L’audience concernant l’extradition d’Assange a fait très peu de bruit dans les médias. Même le Guardian et le New York Times se sont contentés de la metionner sans s’attarder, alors que ces mêmes organes se sont fait des fortunes en publiant les câbles fournis par Assange. À moins de chercher précisément cela, vous ne sauriez même pas que du 24 au 27 février, la première étape de l’examen de la demande d’extradition était jugée au tribunal de Woolwich Crown qui est rattaché à la prison de Belmarsh, familièrement appelée le « Guantanamo britannique ».
Heureusement pour nous, l’ambassadeur Craig Murray, l’indomptable combattant pour la vérité, s’y est rendu, a poireauté pendant des heures dans la file d’attente sous la pluie, a supporté les fouilles et l’inconfort, et il a rédigé un rapport détaillé (12 000 mots) sur ce travestissement de justice baptisé « procès ». Ses notes ne laissent rien passer, depuis l’atmosphère lourde de menaces jusqu’aux sinistres arguments légaux. Il a perçu la menace de mort et l’abus de pouvoir frisant la torture publique, et il a offert le tout au monde entier, quelque chose qu’aucun des journalistes qui émargent dans les médias de masse n’a été autorisé à faire.
Voici quelques aperçus de son rapport, que je transmets librement, assorti de données provenant d’autres sources.
Le tribunal a été constitué sans autre objectif que celui d’exclure le public, sur une île accessible seulement après une navigation dans un dédale de ruelles à double sens ; tout, l’emplacement comme l’architecture du bâtiment, a été conçu de façon à interdire l’accès au public. C’est à vrai dire simplement l’aile des condamnations à la prison de Belmarsh. Le juge, la magistrate (ou juge de district) Vanessa Baraitser est une version moderne de George Jeffrey, dit le « juge qui pendait », le juge Dredd au féminin. Elle est la méchanceté même selon toutes les descriptions de l’audience, ne se contentant pas de tolérer les requêtes de l’accusation, mais en rajoutant. Les avocats s’exprimant au nom des plaignants ont effectivement demandé quelques aménagements pour que le procès ait au moins un air honorable. Elle a visé la jugulaire. Si elle le pouvait, elle ferait pendre Assange sur le champ.
Cette dame juive est entourée de mystère : elle n’a pas laissé la moindre trace sur Internet. L’enfant qui vient de naître a plus de présence sur le Net que cette femme d’âge moyen. Je doute qu’une telle opacité puisse s’implanter de nos jours sans l’assistance active des services secrets.
L’ambassadeur Murray écrit :
Mme Baraitser n’est pas une mordue de la photo, il semblerait qu’elle soit le seul personnage public d’Europe occidentale à ne pas avoir de photo sur Internet. Certes, un propriétaire moyen d’une station de lavage de voitures laisse plus de preuves de son existence et de l’histoire de sa vie sur le web que Vanessa Baraitser. Ce n’est pas un délit de sa part, mais je soupçonne qu’il faille déployer des efforts tout-à-fait considérables pour expurger autant de données. Quelqu’un m’a même suggéré qu’il pourrait s’agir d’un hologramme, mais je ne le pense pas. Les hologrammes ont plus d’empathie.
John Pilger avait vu Mme Baraitser à l’œuvre à l’occasion des audiences précédentes d’Assange, en octobre 2019. Il écrivait :
J’ai assisté à de nombreux procès et j’ai vu des juges abuser de leur position. Cette juge, Vanessa Baraitser, nous a tous scandalisés, tous ceux qui étions là. Son visage était un enchaînement de rictus et d’indifférence impérieuse ; elle s’adressait à Julian avec une cruelle arrogance. Lorsqu’Assange prenait la parole, Baraitser manifestait un profond ennui ; quand c’était au tour de l’avocat de la partie civile, elle était toute ouïe. Quand l’avocat de Julian décrivait la CIA l’espionnant, elle ne bâillait pas, mais son désintérêt était tout aussi expressif. Son coup de genou dans le bas-ventre avait été d’annoncer que la prochaine audience aurait lieu dans la lointaine Woolwisch, qui jouxte la prison de Belmarsh et qui n’a que peu de sièges pour le public. Cela garantira l’isolement et ce sera aussi proche d’un procès à huis clos que possible.
De fait, c’est un procès secret, ce qu’on a vu là. Il y avait des journalistes des grands médias, mais « pas un seul des faits et des débats d’aujourd’hui n’a fait l’objet de la moindre note de presse, nulle part, dans les grands médias ».
Le premier jour, James Lewis QC pour l’accusation a tenté d’enfoncer un coin entre Assange et les médias. Il a mentionné l’Acte sur les secrets officiels de 1989, qui déclare que le simple fait d’obtenir et de publier un secret gouvernemental est déjà un délit. Or donc, suggérait-il, cela signifiait que les journaux qui avaient publié les fuites de Julian seraient coupables de délits sérieux ? Il a plaidé que des organes comme le Guardian et le New York Times ne sauraient être passibles de procès, parce que l’on ne reprochait pas à Assange d’avoir publié des câbles mais seulement d’avoir publié les noms de certains informateurs, tout en cultivant des relations avec Manning et en l’assistant pour faire du piratage d’ordinateurs. Les médias mainstream ne sont coupables d’aucun crime, puisqu’ils n’ont publié que des câbles dûment désinfectés. Mais la juge Baraitser n’a pas accepté cette approche végétarienne. Elle était assoiffée de sang. Elle a fait appel à l’Acte de 1989 sur les secrets d’Etat, selon lequel le simple fait d’obtenir et de publier le moindre secret gouvernemental est un délit. Et Baraitser en a profité pour suggérer que cela signifiait que les journaux qui publiaient les révélations de Manning seraient coupables d’un grave délit.
Lewis a suivi la juge et a admis qu’effectivement, les journalistes mainstream aussi sont coupables, reniant complètement ce qu’il avait dit dans sa déclaration précédente. En fin de compte, aucun de ces jeux de rôle n’avait la moindre importance dans la mesure où aucun média n’a soufflé mot de cet échange, et que cela n’a pas été inséré dans les comptes-rendus journaliers remis à la presse. Les journalistes ne se sont servis que de ces textes préparés d’avance, qui sont tellement pratiques pour faire du copier-coller dans leurs propres articles.
L’argument principal de la défense était que le motif des poursuites était entièrement politique, et que les délits politiques étaient spécifiquement exclus par le traité d’extradition en vigueur entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Pour un juge normal et au demeurant humain, cela aurait dû suffire à invalider toute l’affaire. Mais la Baraitser avait une carte marquée dans sa manche. Même si le Traité d’extradition entre l’Angleterre et les États-Unis interdit les extraditions politiques, il ne s’agissait là que d’un traité, et on n’était pas dans le cas d’une cour internationale, selon elle. Cette exemption ne figure pas dans l’Acte britannique d’extradition. Par conséquent, l’extradition politique n’est pas illégale au Royaume-Uni, parce que… le traité n’a pas force de loi dans son tribunal. Avec un tel juge, pas besoin de Parquet…
La défense a rapidement démoli les rationalisations empreintes de sournoiserie de la juge en faisant remarquer que toute extradition doit satisfaire à deux conditions : (1) le respect de l’Acte d’extradition britannique, et (2) le traité d’extradition spécifique qui régit le pays en question.
C’est le traité d’extradition concerné qui fixe les conditions dans lesquelles un prisonnier devrait être extradé vers un pays spécifique. L’Acte permet l’extradition politique, et si le traité spécifique d’extradition le permettait, le prisonnier pouvait être extradé. Or ce traité spécifique là, entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, ne permet pas les extraditions politiques. Donc Assange ne pouvait pas être extradé légalement. Un élève de sixième serait capable de suivre cette simple logique. Néanmoins, l’ignoble Baraitser a continué de répéter que l’Acte n’interdit pas l’extradition politique. Nous ne savons pas quels trous noirs cachés dans le passé glauque de la juge Baraitser ont requis que son histoire soit gommée par les agents obscurs du M15, mais je soupçonne que cette dame juive a une certaine expérience de terrain dans l’État juif, où les juges trouvent immanquablement coupable un accusé goy, et où toute torture est tolérée ou même encouragée.
Son souci principal semblait être d’arranger le suicide de Julian, ou au moins de le démoraliser suffisamment pour que sa mort par étranglement puisse apparaître comme un suicide. Il avait bien l’air brisé, effectivement. Le psychiatre distingué Dr. Michael Kopelman a fourni une expertise psychiatrique d’Assange au tribunal, disant :
Mr Assange présente virtuellement tous les facteurs de risque que les chercheurs d’Oxford ont décrit chez les prisonniers qui se suicident ou font des tentatives létales… Je suis aussi confiant qu’un psychiatre peut l’être, si son extradition aux US devait devenir imminente, Mr Assange trouverait le moyen de se suicider.
Ces mots sont spécialement poignants aujourd’hui, car nous avons appris que Manning a tenté de se suicider, alors qu’il est sous les verrous depuis le mois de mai dernier dans un centre de détention à Alexandrie, au motif qu’il refuse obstinément de fournir des preuves contre Assange. L’Etat profond US/UK est une brute vicieuse qui veut punir Assange et Manning pour avoir révélé ses sales secrets. Seuls les « lanceurs d’alerte » qui ont accusé Trump et ont exonéré le chef des voleurs de l’Ukraine Joe Biden seront protégés.
Afin de pousser Assange plus profondément dans le désespoir le plus noir, Baraitser a renforcé le régime d’isolement strict du prisonnier. Assange était maintenu dans une cage de verre blindée, il ne pouvait ni entendre ni échanger le moindre mot avec ses avocats. « Je crois, écrit Craig Murray, que le confinement d’Assange, style Hannibal Lecter, lui le pirate informatique intellectuel, est une tentative délibérée pour mener Julian au suicide. »
Julian est cruellement maltraité. Quand son avocat espagnol a quitté le tribunal pour rentrer chez lui, sur le chemin de la sortie il s’est tout naturellement arrêté pour serrer la main à son client, avançant les doigts à travers une fente étroite dans la cage de verre. Assange s’est redressé pour prendre la main de son avocat. Les deux gardes de sécurité dans la cage avec Assange se sont immédiatement mis debout, mettant la main sur Julian et le forçant à se rasseoir, pour empêcher la poignée de main.
Le premier jour du procès, Julian a été par deux fois déshabillé et fouillé à corps, onze fois menotté et cinq fois enfermé dans différentes cellules de transit. Fitzgerald, l’avocat de la défense, a demandé au juge d’interférer et de sauver Julian de cette maltraitance patente. La Baraitser a toisé Fitzgerald et a statué, d’une voix débordante de mépris, qu’il avait soulevé des tas d’objections auparavant et qu’elle avait toujours répondu qu’elle n’avait pas autorité sur l’état carcéral. « Vous pourriez faire une recommandation, a suggéré Fitzgerald, en général ils tiennent compte des remarques du juge. Même le conseil des parties civiles James Lewis s’est levé pour dire que l’accusation aussi aimerait qu’Assange bénéficie d’un procès équitable, et qu’il pourrait confirmer que la suggestion de la défense était une pratique normale. Mais Baraitser la sanguinaire a sèchement refusé. »
Edward Fitzgerald a élevé une requête formelle pour que Julian puisse être autorisé à s’asseoir à côté de ses avocats au tribunal. Julian est un « homme bien élevé, un intellectuel » et pas un terroriste, a-t-il expliqué. À nouveau, le conseil de l’accusation James Lewis est intervenu aux côtés de la défense, parce que la notion de légalité de la Baraitser ne fonctionnerait nulle part ailleurs que dans les tribunaux israéliens en Cisjordanie occupée. Lewis a dit que les prisonniers, même les plus dangereux des terroristes, faisaient des apports depuis le box des témoins dans les locaux de l’audience juste à côté des avocats et du magistrat. À la haute cour les prisonniers s’asseyent avec leurs avocats dans les auditions d’extradition, même dans les cas extrêmes de criminels violents menottés avec un agent de sécurité.
Baraitser a répliqué qu’Assange pourrait constituer un danger pour le public. C’était une question de santé et de sécurité. Nom de Dieu ! Un tel cynisme n’a probablement pas d’antécédents dans la justice britannique, et devrait valoir à Ms Baraitser une place réservée en enfer.
Pourquoi devrait-elle maintenir Assange dans cette boîte, l’empêchant d’entendre les plaidoiries ou de donner des instructions à ses avocats, alors que même le conseil du gouvernement américain ne s’oppose pas à ce qu’Assange siège à découvert dans la salle d’audience ? On l’amène menotté et lourdement escorté pour ses trajets de la cellule solitaire au tribunal jusqu’au box blindé par un tunnel souterrain. Dans ces circonstances, quel besoin de le déshabiller et d’explorer son intimité ? Pourquoi ne lui est-il pas permis de serrer la main ou de toucher ses avocats par la fente de son box de verre blindé ?
C’était une séance de torture, pas une audience. Et ça va reprendre au mois de mai, si Julian est toujours en vie.