[4/9] Anniversaire de l’élection de Salvador Allende

Il y a 47 ans, Allende était élu Président du Chili. (un “complotiste” encore…)

SALVADOR ALLENDE EN QUELQUES DATES

26 juillet 1908 – Naissance à Valparaiso.

1926 – Salvador Allende entre à l’école de médecine.

1937 – Il devient député de Valparaiso et co-fondateur du Parti Socialiste chilien, un parti ouvrier non-aligné sur Moscou. Il dirige la campagne de Pedro Aguirre Cerda, bientôt président du troisième front populaire du monde, après ceux d’Espagne et de France.

1938 – À 30 ans, il est nommé ministre de la Santé.

1945 – Élu pour la première fois sénateur dans les provinces du sud du pays.

1952 – Première participation à l’élection présidentielle.

4 septembre 1970 – Candidat pour la quatrième fois, Allende gagne l’élection présidentielle.

22 octobre 70 – René Schneider, commandant en chef des armées, est assassiné. Allende nomme le général Carlos Prats pour le remplacer.

11 juillet 1971 – Nationalisation du cuivre et des grands gisements miniers.

Octobre 1972 – La grève des camionneurs, mouvement largement financé par la CIA, paralyse le pays.

4 mars 1973 – Salvador Allende remporte les élections législatives avec 43,4% des suffrages.

28 juin 1973 – Échec d’un premier coup d’État.

11 septembre 1973 – Coup d’État dirigé par le général Pinochet et appuyé par la CIA, bombardement du palais présidentiel. Après un combat de quelques heures, Allende se suicide.

Extraits du discours de Salvador Allende du 4 Décembre 1972 devant l’Assemblée des Nations Unies :

Je viens du Chili, un petit pays, mais dans lequel tout citoyen peut s’exprimer librement, un pays d’une tolérance illimitée sur les plans culturel, religieux et idéologique, où la discrimination raciale n’a pas sa place. Un pays avec une classe ouvrière unie en une seule organisation syndicale, où le suffrage universel et secret est le véhicule primordial d’un régime multipartiste, avec un parlement dont les activités n’ont jamais été interrompues depuis sa création il y a 160 ans, où les tribunaux sont indépendants de l’Exécutif, et où, depuis 1833, on n’a changé qu’une fois la constitution, sans que celle-ci n’ait jamais cessé d’être appliquée. Un pays où la vie publique est organisée en institutions civiles, qui comporte des forces armées professionnelles et dont l’esprit est profondément démocratique. Un pays de près de 10 millions d’habitants qui en une génération a produit deux prix Nobel de littérature: Gabriela Mistral et Pablo Neruda, tous deux fils de modestes travailleurs. Dans ma patrie, l’histoire, la terre et l’homme se fondent dans un seul grand sentiment national.

Mais le Chili est aussi un pays dont l’économie arriérée a été soumise et aliénée à des entreprises capitalistes étrangères, un pays qui a été conduit vers une dette extérieure supérieure à 4 millions de dollars, dont le remboursement annuel revient à plus du 30% de la valeur de ses exportations; un pays dont l’économie est extrêmement sensible face à la conjoncture extérieure, chroniquement essoufflée et inflationniste, où des millions de personnes ont été obligées de vivre dans des conditions d’exploitation et de misère, de subir des licenciements ouverts ou déguisés.

Je viens ici, aujourd’hui, parce que mon pays rencontre des problèmes qui, par leur dimension universelle, sont l’objet de l’attention permanente de cette assemblée: la lutte pour la libération sociale, l’effort pour le bien-être et le progrès intellectuel, la défense des individus et de la dignité des nations.

Jusqu’il y a peu, la perspective de ma patrie, comme celle de nombre d’autres pays du Tiers Monde, était le modèle d’une modernisation-éclair, modèle dont certaines études techniques aussi bien que la réalité tragique des faits démontrent qu’il est condamné à exclure l’idée même de progrès, […] en offrant à des milliers de personnes des conditions de vie inhumaines. Modèle qui conduit à la restriction des biens de première nécessité, qui condamnera un nombre toujours plus grand de citoyens au chômage, à l’analphabétisme, à l’ignorance et à la misère physiologique.

La même perspective, en somme, qui nous a maintenus dans une relation de colonisation et de dépendance, qui nous a exploités aux temps de la guerre froide, mais également à l’époque des guerres bien réelles comme dans les périodes de paix. Nous autres, les pays sous-développés, sommes condamnés par certains à n’être que des réalités de seconde classes éternellement subordonnées.

Ce modèle, c’est celui que les travailleurs chiliens, en devenant les protagonistes de leur propre avenir, ont décidé de refuser, cherchant au contraire à se développer rapidement, de manière autonome et originale, en transformant de façon révolutionnaire les structures traditionnelles. […]

Depuis le moment où nous avons trionfés aux élections du 4 septembre 1970, nous sommes affectés par des pressions extérieures de grande envergure, qui prétendent empêcher l’installation d’un gouvernement librement choisi par le peuple, et l’abattre. Qui a voulu nous isoler du monde, étrangler l’économie et paralyser le commerce de notre principal produit d’exportation: le cuivre. Et nous priver de l’accès au financement international. […]

Nous sommes face à des forces qui opèrent dans l’ombre, sans drapeau, avec des armes puissantes, postées dans des zones d’influence directe. […]

Nous sommes face à un conflit frontal entre les multinationales et les États. Ceux-ci sont court-circuités dans leurs décisions fondamentales – politiques, économiques et militaires – par des organisations qui ne dépendent d’aucun État, et qui à l’issue de leurs activités ne répondent de leurs actes et de leurs fiscalités devant aucun parlement, aucune institution représentative de l’intérêt collectif. En un mot, c’est toute la structure politique du monde qu’on est en train de saper. […]

Notre problème n’est pas isolé et unique. C’est la manifestation locale d’une réalité qui nous dépasse, qui englobe tout le continent latino-américain et le Tiers Monde. Tous les pays périphériques sont soumis à quelque chose de semblable, avec une intensité variable, avec certaines spécificités.

Le sens de la solidarité humaine qui régit les pays développés doit regarder avec répugnance le fait qu’un groupe d’entreprises puisse intervenir impunément dans les rouages les plus importants de la vie d’une nation, jusqu’à la perturber totalement. […]

Je sais maintenant, d’une certitude absolue, que la conscience des peuples latino-américains quant aux dangers qui nous menacent tous, a acquis une nouvelle dimension, et que l’unité est la seule manière de se défendre contre ce grave péril.

Quand on sent la ferveur de centaine de milliers d’hommes et de femmes, se pressant dans les rues et sur les places pour dire avec détermination et espoir: “nous sommes avec vous! Ne cédez pas! Vous allez gagner!”, tous les doutes se dissipent, toutes les angoisses s’effacent. Ce sont les peuples, tous les peuples au sud du Río Bravo, qui se dressent pour dire: Assez ! Assez à la dépendance ! Assez aux pressions ! Assez à l’interventionnisme ! Pour affirmer le droit souverain de tous les pays en développement à disposer librement de leurs ressources naturelles.

C’est une réalité, la volonté et la conscience de plus de 250 millions d’individus qui exigent d’être entendus et respectés.

Des centaines de milliers de Chiliens m’ont salué avec ferveur au moment où j’ai quitté ma patrie et m’ont délivré le message que je viens de transmettre à cette assemblée mondiale. Je suis sûr que vous, représentants des nations de la terre, vous saurez comprendre mes mots. C’est notre confiance en nous-même qui renforce notre foi dans les grandes valeurs de l’humanité, dans la certitude que ces valeurs prévaudront et ne pourront jamais être annihilées. […]

Le peuple chilien est arrivé au gouvernement suite à une longue trajectoire de généreux sacrifices et il s’est attelé pleinement à la tâche d’instaurer la démocratie économique, afin que l’activité productrice satisfasse les besoins et les espoirs sociaux et non les intérêts d’enrichissement personnel. De manière ordonnée et cohérente, la vieille structure, fondée sur l’exploitation des travailleurs et l’appropriation des moyens de production par une minorité, est en voie d’être remplacée. Une nouvelle structure est en train de naître. Elle est dirigée par les travailleurs et mise au service des intérêts de la majorité. Elle établit les bases d’une croissance qui suppose un vrai développement au bénéfice de tous les citoyens, plus particulièrement de ceux voués à la misère et à l’exclusion sociale. Les travailleurs sont en train d’éloigner du pouvoir politique et économique les secteurs privilégiés de la société, autant sur les lieux de travail que dans les municipalités et l’État. Voilà le contenu révolutionnaire du processus que vit mon pays, à savoir le dépassement du système capitaliste et l’ouverture au socialisme. […]

Le drame de ma patrie est celui d’un Vietnam silencieux. Il n’y a pas de troupes d’occupation ni d’avions dans le ciel du Chili. Mais nous affrontons un blocus économique et nous sommes privés de crédits par les organismes de financement internationaux.

Nous sommes face à un véritable conflit entre les multinationales et les États. Ceux-ci ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales, politiques, économiques et militaires à cause de multinationales qui ne dépendent d’aucun État. Elles opèrent sans assumer leurs responsabilités et ne sont contrôlées par aucun parlement ni par aucune instance représentative de l’intérêt général. En un mot, c’est la structure politique du monde qui est ébranlée. Les grandes entreprises multinationales nuisent aux intérêts des pays en voie de développement. Leurs activités asservissantes et incontrôlées nuisent aussi aux pays industrialisés où elles s’installent. Notre confiance en nous-même renforce notre foi dans les grandes valeurs de l’humanité et nous assure que ces valeurs doivent prévaloir. Elles ne pourront être détruites !

Discours original en espagnol ici (merci de nous signaler d’éventuelles coquilles)

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