Ce samedi, Edouard Philippe expliquait être prêt à retirer provisoirement l’âge pivot de son texte de loi, recevant les félicitations de la CFDT. Dans le même temps, on apprenait que le gouvernement pourrait passer en force grâce à l’article 49:3.
Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas et que plus d’un million de Français étaient encore dans la rue ce jeudi, le gouvernement d’Emmanuel Macron a enfin joué la carte que tout le monde prévoyait, celle de la suppression de l’âge pivot. Dans une lettre ouverte adressée aux syndicats, le premier ministre a annoncé à être « disposé à retirer du projet de loi la mesure de court terme (…), consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ». Pour autant, le gouvernement n’ira même pas au bout de ce stratagème puisqu’il s’agit d’une mesure provisoire. Philippe ajoute ainsi que « le projet de loi prévoira que le futur système universel comporte un âge d’équilibre ». Reste à savoir à quel âge sera fixé ce point d’équilibre. En l’état, rien ne nous empêche d’imaginer un seuil fixé encore plus haut que les 64 ans prévus à l’origine. Rappelons que tous ceux qui prendront leur retraite avant ce fameux seuil seront pénalisés d’un malus.
La CFDT, toujours prompte à emboîter le pas aux réformes libérales, et qui s’était placée jusqu’ici dans l’opposition partielle à cette réforme, semble enfin rentrer dans le rang. En effet, son président, Laurent Berger, s’est félicité de cette décision et a évoqué une « victoire pour la CFDT ». Il voit même dans cette annonce « une volonté de compromis du gouvernement ». De son côté, la CGT de Philippe Martinez continue de réclamer le retrait complet du projet.
« Un stratagème grossier » cousu de fil blanc
Le déroulement de cette affaire était donc bel et bien cousu de fil blanc. On avait ainsi déjà pu entendre depuis plusieurs semaines certains intellectuels prédire le déroulement des opérations. Le politologue Thomas Guénolé, annonçait par exemple cet « enfumage » depuis près d’un mois, y voyant un « stratagème grossier ».
Du côté politique, l’opposition n’a pas manqué de se faire entendre. Florian Philippot se moquait ainsi de Laurent Berger « partenaire de jeu d’Emmanuel Macron » qui « joue parfaitement son rôle ». François Asselineau, lui, dénonçait « une grosse ficelle concoctée depuis longtemps par la CFDT » et demandait le retrait de « toute la réforme ». Même son de cloche chez le député insoumis Adrien Quatennens qui ironisait en se demandant si « le gouvernement pourrait provisoirement cesser de nous prendre pour des imbéciles » et appelait à « rester mobilisés ».
Le même jour, le projet de loi intégral a commencé à filtrer sur la toile et est devenu facilement téléchargeable. Dans ce document, on apprend notamment qu’un « Conseil d’Administration de la Caisse nationale universelle de retraites » sera mis en place par le gouvernement. Et cet organisme devrait, semble-t-il, décider d’absolument tout, passant outre le parlement, les syndicats, et bien sûr les citoyens. Comme l’explique le magazine indépendant Frustration, le conseil sera notamment en charge de la valeur du point, le fameux âge d’équilibre ou encore du niveau de valorisation des pensions. Mais le texte tient à rassurer le peuple français : ce conseil sera surveillé par un « comité d’expertise indépendant ». Et pour être sûr que ce comité soit bien indépendant, il sera nommé par … le chef de l’État, le président de l’assemblée nationale et celui du sénat ! Un vaste champ politique très représentatif allant donc des libéraux aux ultra-libéraux…
Passer en force pour éviter la déroute aux municipales
Pour couronner le tout, on apprend aujourd’hui que le gouvernement envisagerait de faire passer sa réforme via l’article 49:3 de la constitution ou bien par des ordonnances, procédure déjà utilisée par LREM en 2017. En haut lieu, on pense ainsi s’éviter de longs débats au Parlement et faire passer la loi en force, très rapidement. Un proche d’Emmanuel Macron aurait même déclaré que « Plutôt que de se payer une guérilla parlementaire majeure à quinze jours des municipales, on pourrait passer d’un coup. » L’un des ministres du gouvernement, dont le nom n’a pas filtré aurait aussi renchérit : « On entre dans les municipales, les régionales, les départementales ; on se rapproche de la présidentielle… A-t‑on vraiment envie de se taper une réforme des retraites qui dure des mois et des mois ? » Ce véritable coup de force interviendrait alors que la contestation se fait de plus en plus forte dans les rues et que le mouvement de grève qui touche la France a battu tous les records. Pour Etienne Chouard, essayiste, chantre de la démocratie « directe » la « procédure des ORDONNANCES est une procédure scélérate, une confusion des pouvoirs, un outil idéal pour un tyran. ». Elle pourrait en tout cas rappeler au bon souvenir des nostalgiques la belle époque de Manuel Valls, ou sévissait déjà en sous-main, un certain Emmanuel Macron…
Le Média pour Tous