Extraits du livre 
« Les Réseaux du Kremlin » 
de Cécile Vaissié. Par Olivier Berruyer

Source : les-crises.fr, Olivier Berruyer, 13-03-2019

Extraits du livre
« Les Réseaux du Kremlin »
de Cécile Vaissié

« Ne bâillonnons pas Cécile Vaissié, lisons-la ! »

Pour tous ceux qui n’ont pas lu le livre « Les Réseaux du Kremlin » de Cécile Vaissié, nous avons réalisé ici une simple sélection de passages qui peuvent susciter un certain étonnement, venant d’une universitaire.

Nous les avons classés en fonction des multiples domaines que prétend traiter – et donc maitriser – Mme Vaissié dans son livre. Rappelons qu’elle semble pourtant s’étonner dans ses conclusions qu’un non-universitaire ait pu essayer de traiter un sujet sur un simple blog, sans être un spécialiste.

Nous vous en souhaitons une bonne lecture, qui vous permettra de mieux comprendre les débats à venir.

« Ne bâillonnons pas Cécile Vaissié, lisons-la ! »

Olivier Berruyer, 13/03/2019

Table des matières

I. « L’argent »
II. Le Physique et l’âge
III. Vie Privée et Affaires de famille
IV. Économie
V. Géopolitique
VI. Défense
VII. Psychologie
VIII. Littérature
IX. Histoire
X. Religion et Psychologie
XI. Droit Public
XII. La Justice
XIII. La Presse
XIV. « Réseau du Kremlin »
XV. Quelques-unes des calomnies du livre
XVI. « Les enfants malades »
XVII. Pour conclure

 


I. « L’argent »

Page 85 :

Il y aurait donc des gens payés pour mentir. Enfin, peut-être… Aucune preuve, aucune source.

Page 147 :

Toujours ce fantasme d’acteurs « payés » : où sont les noms, où sont les preuves ?

Page 45 :

Mme Vaissié endosse le fait que les signataires de la simple pétition de Dimitri Schakhovskoy auraient ainsi tous eu un « intérêt matériel » à la signer, pour tous « être invités à des réceptions à l’ambassade, où le caviar est servi à la louche ».

Comme il n’y pas de source claire et fiable sur ce fait, nous avons interrogé le service de presse de l’ambassade de Russie, voici sa réponse :

De : Serge PARINOV À : Olivier Berruyer

Envoyé le : Mardi 12 mars 2019

Objet : Re: Question à propos de l’Ambassade de Russie

Monsieur,

Malheureusement il me serait impossible de vous donner une réponse “100% officielle” car les menus des réceptions offertes à l’Ambassade ne sont pas conservés ni archivés.

Pourtant à ma mémoire (à savoir, j’ai travaillé à l’Ambassade de Russie à Paris de 1993 à 1997, de 2002 à 2008, de 2011 à 2016 et maintenant depuis 2018) je n’ai jamais vu à nos réceptions du caviar, ni à la louche ni tout simplement.

Nous proposons assez régulièrement à nos invités des œufs de saumon, du saumon mariné ou à la vapeur, des plats traditionnels de la cuisine russe (salaisons, pirojki etc.), mais le caviar ne figure hélas pas dans nos menus.

Respectueusement,

Serge PARINOV

Conseiller

Chef du Service de Presse

Ambassade de la Fédération de Russie

Page 112 :

Notons que les loyers sont « élevés » partout à Paris. Et on n’est jamais très loin de « lieux de pouvoir » dans les arrondissements centraux.

Page 114 :

Les dénégations de l’IDC n’y font rien, les insinuations sans preuve pleuvent.

Page 155 :

« L’argent circule »…

Le tout en raison d’un simple concours organisé en 2014-2015 par la structure « Material Evidence », qui promettait de faire distribuer par un jury 6 prix à 6 journalistes ayant travaillé sur des zones de guerre (Syrie, Ukraine, Afghanistan, Irak) :

https://web.archive.org/web/20141008130556/http://www.grant-jt.com/

Sans lien apparent avec « le Kremlin », on voit mal en quoi ceci prouve quoi que ce soit sur « l’argent circule », d’autant qu’elle écrit bien qu’il n’a évidemment « pas eu d’impact ».

Page 161 : à propos de l’écrivaine Hélène Richard-Favre :

« Qui a payé ? » : une question récurrente de Mme Vaissié, qui n’enquête donc pratiquement jamais pour apporter des réponses.

Page 269 :

Précisons que l’ancien chancelier allemand, Gerhard Schröder n’a pas été « nommé par le Kremlin » mais élu par le Conseil d‘administration de la joint-venture Gazprom-BASF (cependant, il est vrai que Vladimir Poutine a beaucoup œuvré pour qu’il accepte). L’ancien chancelier Gerhard Schröder s’est justifié, dans un entretien publié mardi 13 décembre par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, d’avoir accepté l’offre russe.

Rappelons également que le chancelier allemand « reçoit un salaire de base qui correspond selon l’article 11 de la loi des ministres fédéraux à une valeur 5/3 plus élevée que celle d’un fonctionnaire du groupe B11. La somme s’élève alors à environ 226 000 euros par an » [Wikipédia, source “Bundesministeriums des Innern mit den Besoldungstabellen”]. Gerhard Schröder a déclaré à l’époque : « Pour moi c’est une question d’honneur que de participer à ce projet de gazoduc », se défend-il. « J’ai déjà dans le passé appuyé le projet politiquement, parce que je le tiens pour intéressant » [Le Monde, 13/12/2005]

Page 286 :

« Des rumeurs courent… »

« Homme d’argent »…

Pages 294-295 :

« Sans aucun doute reçus superbement, voire couverts de cadeaux ». Bref, de nouveau, aucune source solide, seulement une référence supposée aux « traditions russes ». De corruption ?

Page 297 :

DSK « ferait partie du conseil d‘administration d’une deuxième banque russe ». Vu la facilité à vérifier ce genre d’information, on voit que l’enquête, de nouveau, ne semble pas avoir été très poussée…

Page 55 à propos de 3 fondations russes :

Mme Vaissié n’ayant ni enquêté ni produit de preuve, on ne le saura probablement jamais…

II. Le Physique et l’âge

Page 94 :

L’expertise en physique « séduisant », une corde de plus à l’arc de Mme Vaissié – en plus de la délicatesse.

Page 50 :

« Il aurait dit à sa femme » : une source très solide… Et par ailleurs, il ne semble pas nécessaire d’être un oligarque pour « acheter des raisins à St Petersbourg en hiver ».

Page 301 :

« Très âgés » : Une information imprécise, de nouveau non sourcée et pas très capitale.

Page 325 :

« Une très vieille dame »…

Page 341 :

« Les Africains sont nombreux à clamer leur enthousiasme pour Vladimir Poutine » : source, intérêt, enquête sur ce sujet ?

Page 282 :

De nouveau, que vient faire ici l’âge de personnalités parmi les plus éminentes du pays ?

III. Vie Privée et Affaires de famille

Page 52 :

Mme Vaissié indique ici qu’elle n’a donc pas vérifié les affirmations du très controversé
M. Navalny, et on voit mal ce que ces insinuations malveillantes non prouvées sur la famille Ianoukine viennent faire dans « Les réseaux du Kremlin ».

Page 71 :

Ici c’est le fils de Dimitri Schakhovskoy qui devient un centre d’intérêt…

Pages 148-149 à propos d’Alexandre Latsa :

« Dit être né », « vers 20 ans », « aurait étudié le droit ou les langues slaves », « apparemment » : Mme Vaissié n’est même pas arrivée à confirmer ces faits basiques. Mais cela ne figurait pas sur Internet, il est vrai – il fallait plus que Google.

« Son déménagement est peut-être lié à son mariage ». Eh oui, peut-être. Ou peut-être pas, qui sait ? Là encore, on cite la femme de M. Latsa sans raison, autre que sa nationalité. Comme si épouser une Russe transformait quelqu’un en suppôt du Kremlin.

Page 241 :

De nouveau, la femme russe d’une personne visée est jetée en pâture.

Page 287, à propos de Thierry Mariani :

« Marié apparemment depuis 2005 » avec une Russe : de nouveau aucune enquête sérieuse menée en dehors de Google…

Page 289 à propos de Bernard Lozé :

« Une trentaine d’années de moins que lui » – et Mme Vaissié n’a même pas l’information exacte…

Page 307 :

De nouveau, la femme russe d’une personne visée est jetée en pâture et moquée. « Plus jeune d’une trentaine d’années » : Mme Vaissié, obsédée par ce sujet, n’a toujours pas l’information exacte…

Page 318 :

« Il aurait », « à une date non précisée », « pour le moins étrange » : une enquête sérieuse, sur Guy Mettan et sa fille adoptive…

Page 277 :

Ainsi, Pierre de Villiers a été nommé chef d’État–major de l’armée française « cinq mois avant que son frère ne soit reçu en tête-à-tête par Poutine » ! Hasard, coïncidence ? Allez savoir… !

En conclusion, un tel acharnement sur les familles des personnes que Mme Vaissié n’aime pas est très étonnant venant d’une universitaire traitant de la Russie. En effet, un tel état d’esprit n’est pas sans rappeler la sinistre loi soviétique sur la trahison de la patrie du 8 juin 1934 qui a frappé tant d’innocents, car elle prévoyait une responsabilité collective familiale, les proches des cibles se voyant appliquer des peines d’emprisonnement de 2 à 5 ans et/ou d’exil en Sibérie. (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_sur_la_trahison_de_la_patrie )

IV. Économie

Page 102 :

« Les Kalachnikovs »…

Mme Vaissié ayant apparemment de sérieuses lacunes sur l’économie russe (mais ce n’est, à sa décharge, pas du tout son domaine de compétence). Voici la vision de Jacques Sapir, contacté par nous pour qu’il réagisse à ce passage de Mme Vaissié :

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De : Jacques SAPIR

À : Olivier Berruyer

Envoyé le : Mercredi 13 mars 2019

En tant qu’économiste spécialisé sur l’économie russe et responsable pour la partie française du séminaire sur le développement économique de la Russie, séminaire qui se tient deux fois l’an depuis juin 1991, j’ai été très surpris des affirmations de Mme Vaissié sur l’état de l’économie russe.

Je suis très étonné qu’une personne se disant linguiste se permette de porter de tels jugements sur l’économie russe.

Rappelons tout d’abord que le secteur des hydrocarbures (Pétrole, Gaz, produits raffinés) ne pèse que 12% à 15% dans le PIB. Dans les exportations, si ce secteur est important, il ne doit pas cacher la montée des autres exportations, qu’elles soient agricoles (blé et céréales) ou qu’elles concernent les produits industriels. De même, le secteur des services informatiques est marqué par le développement d’exportations importantes, qui sont le fait d’une grande société de taille mondiale, Kaspersky, dont Mme Vaissié utilise probablement les produits sans savoir qu’ils sont russes. De même, dans les équipements de transports (des camions Kamaz aux hélicoptères), les exportations de la Russie sont notoires et bien répertoriées.

Rappelons aussi que la Russie est redevenue exportatrice que ce soit pour les céréales ou pour les produits laitiers. Ces progrès sont directement les conséquences de la politique dite de « contre-sanctions » mise en place par le gouvernement russe à la suite des sanctions décidées par les États-Unis et par les pays de l’Union européenne en 2014. De fait, aujourd’hui, de nombreux produits russes de qualité se sont substitués aux produits importés. La Russie est donc bien lancée dans la voie de la souveraineté alimentaire. Bien entendu, des progrès doivent encore être réalisés, dans le domaine de l’élevage et de la filière viande en particulier. L’industrie du matériel agricole a connu une renaissance spectaculaire.

Rien ne serait plus faux que de considérer que l’industrie russe se limite au pétrole et aux armes. La métallurgie mais aussi l’industrie chimique ont connu des succès remarquables à l’exportation. De fait, la Russie, et ce contrairement aux affirmations de Mme Vaissié, comprend plusieurs entreprises de taille mondiale, que ce soit bien entendu dans le domaine du pétrole (Rosneft est l’une des toutes premières), mais aussi dans la métallurgie (Severstal, Rosal, Lipetsk et Magnitogorsk), dans le domaine de la chimie, et comme on l’a déjà dit dans le domaine des logiciels (Kaspersky est la première entreprise non américaine pour la production des “antivirus”). De nombreuses entreprises plus petites, de la start-up à des entreprises de plus de 1000 employés, sont très actives dans ce secteur des services informatiques et de l’économie de la connaissance.

Je pense que Mme Vaissié devrait se contenter de son domaine de compétence, la linguistique, au lieu de raconter d’énormes bêtises sur l’économie.

Cela ne veut pas dire que tout soit rose dans le développement économique de la Russie. On peut ainsi critiquer la politique monétaire et la politique fiscale du gouvernement. Considérer qu’il commet de grosses erreurs dans la politique sociale, erreurs qui contribuent à rigidifier le marché du travail et à freiner la croissance. Ces critiques sont partagées par de nombreux collègues russes. Je les ai faites publiquement à de nombreuses reprises. Mais, la description que Mme Vaissié fait de l’économie russe est juste risible.

Jacques Sapir

Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales

Directeur du CEMI

Membre étranger de l’Académie des Sciences de Russie

V. Géopolitique

Page 16 :

On apprend que « Le Kremlin » mènerait une « guerre » non seulement en Ukraine mais aussi « contre la population russe » – qui ne semble apparemment pas tenir trop de rigueur à son Président au vu des résultats des élections et des sondages.

Pages 266 :

François Fillon, un autre membre des « réseaux du Kremlin ». Et qui « suscite l’ironie » quand il sous-entend un lien de suivisme envers Obama de François Hollande – une accusation de suivisme envers Poutine ne générant évidemment jamais ce genre de réaction, surtout si on a pu émettre une once de familiarité (page 265) :

Bref, François Fillon, non prédisposé face aux « blondes peu farouches », cet « incroyable naïf », grand ignorant de la Russie actuelle – malgré ses conseillers et réseaux relationnels de Premier Ministre et de futur candidat à la Présidentielle.

Page 266 :

Mme Vaissié, linguiste, s’estime donc parfaitement compétente pour critiquer dans son ouvrage les visions géopolitiques d’un ancien Président de la République, et le faire figurer dans son ouvrage « Les réseaux du Kremlin ». Mais peut-être est-il lui aussi un autre membre stipendié de l’Internationale Poutinienne ?

Page 374 :

Une analyse toute en finesse et pondération, hautement sourcée…

Pages 376-377 :

« Permettrait », « Fantasmes », « Hypothèses » : non sourcé, tout ceci ne semble pas très solide.

Page 302 :

« La Russie d’aujourd’hui vient de l’URSS » : oui, plus que du Nicaragua, c’est certain. Et il est aussi probablement difficile de rayer 70 ans d’un trait de plume, en particulier au niveau des « élites » – un peu plus de subtilité dans l’analyse aurait été précieuse.

VI. Défense

Page 261, à propos d’Olivier Védrine et de la Revue Défense Nationale :

« Olivier Védrine ne semble pas avoir une grande expertise sur cette zone ni dans ce domaine [de la Défense] »…

Rappelons qu’Olivier Védrine est Conférencier de la Commission Européenne (TEAM-EUROPE France), Professeur à l’Iéseg School of Management, Université Catholique de Lille, Responsable du Energy & Sustainable Development Management MBA à l’IPAG Business School (Double diplôme avec Khazar University à Baku). Maître de Conférences et membre du comité d’admission pour le “Master in European Studies” à Nehemia University à Pogradec en Albanie. Professeur Honoris Causa de l’Unisersité de Kiev, il intervient aussi à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) à Strasbourg et à l’école de commerce NEGOCIA. Il est coéditeur de la revue européenne « European Union Foreign Affairs Journal » et il préside le Collège Atlantique-Oural, qui est un think-tank apolitique. Lieutenant-colonel dans la Réserve, il a été auditeur à l’IHEDN, éditeur du « European Union Foreign Affairs Journal » en Allemagne, Conférencier de la Commission européenne à Bruxelles, et professeur invité à l’Université Lomonossov à Moscou.

Quant à la revue, Madame Vaissié conclut page suivante :

« Un sentiment désagréable d’amateurisme […] qui fait craindre des manipulations possibles ». Cela pourrait s’appliquer à bien d’autres choses.

VII. Psychologie

Page 288-289 :

Bernard Lozé aurait donc « une personnalité plus complexe qu’il n’y parait. D’abord, il a une mère russe »…. On imagine l’émoi si une autre nationalité avec été ainsi visée.

Nous ne commenterons pas plus les attaques indirectes contre la culture du peuple tzigane.

VIII. Littérature

Page 161 à propos de l’écrivaine Hélène Richard-Favre :

Ses livres n’ont donc « aucun intérêt ». Sauf un, apparemment :

Ne plus être « femme au foyer » : chacun appréciera. Ainsi que ceci :

« En matière de talent, Richard-Favre n’a rien d’un Aragon, d’un Eluard ou d‘un Sartre. »…

IX. Histoire

Page 96 à propos de Gueorgui Chepelev :

Mme Vaissié semble s’indigner du fait que M. Chepelev dénonce les « commémorations en l’honneur de SS ukrainiens », au prétexte que ce serait « dans la droite ligne du discours du Kremlin ».

Or, ces commémorations publiques et officielles existent bien et il semble de bon ton, en effet, de s’en occuper… On voit mal pourquoi il faudrait s’en abstenir, au prétexte que le Kremlin le fait – ceci devrait rapprocher tous les Européens.

Source : Jewish News One, repris par Les-Crises.fr : https://www.les-crises.fr/u372-deputes-de-svoboda/

Cérémonie publique de ré-inhumation de Waffen-SS en Ukraine, en costumes d’époque. Source : Jewish News One, repris par Les-Crises.fr : https://www.les-crises.fr/u372-deputes-de-svoboda/

Page 349 :

Or le centre Simon Wiesenthal et le Comité Juif ukrainien se battent depuis des années pour dénoncer la complaisance du pouvoir ukrainien actuel – comme encore tout récemment :

Source :http://www.wiesenthal.com/site/apps/nlnet/content.aspx?c=lsKWLbPJLnF&b=8776547&ct=15022871&notoc=1

Traduction exclusive Les-Crises :https://www.les-crises.fr/le-centre-wiesenthal-critique-severement-la-decision-du-parlement-ukrainien-dhonorer-le-collaborateur-nazi-bandera/

X. Religion et Psychologie

Page 107 :

« Contrôler les paroisses permettrait de contrôler les comportements » – non sourcé.

XI. Droit Public

Page 113 :

De nouveau, on constate que Mme Vaissié ramène régulièrement toute vision, pensée ou analyse à « la conception du Kremlin ».

Comme elle s’essaye ici au Droit International Public, nous avons contacté un des grands spécialistes français, M. Denis Alland, Professeur agrégé de Droit Public à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas. Voici sa réponse :

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De : Denis Alland

À : oberruyer@yahoo.fr

Envoyé le : Mercredi 13 mars 2019

Objet : Quelques lignes sur souveraineté et intervention

Cher monsieur

Vous me demandez mon avis sur une phrase selon laquelle serait « néo-soviétique » la conception « selon laquelle il ne pourrait y avoir d’ingérence humanitaire car la souveraineté des Etats primerait ».

Outre que le concept de « néo-soviétisme » est trop flou pour pouvoir être analysé historiquement ou juridiquement, la formule appelle de sérieuses réserves du point de vue du droit international :

Le primat de la souveraineté est affirmé dans tous les textes internationaux les plus importants (certains antérieurs, faut-il le dire, à l’existence de l’URSS et d’autres qui ne doivent rien à la conception soviétique du droit international) dont naturellement la Charte des Nations Unies (art. 2 § 1, § 7) et de nombreuses résolutions ; mais surtout il est l’objet de constantes réaffirmations de la part de tous les Etats en pratique ; ceci se passe de démonstration.

La notion d’ingérence humanitaire est l’objet d’âpres discussions depuis le XVIIIème siècle ; c’est toujours le cas en droit international contemporain où demeure toutefois certain que certaines formes d’ingérence – quels qu’en soient les motifs allégués – sont unanimement rejetés par les Etats, de sorte que ce qu’a exprimé la Cour internationale de Justice en 1949 demeure actuel : « Le prétendu droit d’intervention ne peut être envisagé [par la Cour] que comme la manifestation d’une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l’organisation internationale, trouver aucune place dans le droit international » (Rec. 1949, p. 35). La Cour a d’ailleurs rappelé en 1986 dans l’un de ses plus importants arrêts où elle souligne le lien avec le primat de la souveraineté évoqué ci-dessus :

« Malgré la multiplicité des déclarations des États acceptant le principe de non-intervention, deux problèmes subsistent : premièrement celui du contenu exact du principe ainsi accepté et, deuxièmement, celui de la démonstration que la pratique lui est suffisamment conforme pour qu’on puisse faire état d’une règle de droit international coutumier. En ce qui concerne le premier problème – celui du contenu du principe de non intervention- la Cour […] note que, d’après les formulations généralement acceptées, ce principe interdit à tout Etat ou groupe d’Etats d’intervenir directement ou indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat. L’intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d’entre eux de se décider librement. Il en est ainsi du choix du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations extérieures. L’intervention est illicite lorsqu’à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte. Cet élément de contrainte, constitutif de l’intervention prohibée et formant son essence même, est particulièrement évident dans le cas d’une intervention utilisant la force, soit sous la forme directe d’une action militaire soit sous celle, indirecte, du soutien à des activités armées subversives ou terroristes à l’intérieur d’un autre Etat […pour ce qui est du deuxième problème] La Cour doit examiner s’il n’existerait pas des signes d’une pratique dénotant la croyance en une sorte de droit général qui autoriserait les Etats à intervenir, directement ou non, avec ou sans force armée, pour appuyer l’opposition interne d’un autre Etat, dont la cause paraîtrait particulièrement digne en raison des valeurs politiques et morales avec lesquelles elle s’identifierait. L’apparition d’un tel droit général supposerait une modification fondamentale du droit international coutumier relatif au principe de non-intervention […] la Cour doit s’assurer que la pratique des Etats justifie cette conclusion. Or un certain nombre d’exemples d’interventions étrangères dans un Etat au bénéfice de forces d’opposition au gouvernement de celui-ci ont pu être relevés au cours des dernières années […] La Cour constate […] que le droit international contemporain ne prévoit aucun droit général d’intervention de ce genre en faveur de l’opposition existant dans un autre État ».

Avec mes sentiments les meilleurs

Denis Alland

XII. La Justice

Pages 277-278 :

Il est toujours important, avant de parler d’affaires commerciales en Russie, de commencer par parler du parcours judiciaire de la personne. Surtout si elle a été acquittée – on ne sait jamais. Car Mme Vaissié a raison : « le tribunal […] avait considéré quelques mois plus tôt les charges suffisantes pour renvoyer le jeune homme devant la Justice » – ce qui est fait le cas pour 100 % des acquittés.

Et cela permet ensuite de sortir des informations issues d’une source dont on ne saurait douter de la fiabilité dans un tel contexte, sans aucun besoin d’enquête complémentaire pour vérifier les faits…

XIII. La Presse

Page 154 :

Cela avait échappé à beaucoup, mais grâce à Mme Vaissié, on apprend que le journal L’Humanité a désormais « des positions similaires à celles l’extrême-droite » et proches « du discours du Kremlin » – Jaurès devant se retourner dans sa tombe. Cela ne semble cependant pas flagrant en particulier au niveau du capitalisme, des droits sociaux, des exportations d’armes, de l’immigration, etc., mais hélas Mme Vaissié a oublié de développer ce point.

Page 154 :

Ainsi, la peste poutinienne toucherait également « Atlantico, l’Express, le Figaro, BFM » ainsi que « etc. », médias qui déborderaient de personnes œuvrant continuellement à fournir « une image très positive de Poutine » – comme tout le monde l’a constaté (à part les membres présumés des “Réseaux du Kremlin”, étrangement presque jamais invités par eux). Le tout étant orchestré dans l’ombre « sans doute en partie » (sans preuves) par l’agence G+.

Et comment en douter vu l’évidence, raison pour laquelle il n’y a ni noms, ni sources ni analyse détaillée.

Et enfin, au vu de son texte, Mme Vaissié souhaite-t-elle d’ailleurs ôter la parole à ces « journalistes ou contributeurs » ?

Page 156 :

Ainsi, Mme Vaissié s’est essayé à la prévision, sans indiquer de sources : Zemmour, Elkabbach, PPDA arriveraient bientôt sur Russia Today. On les attend toujours.

On appréciera également la façon dont est calomnié le grand journaliste français Jean-Pierre Elkabbach.

XIV. « Réseau du Kremlin »

Page 273 :

La méthodologie de Madame Vaissié…

Nous nous permettons de compléter avec cet extrait des conclusions de Mme Vaissié concernant M. Berruyer :

Une seule reprise d’un article pour être classé dans le réseau ? Dans ces conditions, il est certain que le « réseau du Kremlin » va s’étendre très vite et très loin…

XV. Quelques-unes des calomnies du livre

Page 94 à propos de Pierre Cheremettief :

« Peut-être, peut-être pas… ». Les propos sur le KGB sont non sourcés, et sans rapport avec le sujet.

Pages 162-163 :

Ces calomnies ne sont même pas sourcées ni argumentées.

Page 237 à propos du micro-blog « L’Observateur du monde russe » :

Le blog est donc pointé du doigt comme un « média francophone du Kremlin » parce qu’il s’est arrêté fin 2014…

Page 301 :

Depardieu, Brigitte Bardot, les frères Bogdanov, le boxeur Roy Jones Jr, l’acteur Steven Seagal : un incroyable réseau d’influence russe ?

Page 310 :

Jacques Sapir ayant été victime d’une Fake News extrêmement préjudiciable, Mme Vaissié semble lui reprocher une vive réaction, et conclut en faisant croire qu’elle n’aurait jugé tout à fait « normal » et n’aurait donc rien trouvé à redire dans l’hypothèse où il aurait été directeur de thèse de la fille de Poutine… « S’agirait-il d’une question sensible ? »

Page 314 :

Donc Emmanuel Todd et Michel Onfray témoigneraient « de ces passerelles entre extrême droite et extrême gauche », une preuve en serait par exemple que Florian Philippot aurait aimé leur livre…

Page 320 :

Peut-être que Mme Vaissié aurait du coup pu enquêter ?

Page 320 :

« Il dit avoir terminé Saint-Cyr » : là encore, aucune vérification d’un fait simple.

Page 356 :

On peut évidemment critiquer Sartre, mais une universitaire sérieuse emploierait-elle dans un livre où elle parle de lui l’expression « revenant d’URSS en 1954 après un quasi-coma éthylique » alors qu’elle fait référence à des entretiens accordés au journal Libération (pas l’actuel – ce quotidien a publié de 1941 à 1964) ?

XVI. « Les enfants malades »

Page 269 :

Est-il bien utile de commenter de tels propos, non sourcés, accusant d’une part la Russie d’un quasi « nettoyage » d’enfants malades qu’elle aurait expulsés, et d’autre part le chancelier Schroder d’avoir eu un passe-droit ?

Nous fournissons simplement cette confirmation du service de presse de l’ambassade russe, interrogé par nos soins :

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De : Serge PARINOV À : Olivier Berruyer

Envoyé le : Mercredi 13 mars 2019

Suite à votre question sur l’adoption, je vous confirme que la loi russe ne prévoit ni n’a jamais prévu que “seul les enfants malades seraient adoptables à l’étranger”. […]

Je peux vous confirmer que de nombreux enfants bien portants ont déjà été adoptés par des familles étrangères, et ce de tout temps.

Serge PARINOV

Conseiller – Chef du Service de Presse

Ambassade de la Fédération de Russie

XVII. Pour conclure

Après, entre autres, Nicolas Sarkozy, BFM TV, Dominique Strauss Khan, Jean-Pierre Elkbbach, L’Humanité, François Fillon, Thierry Desmaret, Brigitte Bardot, les frères Bogdanov et Steven Seagall, nous conclurons cette présentation des marionnettes poutiniennes des « Réseaux du Kremlin » selon Cécile Vaissié par Hélène Carrère d’Encausse, Valery Giscard D’Estaing, Hubert Védrine et Jean-Pierre Chevènement.

Page 301 :

Voici donc comment Mme Vaissié présente Hélène Carrère d’Encausse, qui est sans doute la plus grande historienne française spécialisée sur le monde russe, première femmesecrétaire perpétuelle de l’Académie Française, et ce depuis 20 ans…

Elle serait donc la source de « la plupart des arguments erronés des pro-Poutine » – la source d’une telle affirmation n’étant pas indiqué, si ce n’est qu’il s’agit d’un « descendant de cette émigration blanche » dont on peut penser qu’il n’est même pas historien !

C’était bien la peine pour Mme Vaissié de se plaindre ainsi page 123 :

Il n’y a donc pas que sur Internet que se « [brouillent] les frontières entre […] le spécialiste reconnu par ses pairs et l’expert proclamé (voire le voyou idéologique) », dans son livre aussi : Hélène Carrère d’Encausse ou « un descendant russe » non identifié, c’est pareil.

Page 302 :

Valery Giscard d’Estaing aurait « sans doute » été induit en erreur par Hélène Carrère d’Encausse – simplement car il partage son analyse historique plutôt que celle contraire de Vaissié ?

Mais il est apparemment pour Mme Vaissié un autre membre du « réseau du Kremlin » – et a priori un doyen (page 266) :

Enfin, soulignons qu’un tel manque de respect de Mme Vaissié étonne particulièrement quand on sait qu’elle a eu la chance d’avoir Hélène Carrère d’Encausse comme Directrice pour sa Thèse :

Source : https://www.theses.fr/050743198

Page 315 :

Hubert Védrine, sans conteste un de nos plus grands Ministres des Affaires Étrangères, est donc réduit à « un homme politique français connu pour ses sympathies pour le Kremlin ». On en déduit que pour Mme Vaissié tout homme politique honnête ne peut avoir que de l’antipathie pour le Kremlin.

Enfin, Jean-Pierre Chevènement est donc dans le même cas qu’Hubert Védrine, et Mme Vaissié traite son cas page 251 :

Ainsi, pour Mme Vaissié, l’ancien énarque, l’ancien attaché puis conseiller commercial au ministère de l’Économie et des Finances (1965-1973), l’ancien Dirigeant du Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste (CERES), l’ancien responsable de l’élaboration du programme du PS à la demande de François Mitterrand, l’ancien Ministre de la Recherche puis de l’Éducation Nationale puis de la Défense puis de l’Intérieur, l’Ancien Président de Parti, l’ancien Candidat à la Présidentielle n’aurait donc « aucune expérience des affaires économiques », et rien ne permettait de penser en 2012 que « ses connaissances sur la Russie et l’ex-Union soviétique dépassaient celles du Français moyen ».

Pourtant, deux Ministres des Affaires Étrangères successifs l’ont nommé comme représentant personnel pour la Russie, avec l’accord de deux Présidents de la République…

La raison de l’attitude de Mme Vaissié se comprend bien ici (page 251) :

Or, il n’y a que deux positions possibles pour un pays par rapport à l’indépendance du Kosovo : on la reconnait ou on ne la reconnait pas. C’est binaire. La France l’a reconnue, la Russie ne l’a pas reconnue – et elles n’ont pas été les seules :

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Indépendance_du_Kosovo

On constate que la position majoritaire sur la planète (pondérée par la population des pays) est de ne pas reconnaitre l’Indépendance du Kosovo – qui pose de gros problèmes en termes de Droit International. La même logique pousserait par exemple à reconnaitre celle de la Catalogne par exemple, raison pour laquelle l’Espagne n’a pas reconnu celle du Kosovo.

Sur ce sujet du Kosovo, Jean-Pierre Chevènement a donc défendu une position contraire à celle du Quai d’Orsay, mais qui était la position majoritaire mondiale, et cette position était soutenue en France par de nombreux spécialistes du droit International. Il a ainsi simplement émis une opinion politique d’opposition. Cela pourrait en rester là.

Mais cela devient pour Mme Vaissié un alignement « avec les positions des idéologues russes » – ce qui est factuellement vrai. Mais il y a corrélation, et non pas causalité – problème classique en science. Jean-Pierre Chevènement est donc aussi aligné sur la position des gouvernements espagnol, chinois, indien, brésilien, sud-africain, argentin, etc. Et on peut raisonnablement penser qu’il n’est pas membre de « réseaux d’influence » de ces pays-là…

Comme l’a écrit le grand psychologue américain Abraham Maslow en 1966 dans son livre The Psychology of Science « Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou ».

Cet exemple final illustre bien « la méthode Vaissié » : focaliser toute une analyse en fonction de la position russe. Ce biais méthodologique ne peut donc qu’induire des conclusions faussées.

Source : les-crises.fr, Olivier Berruyer, 13-03-2019

 

via » Extraits du livre 
« Les Réseaux du Kremlin » 
de Cécile Vaissié. Par Olivier Berruyer

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Un commentaire

  • fantaisiste334

    Il est important,en droit comme en histoire du reste,de bien distinguer l’information vérifiée et sourcée de la diffamation.Ce devrait être la base de tout chercheur qui se respecte.Or,dans le cas présent (à savoir une « enquête » sur les « réseaux du Kremlin »),à l’évidence,la confusion entre travail d’enquête et diffamation s’est révélée fatale à l’auteure dûment condamnée par la justice.Le travail intellectuel (quelque soit la discipline)ne peut pas être fantaisiste:il obéit à des règles strictes et interdit la copie servile des erreurs,contre-vérités et autres racontars de café du commerce.

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