Paris veut devenir la « capitale mondiale » du tourisme LGBT

« Pas toujours au diapason » d’autres villes, la capitale peut faire mieux pour l’accueil et la sécurité des personnes LGBT. Un rapport remis par Jean-Luc Romero à Anne Hidalgo fait 52 propositions.

 

« Nous devons être plus visibles, audibles, entreprenants et audacieux », a promis Anne Hidalgo en recevant mardi le rapport [PDF] « Paris, ville phare de l’inclusion et de la diversité » demandé à l’élu parisien et conseiller régional Ile-de-France Jean-Luc Romero, en soulignant que Paris, ville des droits de l’homme, était déjà « LGBTIQ-friendly » (lesbiennes, gay, bisexuels, trans, intersexes ou queer).

Paris « n’est pas une belle endormie mais n’est pas toujours au diapason des autres capitales parfois plus audacieuses » en matière d’accueil de la communauté gay, a affirmé Jean-Luc Romero. Son rapport note « l’image un peu plus terne » de la capitale française auprès du public gay comparée à celle de San Francisco, Montréal, Tel-Aviv ou Madrid.

Il relève que depuis le mariage pour tous, « peu de réelles avancées ont été mises en œuvre, et le climat de tension actuel laisse penser en France et à l’étranger qu’un recul des droits et des libertés serait possible ».

Le rapport se penche à la fois sur les enjeux sociaux, d’acceptation et de sécurité, et sur les enjeux économiques, en matière de tourisme et d’image – d’autant que la capitale accueillera en août 2018 les Gay Games et souhaite « renforcer une image positive et d’ouverture durant ce grand moment de visibilité internationale ».

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Jean-Luc Romero : « Les réseaux sociaux m’ont aidé dans mes combats »Pour cela, la Ville est invitée à renforcer ses engagements contre les discriminations et leur portée vers le grand public ; notamment autour du 17 mai, date annuelle de la Journée mondiale contre la lesbophobie, l’homophobie, la biphobie et la transphobie.

Cette proposition a été acceptée, et Paris doit remettre chaque année la médaille de la Ville à des personnes s’étant illustrées dans la lutte contre l’homophobie. Mardi, Anne Hidalgo a avant la remise officielle du rapport décerné la médaille à Shams (association tunisienne) et à l’Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour), partenaire de la Ville pour accompagner les réfugié(e)s LGBTI.

Le rapport propose la diffusion aux partenaires de la Ville du guide pratique de SOS Homophobie, pour améliorer la lutte contre les discriminations et les violences LGBTIQ-phobes (il rappelle que l’on recense « en moyenne, seulement 70 condamnations par an sur ces sujets pour 1.500 faits recensés ») et la prise en charge des plaintes.

Faire son coming out au travail : ça ne va pas encore de soi en 2017Il suggère aussi un travail de formation dans les lieux d’écoute et de sécurité.

Mémoire, symboles : Marais, noms de rue et archives

Le rapport souligne que le Marais, quartier emblématique des homosexuels depuis les années 1980, perd progressivement cette identité, « avec ses boutiques de luxe qui remplacent les coffee shops gays » (ses auteurs auraient pu noter que dans le même Marais, cette observation a également été faite sur la perte d’identité du quartier juif autour de la rue des Rosiers).

Les auteurs proposent d’identifier le Marais comme un « Gay Village », avec une bannière de bienvenue comme dans le quartier de Castro à San Francisco, une œuvre de « street art », etc.

Côté mémoire, la Ville veut aider à la création d’un monument et à la mise en place d’archives LGBT (à San Francisco, le GLBT Museum héberge à la fois des archives et un musée dédiés). Anne Hidalgo annonce que la capitale sollicitera le soutien du gouvernement en vue d’un archivage national, et veut faire aboutir le projet d’un monument en mémoire des victimes LGBTI.

En matière de noms, le rapport estime que « les noms donnés aux rues et autres bâtiments publics devraient plus souvent rendre hommage à des personnalités LGBTIQ, une occasion de faire connaître une personnalité plus ou moins célèbre » et de montrer que « les communautés LGBTIQ font partie intégrante de l’espace public et ont le droit d’y circuler librement ».

Les auteurs rappellent que cette année a été inaugurée, le 18 mai, la Promenade Coccinelle en l’honneur de l’artiste de cabaret transgenre. Ajoutons que dans le 13e arrondissement, il y aura bientôt à côté de la Halle Freyssinet une rue Alan Turing, en hommage au pionnier anglais de l’informatique et des sciences : ce héros de la Seconde Guerre mondiale se suicida après avoir été condamné à la castration chimique pour homosexualité.

Le tourisme, fort enjeu économique

Un récent rapport de l’Organisation mondiale du tourisme et de l’IGLTA (association internationale du tourisme LGBT) estime que les touristes LGBT sont une des clientèles les plus résilientes après une crise, ayant tendance ainsi à revenir plus rapidement que les autres après des attentats. Une raison de plus pour Paris, dont les hôtels et autres entreprises du tourisme ont vu leur activité chuter après les tueries de 2015, de travailler à attirer cette clientèle.

« Ces personnes représentent 10% du tourisme mondial, Paris est la ville de l’amour, celle du mariage pour tous et doit encore davantage s’ouvrir », a déclaré Jean-Luc Romero au « Parisien ». « L’office du tourisme va travailler sur des circuits, des offres, un label pour accueillir et conseiller ces touristes » (en France, rappelle le rapport, Le Mans et Nice ont fait un travail de labellisation de l’accueil gay-friendly).

Paris, qui a adhéré en 2016 au groupement Rainbow Cities Network (une trentaine de villes du monde), va déployer « une communication touristique dédiée aux personnes LGBTI », pour « accompagner la programmation très riche de l’année 2018, dont le point d’orgue sera l’accueil des Gay Games », annonce la mairie.

Soutien accru à la Marche des fiertés

Selon une étude américaine, plus de 30% des lesbiennes et gays interrogés organisent leurs voyages autour d’un événement LGBT, la manifestation phare étant les Marches des fiertés ou Gay Prides. Or, la Marche des fiertés parisienne (la prochaine a lieu samedi 24 juin), malgré ses 500.000 visiteurs chaque année, « a du mal à exister face à celles de Madrid, Berlin, Londres, Montréal, Tel-Aviv ou Amsterdam », regrette le rapport.

« Make America Gay Again » : les LGBT marchent contre TrumpIl propose en conséquence « un investissement fort et affiché des pouvoirs publics » en partenariat des associations qui l’organisent, et avec les acteurs privés. « Les pouvoirs publics, l’office du tourisme ou les grandes entreprises françaises affichent peu leur soutien aux manifestations LGBTIQ, alors que ce secteur touristique représenterait à lui seul 5 à 10% du tourisme international. »

Parmi les suggestions, fixer la date de la Marche – le dernier samedi de juin est proposé et la maire de Paris s’est engagée auprès de l’Inter-LGBT, qui coordonne plusieurs événements dont la Marche parisienne, à ce que cela devienne la date officielle –, créer un comité de pilotage avec des permanents, comme le font d’autres métropoles internationales, augmenter le soutien budgétaire de la Ville de Paris, afficher le soutien de la Ville, etc.

La Ville annonce qu’elle mettra en place cette année une convention de partenariat, « avec une contribution de plus de 100.000 euros qui en fait le premier financeur public ».

Thierry Noisette

 

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