Les quatre cavaliers de l’apocalypse au grand galop
Par Craig Murray
Paru sur craigmurray.org.uk sous le titre The Four Horsemen Gallop By
L‘assaut des médias a dépassé l’attaque de Salisbury par une « arme de destruction massive » (pour citer Theresa May) qui ne pouvait être que russe, sauf que c’était faux, et qui était extrêmement mortelle, sauf que c’était faux aussi. Il se concentre désormais sur une attaque par armes chimiques à Douma « qui ne peut provenir que » du régime Assad soutenu par la Russie, sauf qu’il n’y a aucune preuve de cela non plus, et que les enquêtes neutres sur les événements de Douma sont inexistantes. La combinaison des deux événements est censée échauffer le nationalisme de la population britannique, et de fait, Tony Blair et un assortiment de Tories se sont échauffé les esprits au point de vouloir attaquer la Syrie et de potentiellement entrer en conflit avec la Russie en Syrie.
L’attaque « russe » à Salisbury est censée réfuter l’argument selon lequel la Syrie n’est « pas notre guerre », particulièrement parce qu’un policier britannique ne s’est pas senti dans son assiette pendant quelques jours. Quelle fiction comptent-ils employer pour réfuter l’argument, « pourquoi diable entrons-nous dans un conflit armé avec une puissance nucléaire », je n’en sais rien.
L’Arabie Saoudite a naturellement offert des structures propres à soutenir le Royaume-Uni, les USA et la France dans leur tentative de retourner la situation syrienne à l’avantage des djihadistes soutenus par les Saoudiens qu’Assad est près d’éradiquer. Que les incidents de Salisbury et de Douma aient été précédés d’une intense activité diplomatique entre l’Arabie Saoudite, Washington, Paris et Londres cette année, avec de multiples visites de haut niveau entre les capitales, est supposément censé être une coïncidence.
Je ne suis pas plus fan d’Assad que je ne l’étais de Saddam Hussein. Mais le public comprend aujourd’hui que les guerres de changement de régime dans les pays musulmans ont des effets désastreux en morts, et en adultes et enfants mutilés et en infrastructures détruites ; nos attaques déclenchent d’énormes vagues de réfugiés et causent des attaques terroristes sur notre sol. Il n’y a aucun autre but à une attaque militaire en Syrie que de tenter d’aider les djihadistes à renverser Assad. Il y a un mépris total envers les faits censés fournir des prétextes à tout cela. En réalité, plus les faits sont analysés, moins les versions officielles tiennent debout. En définitive, il y a une différence phénoménale entre les versions des médias grand public sur ces événements et un public de plus en plus profondément sceptique, comme on peut le voir sur les réseaux sociaux et la section des commentaires des sites des médias grand public.
L’idée d’une participation du Royaume-Uni [et de la France, NdT] à une action militaire contre la Syrie, sans enquête préalable ou vote du parlement est très inquiétante. Sans autorisation du Conseil de sécurité, toute action de ce type est illégale, de toutes façons. Il est à noter que de nombreux commentateurs qui tentent de dépeindre le veto de la Russie comme sans valeur omettent de signaler que la semaine dernière, dans deux votes séparés à 14 contre 1, les USA ont opposé leur veto à des résolutions condamnant les massacres israéliens de manifestants désarmés à Gaza.
La leçon apprise par les néocons sur la Guerre d’Irak n’est pas qu’elle s’est avérée désastreuse. Elle n’a été désastreuse que pour les Irakiens morts ou mutilés, pour nos soldats morts ou mutilés, et pour ceux dont le pays a été ramené au moyen-âge. Elle a été une réussite totale pour les néocons, qui ont gagné des sommes pharamineuses avec les armes et le pétrole. La leçon apprise par les néocons a été de ne pas donner le temps au public occidental de monter et d’organiser une opposition. D’où le fait que la destruction de la Libye ait été présentée comme immédiatement nécessaire, avec une fausse affirmations affolée selon laquelle « nous avons 48 heures pour empêcher le massacre de la population de Benghazi ». De la même façon, la dernière crise montée de toutes pièces est suivie de menaces d’actions militaires à vitesse effrénée, alors que les quatre cavaliers, dans leur cavalcade sauvage, fauchent la raison et la justice sur leur passage.
Craig Murray, un proche collaborateur de Wikileaks, est historien et activiste des droits de l’homme. Il a été ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan.
Traduction Entelekheia
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