Deux mille enfants déclarent un cancer chaque année, et toujours aucune explication

Par Nolwenn Weiler pour Bastamag

Plus de 2000 enfants déclarent un cancer chaque année en France. Certains parents tâchent de savoir pourquoi, mais se heurtent à l’inertie, voire à l’hostilité des autorités sanitaires, et parfois de leurs élus. Le sujet est complexe, poser des questions semble dérangeant. Basta ! est allé à la rencontre de ces familles, pour raconter leurs quotidiens et s’interroger, avec elles, sur ce grave problème de santé publique. Premier article d’une série de reportages que nous publions jusqu’au 1er décembre.

Chaque année en France, plus de 2000 enfants et adolescents déclarent un cancer. La plupart survivent, après de longs et rudes mois de traitement. Certains en meurent, plusieurs centaines, chaque année. Parfois, leurs parents se mobilisent pour comprendre ce qui est arrivé à leurs enfants, surtout quand ils découvrent qu’il y a d’autres petits malades dans leur voisinage. Mais il est difficile de rassembler des informations. L’engagement des autorités sanitaires reste timide. Les parents ne se sentent pas soutenus. Ils ont plutôt l’impression qu’on leur met des bâtons dans les roues, et les raisons des cancers demeurent, à ce jour, indéfinies. Cela dit, d’importants soupçons pèsent sur l’environnement, et sur le cocktail chimique que l’on y trouve, pesticides en tête.

« Les autorités sanitaires s’arrêtent vite de chercher »

Pauline avait 15 ans quand elle a été fauchée par un cancer, en décembre 2019. La jeune fille vivait non loin de La Rochelle dans une commune près de laquelle une dizaine d’enfants sont tombés malades depuis 2008. Pourquoi ? Mystère. Le danger vient-il de l’usine locale qui fabrique et recycle bitumes et goudrons ? Ou des pesticides que l’on retrouve en quantité dans l’air de ce territoire ? Nul ne le sait pour le moment. Seule certitude pour l’agence régionale de santé (ARS) : « Rien ne montre de lien de causalité entre l’environnement et la santé ». Il est pour le moment impossible d’avoir accès à la liste des polluants recherchés. « Les autorités sanitaires s’arrêtent vite de chercher », regrette Romain Gouyet, de l’association Avenir santé environnement, créée peu après que Pauline tombe malade.

Même scénario dans le Haut-Jura, où une mère de famille se bagarre toute seule pour tâcher de comprendre pourquoi 13 enfants (dont sa fille âgée trois de ans) ont été diagnostiqués d’un cancer entre 2011 et 2019 dans un rayon restreint. Obligée d’insister auprès de l’ARS pour que des questionnaires soient envoyés aux familles, elle est accusée de faire de la mauvaise publicité à sa commune.

Ces sentiments de solitude et d’abandon concernent tous les parents qui choisissent de se retrousser les manches pour comprendre les maladies de leurs enfants. Dans le secteur de Sainte-Pazanne, en Loire-Atlantique, où 24 enfants sont tombés malades depuis 2015 (et cinq décédés), les parents ont dû batailler pour que des études soient lancées. Et ils ont appris avec stupéfaction fin septembre que les autorités sanitaires considéraient qu’il n’y avait rien d’anormal dans leur secteur.

Le nombre d’enfants malades, sujet sensible

« L’analyse statistique conclut à l’absence d’un risque anormalement élevé de cancers pédiatriques sur le secteur de Sainte-Pazanne par rapport au reste du département », explique Santé Publique France. Le nombre d’enfants malades constitue un premier sujet de controverse. Y en a-t-il davantage qu’avant ? « Non », répond Jacqueline Clavel, chercheure à l’Inserm et à l’origine du registre national des cancers de l’enfant (RNCE), mis en place depuis le début des années 2000. Elle explique que ce sont les méthodes de détection des cancers qui ont beaucoup progressé. Selon les recensions du registre, un enfant sur 440 développe un cancer avant l’âge de 15 ans. Cette proportion serait stable depuis 20 ans.

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