Les suites de l’affaire Benalla, par Jacques Sapir

Par Jacques Sapir
Paru sur la page Facebook de l’auteur


Vers la démission de Gérard Collomb et de Patrick Strzoda?

On a appris le vendredi 20 juillet au matin que M. Alexandre Benalla avait été placé en garde à vue et qu’une procédure de licenciement avait été entreprise par l’Elysée. Ces mesures s’imposaient d’urgence. Mais, elles n’éteindront pas le scandale. Par ailleurs, des mesures ont été prises contre des fonctionnaires de police, qui ont été suspendus. Il s’agit donc d’un contrôleur général à la Préfecture de police, d’un commissaire présent place de la Contrescarpe, mais qui n’aurait pas eu la responsabilité d’Alexandre Benalla, ainsi que d’un commandant chargé des relations avec l’Élysée. Ces deux derniers sont soupçonnés d’avoir respectivement copié puis transmis une vidéo des incidents de la Contrescarpe à Alexandre Benalla[1]. Ces mesures sont les premières conséquences de la décision du Ministre de l’Intérieur de saisir l’IGPN. Mais, elles sont insuffisantes.

Le Ministre de l’intérieur en cause

En effet, il semble désormais acquis que le ministère de l’intérieur avait été informé, dès le mois de mai, des agissements de Monsieur Benalla. Or, la justice n’a pas été saisie à ce moment. En fait, il a fallu attendre le 19 juillet pour que, devant le scandale, on se décide à agir au ministère de l’intérieur. Cela prouve la force du culte du secret, mais surtout la collusion du Ministre ou de son Cabinet avec la cellule de l’Elysée en charge de la gestion de Benalla. Rappelons que la non dénonciation de délit de la part d’un fonctionnaire dépositaire de l’autorité publique, constitue un délit couvert par l’Article 40 Du CP.

Il y a une dimension politique dans cette affaire. Elle se traduira par l’audition de M. Collomb, le Ministre, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale constituée en Commission d’Enquête. Mais, à terme, il est évident que le Ministre a failli. Au-delà de toutes les mesures pénales qui pourront être prise, sa démission désormais s’impose. Il a tenté de garder secret cette affaire de puis le mois de mai, et il s’est donc rendu coupable du délit de non-dénonciation ou de complicité de non-dénonciation. C’est pourquoi il ne peut rester à son poste.

La question de la responsabilité du Cabinet du Président

Sa démission ne clôturerait pas l’affaire Benalla-Crase. Les informations révélées depuis deux jours montrent que s’est constituée à l’Elysée une cellule doublant les autorités officielles en matière de sécurité du Président. Car, la fonction réelle de M. Benalla était bien d’être un « garde du corps », alors que ce rôle est normalement dévolu à des policiers et des gendarmes. Le caractère anormal de cette situation est souligné par le fait que le Directeur de Cabinet de l’Elysée était parfaitement au courant de cela, ainsi que des agissements pour lesquels M. Benalla est aujourd’hui mis en examen. Si l’on ne veut pas qu’en France renaisse la suspicion des « polices parallèles » et autres groupes armés dépendant directement du pouvoir et ce au plus haut niveau, il importe donc que la lumière soit faite et que les abus commis soient réparés. Et, cela implique aussi la démission du Directeur de Cabinet, Monsieur Patrick Strzoda, ancien préfet, ancien directeur de cabinet de M. Bernard Cazeneuve.

Tout cela écorne durablement la prétention à l’exemplarité d’Emmanuel Macron. Ce dernier se révèle un homme du passé, mais un homme qui ne maîtrise même pas les codes et les règles du passé. Cela jette aussi un doute sur les pratiques réelles de l’Elysée, en particulier quant à la gestion des violences survenues lors de la manifestation du 1er mai. La défense très faible, et parfois contradictoire, de la Présidence de la République indique bien que ce scandale touche au plus profond des pratiques de cette Présidence. Il éclaire la permanence dans les allées du pouvoir de pratiques et de comportements dont les Français ne veulent plus depuis des années.

[1] http://www.europe1.fr/faits-divers/information-europe-1-affaire-benalla-trois-policiers-dont-deux-commissaires-suspendus-pour-avoir-duplique-une-video-interne-3715196

via Les suites de l’affaire Benalla, par Jacques Sapir

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