Aéroport de Toulouse : l’investisseur chinois s’en va déjà, et réalise une énorme plus-value

On s’est fait avoir

Le groupe chinois Casil, qui détenait 49.9% des parts de l’Aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB), vient de les revendre en totalité au Français Eiffage. Il quitte ainsi la gestion de l’aéroport, et réalise au passage une plus-value de près de 200 millions d’euros, en à peine cinq ans d’exploitation. Si le coup économique est parfait pour le fond d’investissement, il l’est beaucoup moins pour l’aéroport lui-même et pour l’État français.

Un petit tour et puis s’en va… avec un gros chèque ! Voilà comment nous pourrions résumer le passage d’investisseurs chinois au sein de l’aéroport de Toulouse-Blagnac depuis 2015. À l’époque, cette arrivée avait provoqué un tollé tant l’investisseur semblait inapproprié. Pire encore, son PDG a été vite rattrapé par des affaires dans son pays. La vente tournait au fiasco et il fallait trouver une solution. En avril 2019, le tribunal administratif de Paris a même prononcé l’annulation de la vente initiale. Cependant, en mai, le groupe chinois a déclaré négocier exclusivement avec le groupe de BTP français Eiffage sur fond d’arrangement à l’amiable. La vente a été conclue hier, dans la soirée.

Le groupe chinois et le groupe Eiffage sont ainsi tombés d’accord sur un prix proche des 500 millions d’euros. C’est tout de même 200 millions d’euros de plus que le prix racheté à l’État il y a cinq ans ! Aux  200 millions d’euros de plus-value de cette vente, il faut également ajouter les dividendes perçues : près de 30 millions sur les cinq dernières années. Un très bon coup pour le fond chinois, totalement novice dans la gestion aéroportuaire, mais qui a flairé la bonne affaire d’un investissement mercantile et court-termiste juteux. L’entreprise Casil, par la voix de son Dirigeant Mike Poon, s’est défendue et a souligné un investissement de sa part de 84 millions d’euros alors que son contrat n’en imposait qu’une soixantaine. Admettons. L’affaire reste tout de même très confortable.

Une vente douteuse à un PDG sulfureux… voulue par Macron

Les Chinois n’étaient en réalité pas complètement maîtres à bord, et c’est là toute la subtilité de ce dossier. Ils avaient acquis 49.9% des parts de l’aéroport, juste en dessous de la majorité absolue. L’État détenait quant à lui encore 10% des parts et le reste était aux mains d’actionnaires locaux (la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse entre autres). Toutefois, dans l’accord signé l’État, avec ses 10%, devait obligatoirement voter comme le fond chinois au conseil d’administration. Les actionnaires chinois étaient donc bien majoritaires et ont pu se verser de forts dividendes comme évoqué plus haut, avec l’appui de l’État français.

La vente avait été souhaitée et poussée par… Emmanuel Macron alors ministre de l’économie. La Cour des comptes, dans son rapport sur « la base de critères de recevabilité des candidats », avait jugé le consortium chinois « peu exigeant et limité à sa capacité financière ». En refusant de céder définitivement ses 10% aux Chinois sur lesquels ils avaient pourtant une option, la France a précipité leur départ. Sans doute ont-ils jugé que leurs bénéfices n’augmentaient pas assez vite ? Ou est-ce la réputation sulfureuse de leur PDG qui a fini par les rattraper ?

Mike Poon est l’homme qui a signé cet accord controversé pour Casil. Durant sa présidence, il a été recherché pour corruption par son pays. Entre juin et novembre 2015, il disparaît purement et simplement. « Il s’agit d’un événement considérable. Cette nouvelle, si elle est avérée, doit faire réfléchir le gouvernement qui ne nous a toujours pas communiqué le pacte d’actionnaire qui lie l’Etat avec CASIL Europe, ni le projet industriel pour l’aéroport. Les suspicions de corruption doivent amener le gouvernement à les publier et à renoncer à la vente, sans attendre le recours au conseil d’Etat que nous avons déposé » avait alors réagi dans un communiqué le collectif contre la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.

En 2017, le Los Angeles Times révèle qu’il a été emprisonné pour prise illégale d’intérêts. Mais c’est bien lui qui a géré la vente d’hier, mettant un terme à la participation des fonds chinois dans le capital de l’aéroport. « Nous sommes persuadés qu’Eiffage saura conjuguer sa compétence dans la gestion d’infrastructures de transport et sa connaissance de l’environnement économique local pour ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire d’ATB, dans la continuité du fort développement que nous avons initié depuis 2015 » a déclaré Mike Poon.

Le bilan de la gestion Casil

Pourtant ATB se porte très bien et son trafic n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Toulouse-Blagnac a dépassé la barre symbolique des 10 millions de passagers annuels.  Toutefois, est-ce dû à la bonne gestion de Casil ? David Cayla, économiste, en doute fortement. Il explique à France Bleu :

« On est là face une forme d’actionnariat prédateur. Finalement Casil, qui n’a aucune expérience dans la gestion aéroportuaire, s’est retrouvé bénéficiaire d’un actif dont il a cherché à tirer le maximum, et dont il se débarrasse une fois que la bête est saignée. C’est clairement un scandale. […] L’aéroport fonctionne très bien effectivement, mais pas grâce à Casil ! Il fonctionne grâce à l’actionnaire public qui, avant la privatisation, a énormément investi. Cet investissement a été coupé net par la gestion Casil et le problème, c’est que l’État a perdu beaucoup d’argent dans cette affaire. Maintenant l’entreprise ATB est valorisée davantage à ce qu’elle était à la vente (ndlr : plus d’un milliard d’euros d’aujourd’hui) et on a perdu cinq ans. Pendant ces cinq années, il n’y a pas eu de véritables investissements menés. On aurait pu utiliser les profits assez importants de l’aéroport pour investir, améliorer l’aéroport, pour améliorer la gestion des passagers, éventuellement réduire les taxes aéroportuaires pour diminuer le prix des billets d’avion. Mais évidemment ce n’est pas l’intérêt d’un actionnariat privé de répartir davantage les profits. Là l’actionnariat Casil, à capitaux chinois, n’en a rien à faire du développement de Toulouse. Il a préféré garder l’argent pour lui-même »

La privatisation, c’est saigner le peuple pour que des actionnaires s’engraissent. Aéroports de Paris, même destin ?

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