Bégaudeau sur la crise des Gilets jaunes : «La légitimité de la violence s’évalue à sa cause»
En pleine crise des Gilets jaunes, François Bégaudeau souligne qu’il est indispensable de s’intéresser aux causes de la violence en politique pour en déterminer la légitimité. L’écrivain note que les manifestants jugent le jeu électoral «vicié».
Invité de l’émission C à vous sur France 5 le 29 janvier, l’écrivain François Bégaudeau s’est penché sur la question de la violence en politique, alors qu’en plateau les journalistes critiquaient les débordements commis en marge du mouvement des Gilets jaunes.
S’écartant des idées qui circulent en général dans les médias sur le sujet, François Bégaudeau a proposé d’évaluer la légitimité et la pertinence de cette violence non pas en soi, mais à travers le prisme de sa cause profonde. Pour exposer son point de vue, l’écrivain prend un exemple susceptible de mettre tout le monde d’accord sur le plateau : «Si demain des gens commettaient des violences contre le régime de Bachar el-Assad et qu’il y avait des perturbations dans la rue, des gens qui cassent des vitrines, je suis sûr que tous ici on dirait « C’est normal, leur cause est juste ». Bachar el-Assad est tellement un dictateur dégueulasse, que cette violence est légitime.»
«Si demain des gens commettaient des violences contre le régime de Bachar al-Assad (…) on dirait tous ici que leur cause est juste.»#FrançoisBégaudeau évoque la violence en politique. #CàVous pic.twitter.com/YCPMRzaAgl
— C à vous (@cavousf5) 29 janvier 2019
L’argument fait mouche, notamment auprès d’un Patrick Cohen qui avoue avec un sourire qu’il soutiendrait sans états d’âmes cette violence contre le gouvernement syrien. Mais le journaliste demeure perplexe quant au parallèle dressé «entre Emmanuel Macron et Bachar el-Assad».
«Ce n’est pas la violence en soi qui vous effraie, c’est la cause pour laquelle on est violent. Le débat ne doit pas être : « Faut-il détruire des vitrines ou pas ? » […] mais : « Est-ce que la cause des Gilets jaunes est juste ? »», s’applique alors à lui expliquer François Bégaudeau, réitérant qu’une évaluation de la pertinence de la violence en politique ne pouvait jamais être «une évaluation en soi».
L’élection c’est un dévoiement de la démocratie
La journaliste Anne-Elisabeth Lemoine s’immisce alors dans le débat, avançant que dans une démocratie telle que la France, les Gilets jaunes disposent d’autres moyens de s’exprimer que la violence. «La preuve que non, ils n’ont pas d’autres moyens de s’exprimer. Si ils en viennent à faire ça, c’est bien qu’ils considèrent que les courroies habituelles d’expression sont viciées. Et que le jeu électoral est un jeu vicié, qui fait toujours gagner les mêmes et qui a même été programmé pour toujours faire gagner les mêmes», réplique François Bégaudeau.
«L’élection, c’est un dévoiement de la démocratie, il faut bien le savoir», conclut l’écrivain.
Via RT France
François Bégaudeau atomise Lemoine, Cohen et Lescure
Réjouissante séance de malaise télé ce mardi 29 janvier sur France 5, dans l’horrible émission de service privé C à vous (il n’y a pas titre plus mensonger, ça devrait s’appeler C à nous, et nous c’est la petite équipe socialo-sioniste qui tient la télé) conduite par la cruche Anne-Élisabeth Lemoine.
« Cruche » n’est pas une insulte, c’est une qualification, la qualification d’un niveau culturel, d’un niveau de conscience, d’un niveau d’expression et au bout du compte, d’un niveau d’intelligence des choses.
L’intelligence n’existe pas toute seule, il lui faut un objet et cet objet c’est le monde, les autres. L’intelligence des choses, c’est la compréhension du monde, celui qui nous entoure, le monde politique, le monde des événements qui sans cela serait incompréhensible. Nous, on a l’honnêteté de dire qu’on ne comprend pas tout, loin s’en faut, mais on comprend plus de choses que la Cruche. En revanche, Liste Noire, Cohen de son nom biblique, comprend plus de choses que la Cruche mais sa compréhension du monde s’arrête aux intérêts de sa tribu intellectuelle.
L’écrivain et cinéaste François Bégaudeau, un gauchiste bakouninien de bon niveau (intellectuel, expressif et conceptuel) qui avait déjà fait sortir un soir Finkielkraut de ses gonds, a littéralement collé au mur les quatre propagandistes de l’émission : Anne-Élisabeth Lemoine, l’animatrice, Patrick Liste Noire Cohen, le commissaire politique, Pierre Lescure, le grand patron (du Festival de Cannes) et Marion Ruggiéri, la chroniqueuse fille de forcément pistonnée. Tout ce qu’on aime !
Réponses sans agressivité, concepts clairement énoncés, notions historiques et politiques fines, le François n’est tombé dans aucun des pièges tendus par les occupants de la télé publique. Et pourtant, ils ont tout essayé. Même Liste Noire est rentré dans son terrier, après avoir reçu deux coups sur le museau. Patrick a montré toute l’étendue de son ignorance en matière politique et journalistique. Dire que la station Europe 1 lui a fait un pont d’or pour le débaucher de France Inter, qui marche très bien sans lui…
Bégaudeau sort donc un livre que l’animatrice résume maladroitement. Sa première question montre rapidement son incompréhension, pour ne pas dire sa cruchité :
Lemoine : « Cette pensée dominante que vous critiquez très violemment… D’autant que vous détestez davantage Macron que Le Pen… Qu’est-ce que vous détestez encore plus chez Emmanuel Macron que chez Marine Le Pen ? »
Après un court extrait dans lequel Macron nous vend son parcours de fils du peuple super méritant, Lemoine tente de sauver le président : « Ça s’appelle un peu la méritocratie non ? »
Traduction : qui peut critiquer la méritocratie ? Qui peut critiquer ce jeune président valeureux parti d’en bas ? La réponse vient à 4’26.
Bégaudeau : « Je pense que la falsification première de la bourgeoisie c’est de faire croire que l’ordre en place est légitimé par le travail, l’effort et le mérite. Au mépris et dans la dissimulation d’opérations qui n’ont rien à voir avec le mérite qui sont précisément des opérations d’héritage donc c’est une classe, si vous voulez, qui s’est toujours édifiée sur un mensonge. Ce qui rend d’autant moins étonnant le fait qu’elle soit si prompte à tout falsifier et à utiliser des mots qui ne veulent rien dire, parce que précisément elle repose sur une fable qui est celle du mérite alors qu’on sait bien qu’il n’y a aucun mérite à devenir Emmanuel Macron quand on vient de là où il vient. »
Lemoine : « Vous n’avez aucun mérite François Bégaudeau dans votre parcours ? »
Bégaudeau reprend : « Donc effectivement la bourgeoisie qui doit toujours relégitimer sa position qui est une position inique, c’est une position inique d’être à ce point-là plus riche que tant d’autres, et donc il faut pour la relégitimer eh bien mettre au point tout un système de valeurs parmi lesquelles effectivement le mérite est une pierre d’angle fondamentale, la fameuse “valeur travail” venant d’une classe qui en général délègue le travail à autrui, c’est quand même encore une chose qui pourrait susciter la détestation quand même ça… »
On entend une énorme mouche à merde voler sur le plateau. Lescure est pétrifié, Cohen croise les bras, la fille de Ruggiéri reste coite. Tout le monde se sent visé. « Inique », « détestation », les mots font leur effet, bien plus que des injures. L’imposture bourgeoise n’a pas l’habitude d’entendre des vérités fondamentales ! Et c’est bien parce que Bégaudeau a reçu (en tant que scénariste) la Palme d’or pour le film Entre les murs en 2008, qu’il fait donc un peu partie de la grande famille du cinéma, que les vautours ne lui fondent pas dessus. Il est de gauche, il est du sérail, comment peut-il ? C’est tout simplement la vraie gauche qui s’exprime…
Ne pouvant le coincer par les moyens habituels, Lemoine essaye de le coincer sur la « violence » des Gilets jaunes, gilets pour lesquels Bégaudeau montre une vraie tendresse. Comme on ne peut pas être pour la violence, Bégaudeau sera coincé, « pense » Lemoine… Sa déception sera au niveau de son ignorance.
Lemoine : « Y a eu un refus de la violence François Bégaudeau. »
Bégaudeau : « Mais la violence ça fait partie de la conflictualité sociale et politique ! Il y a énormément de choses, il y a énormément de progrès dont vous profitez maintenant et que vous trouveriez absolument légitimes et justes qui se sont arrachés par la violence, en tout cas par le désordre. Mais quand on est assis sur une situation, on n’a pas intérêt au désordre. »
Lemoine : « Vous aussi vous avez profité de ces progrès. »
Bégaudeau : « Sauf que moi ces progrès j’en connais l’historicité… »
Traduction : quand on sait pas, on la boucle. Bégaudeau se lance alors dans un cours d’histoire de la politique, qui laisse tout le monde pantois.
Bégaudeau : « C’est pas le pouvoir qui fait la politique, “le pouvoir lui fait de la police” dirait Jacques Rancière, c’est-à-dire qu’il est là pour se préserver. La politique c’est quand des gens s’invitent, font effraction dans un jeu institutionnel qui a été déterminé par le pouvoir, donc par exemple quand ils font un mouvement comme celui des Gilets jaunes… »
Surgit alors la fille de, Marion Ruggiéri, qui va tenter à son tour la question perfide, une véritable question de flique de la pensée, une question de gestapiste. Elle non plus ne sera pas déçue.
Fille de : « Qui sont vos amis politiques que vous venez d’évoquer ? »
Bégaudeau :« Ben j’ai un grand ami qui est Bakounine. »
Si on tend l’oreille, on peut entendre Liste Noire, les joues gonflées de mépris, susurrer « il a pas pu venir Bakounine ce soir ». Le degré zéro de la connaissance politique. Sans parler de la volonté de dialogue…
Bégaudeau précise sa pensée : « Mais moi je me sens très proche de tous les gens qui précisément essayent de faire effraction dans le jeu qui reconduit toujours les mêmes et qui reconduit toujours les mêmes injustices. »
« Les mêmes », les « injustices », mais qui vise-t-il donc ? La fille de tente une seconde déstabilisation, celle de l’amalgame fasciste, à 16’27. On sent la limite du bagage conceptuel.
Ruggieri Jr : « Vous dites les bourgeois n’acceptent les prolos qu’à condition qu’ils rentrent dans les cases qui leur sont assignées par ces mêmes bourgeois, exemple avec Ruffin. Est-ce que vous, vous auriez pu voter France insoumise ? Un parti qui par ailleurs n’a pas appelé à faire barrage, expression que vous détestez, au Rassemblement national… »
Bégaudeau : « Vous voulez absolument me faire jouer un jeu que j’exècre que j’appelle “le jeu électoral”… »
Bégaudeau enfonce le dernier clou à 17’10 : « On retrouve finalement une bourgeoisie qui a l’air très moderne mais qui a toujours des réflexes du XIXe siècle, c’est-à-dire en gros, ce que la bourgeoisie ne pardonne pas aux gens qui émergent des classes populaires ou qui les représentent comme Ruffin, c’est quand même un peu “faute de goût” vous voyez. Je pense que dans la répulsion que ressent la bourgeoisie actuellement par rapport aux Gilets jaunes y a quand même beaucoup l’idée que ils ont mauvais goût. C’est vrai qu’ils ont un peu des sales gueules quoi… »
Ça en est trop ! Le millionnaire Lescure, qui se sent visé depuis le début avec les dizaines de millions qu’il a dépensés personnellement à Canal, tente de calmer le Bégaudeau.
Lescure : « On est encore à plus de 50% de soutien [aux Gilets jaunes] quand même. »
Lemoine perroquette [1] : « Eh oui y a beaucoup de sympathie… »
Bégaudeau : « Mais parce que la bourgeoisie représente une minorité dans la société ! »
Lemoine : « Une minorité audible. »
Bégaudeau : « C’est bien ça la grande farce, c’est que une minorité très audible, qui occupe beaucoup beaucoup de lieux disons d’expression, occupe le pouvoir depuis 200 ans. Alors qu’effectivement la bourgeoisie au sens le plus large ben c’est le vote Macron, c’est-à-dire en gros 10-15% de la population. »
Ils ont voulu calmer le jeu et Bégaudeau en a profité pour leur mettre encore une baffe. Cohen suggère de retirer perfidement les bourgeois du jeu électoral pour piéger Bégaudeau sur la démocratie, sa démocratie…
Bégaudeau : « Je n’ai que empathie et amour pour les bourgeois, je veux pas les exclure du jeu, qu’ils viennent discuter avec tout le monde. Simplement qu’ils arrêtent simplement d’être à ce point-là centrés sur la défense de leurs intérêts. »
Les bourgeois en plateau se sentent mystérieusement visés par toutes les piques antibourgeoises, allez comprendre pourquoi… sans tomber dans la psychanalyse de comptoir, cette culpabilité explique en partie leur haine des Gilets jaunes et leur agressivité plus ou moins retenue face à un redoutable bretteur.
Lescure tente une dernière perfidie en cherchant à embourgeoiser le Bégaudeau à 18’33 : « Je me souviens plus si vous aviez un nœud papillon à Cannes… »
Traduction : tu es des nôtres, tu es un salaud – au sens sartrien – comme nous. Alors ferme-la.
L’émission passe ensuite l’extrait de Finkielkraut expulsé de Nuit debout en avril 2016, histoire de montrer que le populisme, donc le peuple, c’est la violence. Et l’antisémitisme, cela va sans dire. Mais peut-être est-ce un hommage sous-jacent à Bégaudeau qui avait en d’autres temps exaspéré le penseur sioniste, qui avait explosé comme lors de sa confrontation avec Abdel Raouf Dafri, le scénariste du film d’Audiard, Un Prophète… On ne s’en lasse pas !
Voilà pourquoi les tenants de la télé française n’invitent pas ceux qui savent parler, qui ont la culture politique, et qui ne sont pas de purs socialo-sionistes. Voyez-vous, ça crée de l’embarras, de l’embarras bourgeois !
Sorti de l’émission, Bégaudeau a été alpagué par l’homme qui pourchasse dans les rues de Paris les stars des médias qui sont quasiment toutes anti-Gilets jaunes :
Conclusion : une autre télé est possible.
via François Bégaudeau atomise Lemoine, Cohen et Lescure – Egalite et Réconciliation