne (contre 114 μg/kg pour les rouges et 95 μg/kg pour les rosés).
Ce qui nous donne une moyenne globale de plus de 150 microgrammes de résidus de pesticides par « kilo » de vin, soit plus de 300 fois le seuil admis pour l’eau potable…
Certes, concède Que Choisir, on boit a priori plus d’eau que de vin.
Les vins bio pas totalement épargnés
Aucun des dix vins bio analysés dans l’étude de Que Choisir n’est épargné : on y retrouve des traces, et même parfois des résidus avérés de pesticides.
L’explication tiendrait a priori au fait que l’épandage de pesticides peut parfois contaminer les vignes des voisins.
Néanmoins, une autre étude [PDF] précédemment publiée par un collectif d’associations est quant à elle arrivée à la conclusion que les vins bio ne contiennent pas (sauf accident) de résidus de pesticides.
Dans les deux cas, il n’y a pas photo : les quantités de résidus détectées dans les vins bio sont très nettement inférieures à celles identifiées dans la plupart des autres vins, voire inexistantes.
Les consommateurs doivent-ils s’inquiéter ?
Le journal Sud-Ouest a immédiatement réagi à l’enquête de Que Choisir, notamment par la voix de son spécialiste, César Compadre, qui entend balayer en quatre points tout éventuel résidu d’inquiétude :
- primo, pour avoir un bon raisin il faut traiter aux pesticides. C’est pas la fête de traiter, hein, mais c’est comme ça : « Prendre trop de risques serait suicidaire », tranche carrément le spécialiste. Et les bio alors ?
- On y vient, les bio traitent aussi (au soufre et au cuivre, et c’est méchant le cuivre, brrr). Non, parce qu’il ne faudrait pas dire trop de bien des bio. C’est vrai quoi, ils ne représentent que 6% du vignoble. Alors, hop, dans le même sac que les autres, c’est plus pratique ;
- ensuite, troisième point, il y a une « prise de conscience des professionnels ». Dans le vignoble ça bouge, assure notre spécialiste (oh oui, ça bouge… mais dans le mauvais sens : l’utilisation de pesticides a encore augmenté de 2,7% en France – déjà premier utilisateur d’Europe – entre 2010 et 2012, rappelle Que Choisir) ;
- enfin, l’argument-massue : « Les quantités de résidus sont bien inférieures aux seuils de dangerosité définis par les experts. » Sachant qu’il n’y a aucune limite maximale de résidus définie pour le vin, et qu’on s’en tient à celles – élevées – appliquées pour le raisin, on est dans un joli flou artistique.
A la lecture de cette enquête, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) tire trois observations :
- les seuls vins exempts de résidus sont des vins bio ;
- il n’y a aucune limite maximale de résidus (LMR) pour le vin, ce qui est dérogatoire et malhonnête. C’est l’omerta, y compris au niveau de l’Etat. La Fnab réclame donc la mise en place d’une LMR pour le vin ;
- y aura-t-il une enquête sur la présence de produits interdits dans Mouton Cadet notamment, et sur la filière d’approvisionnement ?
Même si on peut à la rigueur se contenter de ce dernier argument pour ce qui est des consommateurs, les nombreuses études relatives aux travailleurs de la vigne (ou même à leurs simples riverains) sont, elles, accablantes : de cinq à onze fois plus de pesticides détectés dans leurs cheveux, surmortalité due à la maladie de Parkinson, augmentation avérée des cancers…
Et tout de même, un détail peut chiffonner : si ces résidus de pesticides dans le vin sont tellement inoffensifs, pourquoi la norme admise pour l’eau potable est-elle 300 fois inférieure à ce qu’on détecte en moyenne dans le vin… Est-ce qu’on boit 300 fois plus d’eau que de vin ?
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