LE MASQUE ET LA VIE
L’imposition du port du masque est une mesure qui doit faire débat. Et c’est bien le cas, hélas dans une polarisation qui rend difficile d’avoir des échanges d’idées sereins et étayés sur des faits ou des données solides.
Ceci alors qu’il n’y a à l’heure actuelle aucun consensus sur l’utilité réelle de cette mesure.
Le Pr Toussaint –qu’il faut écouter car il est une des rares voix libres et rationnelles à s’exprimer actuellement- relève que si le port du masque aurait effectivement fait sens en mars et avril (dans la phase de flambée de l’épidémie) ce n’est absolument plus le cas aujourd’hui. Et que les effets nocifs et délétères de son imposition l’emportent de loin sur tout hypothétique bénéfice.
Sur ce sujet comme tant d’autres, nous sommes hélas pris dans l’ « hyperréalité » comme l’appelaient Jean Baudrillard et Umberto Eco, soit une narration découplée du réel qui est fallacieusement devenue « la réalité » pour la plupart des gens comme pour celles et ceux qui nous gouvernent.
J’ai essayé de toutes mes forces dès le 12 mars de rappeler les contours du « réel » tels qu’ils devraient (enfin !) finir par être reconnus aujourd’hui : nous sommes sur les sept premiers mois de l’année en sous-mortalité en 2020 par rapport à 2019 et non, contrairement à ce qu’indiquent des membres de la Task Force (hum) le confinement n’y est pour rien : une étude publiée le 21 juillet dans The Lancet (non truquée celle-là) montre que le confinement ne réduit en rien la mortalité due au Covid, ce qui est cohérent avec tous les plans pandémie qui ne recommandaient le cas échéant cette mesure qu’au tout début de l’épidémie sur une durée brève.
Bref, nous vivons depuis des mois dans un semblant de réalité que la population a introjecté à grand renforts de ce qu’il faut bien appeler propagande.
Dans cette hyperréalité, le port du masque peut bien sûr faire sens. « Mieux vaut porter un masque qu’avoir besoin d’un respirateur », « on le porte pour protéger les autres » et « même si c’est peu agréable, c’est un effort que chacun peut faire »…
Sauf que : nous somme dans une phase où cette mesure n’a aucune utilité avérée alors qu’elle est toxique , hygiéniquement, socialement et existentiellement. L’épidémie est terminée depuis avril et nous avons urgemment à reprendre pied dans la réalité : que le virus circule sous une forme atténue dans des groupes qui ne risquent rien est de surcroît à ce stade une bonne chose.
Les conséquences de cette dérive sécuritaire sont d’une lourdeur dont seule le basculement dans l’hyperréalité explique qu’elle puisse pareillement nous échapper.
La décision du canton de Neuchâtel d’imposer le port du masque dans l’enseignement post-obligatoire à la rentrée, disons-le haut et fort, est une horreur psychique et sociétale. Qui se profile déjà dans l’imaginaire grimaçant de certains dirigeants pour les classes d’âge inférieures. Et des fabricants mettent déjà sur le marché des masques pour enfants en bas-âge ! Nous sommes en train d’empoisonner psychiquement les générations futures avec des formes de maltraitance imposées au nom d’un moralisme sanitaire absurde.
Dans le même temps, l’instrumentalisation des acteurs sociaux comme agents de mise en conformité et de répression débouche sur une logique et des dynamiques d’oppression au quotidien. Pour en donner un exemple frappant, le constat que l’on est en train de faire sur l’augmentation des violences obstétricales pendant la période épidémique fait froid dans le dos, en montrant la déshumanisation inévitable à laquelle conduisent toutes mesures sécuritaires. Avec comme d’habitude les femmes, les enfants et les personnes âgées qui en paient le plus lourd tribut.
Il faut donc bien rappeler les choses, ce d’autant plus que la communication officielle au long des mois écoulés a méchamment brouillé les repères au sein de la population : la plupart des mesures qui ont été imposées (en particulier le confinement et le port du masque) ne sont pas des mesures sanitaires et ne reposent sur aucune science solide.
Il s’agit de mesures sécuritaires, à l’impact incertain et dont le coût sociosanitaire global est systématiquement minimisé ou nié par les panels « d’experts » qui concoctent diligemment ces mesures attentatoires aux libertés fondamentales comme à la dignité des personnes.
Si effectivement elles étaient nécessaires ou même utiles, on pourrait y adhérer à la condition toutefois que la pesée d’intérêts coûts / bénéfices soit réalisée avec rigueur. Ici, il n’y a qu’un dogmatisme idéologique mâtiné de manipulation : même le Pr Didier Pittet s’est récemment fait aboyer dessus par certains de ses confrères du fait de sa position tiède sur l’utilité des masques ! Dès lors que le « message officiel » affirme cette utilité, tout son de cloche autre est problématique, quel qu’en soit la pertinence. Tout ceci n’a bien sûr plus rien à voir avec la science. En français : il s’agit d’une propagande d’état sécuritaire au nom de la science. Inquiétant…
D’où l’importance d’inclure des penseurs compétents issus d’autres disciplines que la médecine ! La gestion d’une épidémie impacte tous les domaines de la vie en société, et ces impacts doivent impérativement être diligemment pensés et inclus dans la réflexion. Comme le veut l’adage de sagesse populaire, la santé est quelque chose de bien trop sérieux pour être laissée aux seuls médecins.
Les « répercussions » dommageables du port du masque n’étant pas pensées semble-t-il, je suis heureux de donner ici la parole à M. Michel Rosenzweig, philosophe et psychanalyste, qui nomme les choses avec une vitalité qui fait du bien.
Il nous rappelle l’importance de ne pas oublier l’essentiel, et je le remercie chaleureusement de m’avoir donné son autorisation de publier sur cette page son très beau texte. Espérons que quelques responsables politiques aient le courage de s’ouvrir à cette parole avant d’être tentés d’infliger de nouvelles décisions délétères et à l’utilité douteuse !
LE MASQUE ET LA VIE
Par Michel Rosenzweig (philosophe et psychanalyste)
Vivre masqué en permanence dans les espaces clos et à l’extérieur alors que ce virus circule à bas bruit est un non-sens total. Et quoi qu’en pensent les adhérents au masque obligatoire qui n’y voient toujours rien d’autre qu’une simple mesure d’hygiène envers les autres, ce qui reste encore à démontrer, c’est toute la vie quotidienne qui est affectée et durablement. Car tout est à présent soumis au règne du masque obligatoire, les moindres gestes, la moindre action, les moindres déplacements, les visites, les rendez-vous, c’est toute notre vie quotidienne qui est à présent régie et rythmée par ce régime du masque : sortir, faire ses courses, aller chez le coiffeur, au restaurant, dans un bar, un musée, au cinéma, faire du sport, de la danse, etc. etc.
Et si ce régime est imposée aujourd’hui dans des conditions sanitaires saines, qu’en sera-t-il lorsque les autres coronavirus mutants et les influenza reviendront bientôt ?
Au moindre rhume, aux moindres symptômes grippaux, que fera-t-on?
Si ces contraintes limitantes drastiques sont imposées alors qu’elles ne se justifient pas aujourd’hui, à quelles mesures aurons-nous droit à la saison des grippes?
Dans ces conditions, il est clair que ce régime sera maintenu sans aucune limite de temps. C’est un peu comme si on avait érigé un immense barrage face à une hypothétique vague démesurée, un tsunami dont la survenue est loin d’être certaine. C’est un peu aussi comme le désert des Tartares avec sa forteresse érigée contre un ennemi qui ne venait jamais.
Nous avons basculé dans un univers de précaution absolue visant l’asepsie et le risque zéro pour préserver la vie et nous sommes en réalité en train de perdre la vie. Car la vie n’est pas la survie.
Lorsque vous marchez dans une rue commerçante de votre quartier et qu’un inconnu masqué vous fonce dessus pour vous prévenir que la police vient de verbaliser deux personnes pour non port du masque alors que rien n’indique qu’il est obligatoire dans ce secteur, vous réalisez qu’il se passe quelque chose qui n’a strictement rien à voir avec la santé. Lorsque vous prenez les transports en commun et que des patrouilles de police sanitaire arpentent la plateforme en dévisageant les passagers, vous comprenez que ce monde est devenu invivable. Lorsque vous entrez dans votre bistrot familier et qu’on exige de vous de mettre votre masque pour faire 2m50, et qu’en vous installant, la serveuse masquée vous présente un carnet dans lequel vous êtes invité à indiquer votre nom et votre numéro de téléphone pour être autorisé à manger, vous comprenez que rien ne sera jamais plus comme avant et que la joie, le plaisir de sortir, la convivialité, les échanges et les partages dans ces conditions, c’est terminé.
Je suis désolé pour toutes les personnes qui approuvent ce régime de dictature sanitaire, sincèrement, car je pense qu’elles ont perdu leur sens commun, leur bon sens, leur faculté de juger et de discriminer. Et je le pense sincèrement. Ces personnes qui en insultent d’autres sont en réalité atteintes d’un autre virus bien plus toxique, celui de l’intoxication médiatique et du formatage des cerveaux alimenté et entretenu par la propagande médicale et politique anxiogène et contre lequel il n’y a aucun remède ni aucun vaccin.
Ce masque qu’ils exigent parfois avec violence au nom de leur santé en masque en réalité un autre, celui qui voile leur conscience et surtout leur liberté de conscience, de penser, d’apprécier et d’évaluer correctement la situation, celui qui voile la raison au profit du fantasme de la maladie mortelle qui rode à chaque coin de rue, celui de la peur panique d’être contaminé par la peste.
D’abord il y a eu un virus. Ensuite des malades, puis des morts. Comme chaque année à la même saison, cette année l’aire des morts aura juste été plus concentrée sur une plus courte période. Mais au total, comparé aux pics épidémiques annuels et saisonniers ? Prenez la peine honnêtement de regarder un graphique de santé publique étalé sur les dernières années.
C’est la visibilité de cette épidémie qui a choqué les consciences et construit une image, une représentation erronée de la réalité, une discordance, ce sont les discours et les messages changeants, les injonctions contradictoires et paradoxales, les conflits d’intérêts de toute catégorie, l’instrumentalisation, la récupération et l’exploitation politiques de l’épidémie qui ont brouillé la lisibilité correcte et rationnelle de cet épisode.
Oui il y a eu une épidémie due à un coronavirus dont l’origine demeure mystérieuse pour moi et pour d’autres.
Oui les plus fragiles et les plus âgés en ont été victimes. Soit. Et alors ? Est-ce une raison suffisante pour imposer ce régime de dictature sanitaire totalement disproportionné au moment où nous avons besoin de légèreté et d’air ?
Est-ce une raison pour enfermer et astreindre toute une population au moment où rien ne le justifie lorsqu’on regarde les courbes des hospitalisations et des décès ?
Et après ?
Le contrôle électronique et numérique des contaminés ?
Des codes de couleurs ?
Un bracelet électronique pour les pestiférés ?
Et puis pourquoi faire croire que ce régime prendra fin avec un vaccin alors que l’on sait parfaitement bien qu’aucun vaccin contre un coronavirus n’a jamais vraiment fonctionné ? Si les vaccins contre la grippe saisonnière fonctionnaient massivement, on le saurait me semble-t-il. A-t-on éradiqué la grippe avec un seul vaccin ?
Alors j’avoue, oui, j’avoue et je reconnais volontiers que je suis atteint d’un syndrome très connu : celui du canari dans la mine. Vous savez, cet oiseau que les mineurs emportaient pour les prévenir du gaz méthane qui s’échappait du charbon, un gaz incolore inodore et indétectable.
Lorsque que le canari s’endormait, ou mourait, il était temps de sortir.
© Michel Rosenzweig