Qui est Patrick Drahi ? Pour E&R par la revue Faits & Documents
Le point commun entre Libération, i24News et SFR ? Un homme : Patrick Drahi. Pour la seule année 2014, cet inconnu aura racheté l’opérateur de télécommunication à Vivendi, acquis 42 % du quotidien soixante-huitard et lancé « une chaîne multilingue internationale avec un regard israélien ». Né au Maroc, Patrick Drahi apparaît un jour à Paris pour les affaires, le lendemain à Tel-Aviv, où il possède un appartement dans la tour Rothschild, et le surlendemain en Suisse, pays dont il est résident fiscal. Ce « nabab des télécoms », chez lui à la fois partout et nulle part, virtuose de l’ingénierie financière, a bâti un véritable empire sur un système d’endettement colossal. Avec un actif net évalué à 9,6 milliards de dollars, il est passé en un an de la 215e à la 132e pace du classement des fortunes mondiales établi par le magazine Forbes. Soit la 12e fortune de France. Un classement où il refuse d’apparaître, ayant assuré avoir rendu son passeport français… avant de se raviser.
« Je préfère avancer et grandir dans l’ombre. »
Patrick Drahi, M, Le Monde, 8 mars 2014
« L’homme d’affaires […] a déduit un axiome, les télécoms suivent des cycles septennaux, comme dans la Torah. »
Challenges, 17 mars 2014
« David a gagné contre Goliath. »
Communiqué de Numéricable après la défaite de Bouygues le 14 mars
« L’appétit d’ogre de Patrick Drahi, champion des fusions à répétition. »
Le Figaro, 14 mars 2014
« Un autre regard sur Israël et l’actualité internationale en mettant en avant ce qui rassemble et non ce qui divise. »
Patrick Drahi à propos de sa chaîne de télé-vision israélienne i24News, Oumma, 17 juin 2013
« Offrir au monde une autre vision d’Israël. »
Actualité juive, 27 mars 2014
« Ce surdoué milliardaire est inconnu. Et pourtant, il va devenir le n°2 du téléphone en France ! »
Le Point, 27 mars 2014
« Les quatre enfants qu’il a eus […] étudient dans les meilleurs écoles à Bristol, Genève et Tel Aviv, et semblent programmés pour reprendre un jour les commandes. Tous les vendredi soir [NDA : le soir du shabbat], Patrick Drahi saute dans un jet de location pour les retrouver, rassemblés dans l’une ou l’autre de ses propriétés. »
Capital, mai 2014
« Discret en France, M. Drahi l’est tout autant en Israël […] Le magnat du câble s’est quand même construit une solide notoriété en développant les métiers d’un groupe dont plus d’un Israélien sur deux est aujourd’hui client. »
Le Monde, 22 mars 2014 (en réalité, les deux tiers des Israéliens sont ses clients)
« Israël est l’un de ses engagements les plus forts. »
Libération, 6 avril 2014
Faire fortune en câblant les HLM avec les chaînes en arabe
En mai 2013, Patrick Drahi faisait savoir, par une sommation juridique de son avocat Alexandre Marque du cabinet Franklin, qu’il ne souhaitait pas figurer dans le classement Challenges des 500 premières fortunes françaises.
« M. Drahi a pris la nationalité israélienne et renoncé à la nationalité française. La perte de la nationalité lui est définitivement acquise. Il ne s’agit pas d’une double nationalité franco-israélienne. » (Challenges 14 mars 2014)
Mais du fait de la polémique née au moment du rachat de SFR, Patrick Drahi assure depuis être toujours français et agir, évidemment, au nom des intérêts français.
C’est au Maroc que tout a commencé le 20 août 1963. Issu d’une famille de la communauté juive de Casablanca, ce petit-fils de tailleur a grandi dans une famille d’enseignants, ses parents étant professeurs de mathématiques (comme cinq autres personnes dans la famille). En 1978, les Drahi quittent le Maroc et s’installent à Montpellier. Élève brillant, Patrick intègre l’École polytechnique (promotion 1983), pourtant à contrecœur : « Pas question de faire l’armée », selon Challenges (17 mars 2014). Dans sa promotion, il se liera plus particulièrement avec Éric Denoyer, aujourd’hui PDG de SFR-Numéricable, Olivier Huart, PDG de Télé Diffusion de France (TDF), qui a longtemps œuvré au groupe Cegetel-SFR, ou encore Jacques Veyrat, ancien président de Neuf Cegetel (racheté par SFR en 2008), ancien président du Groupe Louis-Dreyfus et membre du Siècle.
Le Point (9 janvier 2014) indique qu’il a épousé une Syrienne orthodoxe, lorsque cette dernière était étudiante en médecine. Le couple s’est installé dans un pavillon à Thiais (Val-de-Marne) et a quatre enfants (dont des jumeaux), deux filles et deux garçons qui, élevés dans la plus pure tradition cosmopolite, font leurs études à Lausanne, Bristol et Tel-Aviv. Dispersée aux quatre coins du monde, la famille Drahi se réunit une fois par semaine, pour le dîner du shabbat. Résident fiscal en Suisse depuis 1999, Patrick Drahi est domicilié officiellement à Zermatt, puisque les forfaits fiscaux y sont de 5 à 20 % inférieurs à ceux du canton de Genève, où son épouse possède pourtant sa maison. Comme le résumait Le Canard enchaîné (26 mars 2014), dans des allusions finalement assez lourdes :
« Aucune résidence secondaire dans un fief familial. Pas d’attaches bretonnes ou girondines, la terre natale à la semelle des souliers. Drahi, c’est le Maroc, Israël, la Suisse. Pas très catholique tout ça, petit. »
Drahi achèvera ses brillantes études à SupTélécom avant de débuter chez Philips, à Eindhoven (Pays-Bas). Après s’être fait la main au sein du groupe néerlandais d’électroménager, il fonde en 1993 un cabinet de conseil aux entreprises pour le multimédia et les télécoms, CMA, et va rapidement tout miser sur la technologie du câble. Comme l’indique BFMTV (25 septembre 2013) :
« Il racontait qu’il avait regardé le classement des fortunes de Forbes et avait jeté son dévolu sur le secteur où il y avait le plus de millionnaires. »
Ainsi crée-t-il un câblo-opérateur à Cavaillon (Vaucluse), Sud Câble Services, et réussit à convaincre la société américaine Rifkin d’y investir avant que le câblo-opérateur ne soit finalement racheté par InterComm (où il sera plus tard consultant, de 1998 à 1999) :
« J’ai commencé à Cavaillon, dit-il. J’ai enchaîné les réunions municipales devant les habitants – parfois devant seulement trois mamies. J’ai convaincu le maire en lui expliquant que, grâce au câble, on pourrait inventer une sorte de Bourse du melon. […] Je vendais mon abonnement 79 francs pour 40 chaînes. Mais, surtout, j’avais câblé les HLM et j’ai été le premier à mettre les chaînes arabes sur le câble en France. Jusque-là, il n’y avait que des chaînes comme CNN, la RAI Uno ou ZDF ! » (Le Point, 9 janvier 2014)
En 1995, il crée son second câblo-opérateur, Media réseaux, et raccorde Marne-la- Vallée au câble avec l’aide des investissements de l’américain UPC, entreprise dont il prend, au printemps 1999, la direction des activités pour l’Europe occidentale et méridionale. C’est à cette époque que Patrick Drahi rachète pour 330 millions d’euros une série de câblo-opérateurs français qui fonctionnaient très mal (en général liés à des marchés locaux de HLM) : RCF, Time Warner Cable, Rhône Vision Câble, Videopole et InterComm France. En 2000, trop heureux de se sortir de ce guêpier, l’État lui cède des fréquences et Drahi fonde, avec NRJ et Wendel, un nouvel opérateur, Fortel, dont il prend la présidence du directoire. Quand la bulle Internet explose, UPC, qui a racheté les parts de Drahi en 1999, met la clé sous la porte, mais le « roi des synergies » (Le Canard enchaîné, 26 mars 2014) se retrouve, lui, à la tête d’une petite fortune, ayant vendu ses parts à temps. Après quelques nouvelles et juteuses affaires dans l’immobilier, Drahi crée son propre fonds d’investissement, Altice.
Altice, un fonds de droit luxembourgeois domicilié à Amsterdam
Ayant commencé par racheter la compagnie alsacienne Est Vidéocommunication (2002), il s’emparera, en moins de quatre ans, de 99 % du câble français. Ainsi, via Altice, il rachète entre autres Numericable, Noos, France Télécom Câble, TDF Câble, UPC France, etc., ce pour deux milliards d’euros au total grâce au soutien du fonds d’investissement britannique Cinven et du bastion du complexe militaro-industriel américain – plus qu’étroitement lié à la CIA – Carlyle. Tout se fait rapidement et au détriment du client, comme lors de la fusion Noos-Numéricable de 2006, un désastre retentissant. Patrick Drahi signe avec différentes collectivités locales et entreprises la délégation de service public de la boucle régionale de très haut débit, comme en Alsace (2004). Plus tard, il acquiert les câblo-opérateurs des DOM-TOM. En 2007, il acquiert Completel, qui loue le réseau en fibre optique aux entreprises, un investissement qui s’avérera stratégique pour la suite.
On remarquera que la construction du réseau câblé français, véritable désastre financier, a été en totalité financée par des fonds publics (en clair, vos impôts). Mais, en raison de son coût peu avantageux par rapport au satellite ou à l’ADSL, le câble (pourtant un prodige technique) n’a longtemps fonctionné que grâce aux clients captifs que sont les locataires d’HLM. On peut donc considérer que c’est avec une certaine complicité des collectivités territoriales qui équipent les logements sociaux qu’Al-tice va s’enrichir. Or, comme l’expliquait Libération du 14 mars 2014 :
« Son fonds Altice est de droit luxembourgeois, mais coté à Amsterdam. Il y a logé tous ses actifs de télécoms : ses 40 % dans Numericable, le belge Coditel et le portugais Cabovisao, l’israélien Hot, Outremer Telecom ou encore la filiale d’Orange en République dominicaine qu’il vient d’avaler pour 1,1 milliard d’euros. Et son holding personnel, Next LP, abrité dans le fonds Altice qu’il détient à 75 %, est immatriculé à Guernesey. »
Altice, qui s’est enrichi grâce aux collectivités locales via les HLM, ne paie donc pratiquement pas d’impôts en France.
Patrick Drahi a investi également dans le câble et les télécoms à l’international : au Portugal, au Benelux, en Afrique de l’Est et en Israël. Ne parlant pas hébreu, il a commencé à s’intéresser à Israël vraisemblablement quand il a racheté les parts du premier câblo-opé-rateur du pays, Hot, à la banque Leumi, en mai 2009. Il en prend le contrôle petit à petit jusqu’à retirer la société, en 2012, de la bourse de Tel Aviv.
- Patrick Drahi reçu au ministère israélien des Communications le 12 avril 2011
« Attila » (Le Point, 9 janvier 2014) divise alors par deux les effectifs à coup d’externalisation et de sous-traitance et s’attire les foudres des salariés locaux, ce qui entraînera grèves et manifestations : « C’est avant tout un as de la finance, et c’est vrai que la dimension humaine est secondaire, seul compte le cash », confiait un proche de Drahi au Canard enchaîné (26 mars 2014). Entre temps, il a racheté l’opérateur téléphonique Mirs à Motorola pour 170 millions de dollars. Il compte regrouper ses activités israéliennes dans un grand groupe de télécoms : Mirs sera rebaptisé Hot Mobile en mai 2012. Ironie de l’histoire, en 2011, il se retrouve en concurrence sur ce marché avec Michaël Boukobza, qui détient 50 % de Golan Télécom. Michaël Boukobza, ancien DG d’Iliad-Free, est une vieille connaissance (qui a vendu une partie de ses actions en 2007 pour 27 millions d’euros) puisque Drahi l’avait démarché lors du rachat de Hot. Né en 1978, diplômé de l’ESCP, passé par les banques Rothschild et Morgan Stanley, Michaël Boukobza, rebaptisé Michaël Golan depuis son aliyah, est revenu dans le giron de Xavier Niel en lui servant de « nettoyeur » (cost killer) lors de la reprise du Monde, sans jamais faire mystère de ses convictions ultrasio-nistes (par exemple, lors de la renégociation du contrat liant le quotidien à l’AFP, il osera rebaptiser l’agence d’informations « Agence France Palestine »). Depuis, les deux hommes sont associés dans leur concurrence à Drahi, aussi bien en France qu’en Israël puisque Xavier Niel est entré au capital de Golan Télécom à hauteur de 30 % (ce qui explique les sorties de Niel, qui ne parle plus à Drahi, en soutien à Martin Bouygues).
La constitution de cet empire du câble s’est réalisée par une technique spéculative particulière qui consiste, par un effet de levier appelée LBO, à s’endetter fortement pour racheter une entreprise cible, avant de la restructurer pour en maximiser les profits financiers, et rembourser les emprunts contractés par ponction sur leur propre trésorerie. Drahi est épaulé par deux hommes : le normalien Nicolas Paulmier et l’Écossais Hugh Langmuir, patron du bureau parisien d’Altice et directeur général du fonds depuis 2009, avec qui il se réunit dans le lobby de l’hôtel Scribe, à Paris, où Patrick Drahi, en bon « nomade atta-lien », loue une chambre. Rencontré en 2005 à l’occasion du rachat de Noos, son banquier conseil, Bernard Mourad, né à Beyrouth en 1975, fils d’un cardiologue libanais, passé par HEC et Sciences-Po Paris, est managing director chez Morgan Stanley. On citera également Dexter Goei, directeur général d’Altice, qui a rejoint Drahi en 2009 après quinze ans passés dans la banque d’investissement Morgan Stanley, ainsi que Patrick Giami, qui représente Altice dans plusieurs pays, dont Israël.
- Le lobby de l’Hôtel Scribe, le QG parisien de Patrick Drahi
« Sa martingale ? “Tant que je gagne, je joue.” »
En novembre 2013, Numericable fait son entrée à la bourse de Paris avant que la maison mère ne fasse de même le mois suivante, à la bourse d’Amsterdam. C’est l’une des introductions les plus importantes de ces dernières années, avec une levée de fonds de 700 millions d’euros. En parallèle, alors qu’Altice ne détenait jusque-là que 20,6 % des parts de Numericable, Patrick Drahi lance le rachat du câblo-opérateur et obtient 40 % des parts en janvier 2014. Dans la foulée, Altice se porte repreneur lorsque Vivendi annonce la mise en vente de SFR. Le gouvernement français annonce sa préférence pour l’autre candidat à la reprise, Bouygues. Quelques heures avant la publication de la décision de Vivendi, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, prévient Patrick Drahi sur sa situation fiscale et déclare au micro d’Europe 1 :
« Numericable a une holding au Luxembourg, son entreprise est cotée à la Bourse d’Amsterdam, sa participation personnelle est à Guernesey dans un paradis fiscal de Sa Majesté la reine d’Angleterre, et lui-même est résident suisse ! Il va falloir que M. Drahi rapatrie l’ensemble de ses possessions, biens, à Paris, en France. Nous avons des questions fiscales à lui poser ! »
Et Najat Vallaud-Belkacem d’exprimer, avec une fausse naïveté certaine, sa crainte de voir SFR « devenir une entreprise suisse ». Le 14 mars, Vivendi annonce être rentré en négociations exclusives avec Numericable. Ce jour-là, l’action de Numericable gagne 15,49 %, pendant que Bouygues dévisse de 6,78 %.
Cette acquisition se fera, une fois de plus, grâce à un endettement massif, Numericable étant huit fois plus petit que SFR. Si la grenouille a avalé le bœuf, c’est que l’affaire a été rondement menée. Il faut dire que dans cette affaire, Drahi avait les faveurs de deux des « juges de paix » du CAC 40, le milliardaire Vincent Bolloré et le président du conseil de surveillance de Vivendi, Jean-René Fourtou. Afin de limiter les critiques, Drahi s’est habilement entouré de Raymond Soubie, ex-conseiller social à l’Élysée, pour répondre de l’impact social (en liaison avec Fleur Pellerin) de son projet mais surtout d’Havas Worldwide pour préparer la communication, avec notamment l’inévitable Stéphane Fouks et Arthur Dreyfus (en liaison avec Bercy et Matignon).
Finalement Numericable rafle la mise le 5 avril et il y a deux semaines, le 28 novembre, SFR a été officiellement avalé lors de l’assemblée générale de Numericable, pour 13,36 milliards d’euros (soit une détention de 60 % du capital), dont une grosse partie financée sous forme de dette. À la tête du nouveau Numericable-SFR, dont il dirige le conseil d’administration, Patrick Drahi a placé son fidèle bras droit, connu à l’X, Éric Denoyer. Sur les neuf membres du conseil d’administration six viennent de Numericable. On remarquera qu’un des seuls rescapés de SFR, le DRH François Rubichon, est entré au Siècle en 2014. Désormais, avec 28,2 millions de clients fixe et mobile, Patrick Drahi fait jeu égal avec Orange, avec pour ambition (ce qui arrivera certainement rapidement) d’être le leader du très haut débit fibre et mobile. Insatiable, le jour de l’officialisation du rachat de SFR, Patrick Drahi voyait l’Autorité de la concurrence valider le rachat de Virgin Mobile, alors qu’à peine une semaine auparavant, il finalisait le rachat de Portugal Telecom (7,4 milliards d’euros au brésilien Oi). Altice accumule à ce jour 25 milliards d’euros de dette (soit 4 à 4,5 fois son Ebitda, c’est-à-dire son résultat brut). « Les marchés y croient et Drahi les enivre », résument Les Échos (5 décembre 2014), et l’ogre Altice lorgne déjà sur Bouygues Telecom. Comme l’indiquait Libération (14 mars 2014) : « Sa martingale ? “Tant que je gagne, je joue.” »
Les investissements dans la presse française de l’homme d’affaires israélien
Au plus fort des tractations pour le rachat de SFR, un fait est passé totalement inaperçu : le 12 mars dernier, celui qui allait devenir quelques jours plus tard le nouveau propriétaire de SFR organisait la soirée d’inauguration d’i24News, « une chaîne multilingue internationale avec un regard israélien ».
À cette soirée, on comptait parmi les invités Michel Drucker, Daniela Lumbroso, Alexandre Arcady, Francis Huster, Ruth Elkrief ou encore Julien Dray (qui défendra Patrick Drahi face à Arnaud Montebourg sur Radio Communauté Juive le 16 mars). Discret en France, l’homme s’est rendu célèbre en Israël, où il a été reçu plusieurs fois par Shimon Peres. Outre le financement de l’école de musique classique « Keshet Eilon », Patrick Drahi y possède un appartement dans la tour Rothschild à Tel Aviv, la ville où il se sent chez lui. Il s’y déplace à bicyclette (Bloomberg TV, 6 février 2014) et la fréquentation de ses plages lui procure un « teint hâlé » (Le Point, 9 janvier 2014).
- La luxueuse tour Rothschild, où Patrick Drahi possède un appartement, surplombe Tel-Aviv
En Terre promise, le « nabab des télécoms » a racheté feu Guysen TV pour en faire un outil de diplomatie publique « ni de gauche, ni de droite, mais pour Israël » (Jerusalem Post, 25 décembre 2012), dixit Frank Melloul, le directeur de la chaîne et organisateur de la soirée.
Né le 2 juillet 1973 à Fribourg (Suisse), Frank Melloul a notamment été chargé de communication du ministre aux Affaires européennes Noëlle Lenoir, porte-parole adjoint aux affaires stratégiques, terro-risme, Proche-Orient en pleine crise ira-kienne (2003-2004) au Quai d’Orsay, puis le conseiller « presse et communication » de Dominique de Villepin au ministère de l’Intérieur et à Matignon. En 2007, Melloul a été bombardé directeur de la stratégie et du développement international de France 24 avant d’occuper la fonction de directeur de la stratégie, du développement et des affaires publiques de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Il restera à l’AEF jusqu’en 2012, avec un passage comme directeur de cabinet du secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, Pierre Lellouche. Précédemment, ce spé-cialiste du « soft power » avait été le conseiller de Lellouche, lorsque ce dernier était le représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan. Fort de cette expérience, Frank Melloul a recruté pour la branche francophone d’i24News (la chaîne émet également en anglais et en arabe) des familiers de ce public, comme Stéphane Calvo, un « vrai patriote » (L’Opinion, 17 juillet 2014), transfuge d’Europe 1, comme directeur d’antenne, et Jean-Charles Banoun, journaliste vedette en provenance lui aussi d’Europe 1, au « grand direct ».
« Doter Israël d’un outil d’influence qui contribue à son rayonnement culturel et politique, c’est là un défi qui mérite d’être relevé […] C’est le moment opportun pour mettre en place un outil d’influence comme celui-là […] Je consi-dère qu’aujourd’hui la plus sérieuse menace pour Israël, ce n’est pas le nucléaire iranien, mais la campagne de délégitima-tion qui est menée contre lui […] Le rôle de notre chaîne sera justement d’être la Kipat Barzel, le dôme d’acier de la -communication israélienne. »
Comme le résu-mait le quotidien économique israélien Globes (3 mai 2009), si Drahi « investit en Israël [c’est] parce qu’il est sioniste ». Ce qui est certainement très exact, puisque c’est le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui souhaitait, depuis 2010, la création d’une telle chaîne d’informations en continu. Pour l’opération « Bordure protectrice » de l’été 2014, i24News délocalisera spécialement son 20h sur les hauteurs d’Ashkelon, avec une vue imprenable sur Gaza : « Depuis le début des événements, on bat tous nos résultats d’audience » (L’Opinion, 17 juillet 2014).
Parallèlement, sollicité par le principal actionnaire de Libération, Bruno Ledoux, Patrick Drahi a largement contribué à la recapitalisation du quotidien ex-gauchiste en investissant 4 millions d’euros en avril dernier, puis 10 millions d’euros le 31 juillet suivant, devenant ainsi actionnaire à 42,5 % de Libération, où ses intérêts sont représentés par Marc Laufer. Alors qu’il a déjà acquis les chaînes Vivolta (créée par Philipe Gildas), Shorts TV et Kombat Sport ainsi que le groupe Ma Chaîne Sport, Patrick Drahi ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, étant actuellement en lice pour le rachat de L’Express-L’Expansion où encore de Radio Nova.
Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.
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