Les vaccins, ça ne rapporte rien aux laboratoires ?

[L’auteur de cet article] est titulaire d’un master en informatique (Université Pierre et Marie Curie Paris 2005) et a également été formé en mathématiques dans le même établissement. Après avoir évolué avec talent en tant que consultant dans ce domaine auprès de nombreux clients très prestigieux, ses centres d’intérêts se sont fixés autour des problématiques de santé et de nutrition. Mais la vie des finances l’intéresse aussi considérablement, ce qui nous vaut une revue de détails de quelques bilans assez… Instructifs. Bonne lecture.

Il s’agit là d’un argument que l’on entend très souvent, argument assez surprenant car défiant toute logique économique dans un système capitaliste libéral, en effet par le simple jeu du « marché » les ressources sont sensées être allouées aux investissements les plus rentables, les investissements « peu » ou « pas » rentables étant appelés à disparaître par le jeu de la concurrence.

Or depuis le temps que le développement vaccinal existe et à la vue de son développement fulgurant récent, celui-ci aurait du logiquement disparaître. Chacun s’intéressant un peu au sujet peut constater que ce n’est pas le cas car ce secteur est en pleine expansion. Le rapport annuel 2017 de Sanofi nous en fournit un témoignage direct :

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Notons à ce stade qu’outre la logique économique sous-jacente quelque peu « surprenante » (les porteurs de ce discours doivent sans doute penser que les laboratoires  pharmaceutiques sont de grandes organisations philanthropes – ce qui est malheureusement contradictoire avec l’histoire de l’économie moderne qui nous montre que dans les années 80, ce sont les financiers cherchant une rentabilité à court terme élevée qui ont pris le pouvoir dans un grand nombre de secteurs économiques – l’industrie pharmaceutique n’y a pas échappé), ce discours sur la supposée faible rentabilité du secteur vaccinal n’est en général appuyé par aucune donnée chiffrée fiable fournie par ses promoteurs.

Dans le présent article, nous allons nous intéresser aux faits facilement vérifiables car basés sur les informations publiques fournies par les entreprises concernées à leurs propres investisseurs. Nous porterons un intérêt particulier aux leaders du secteur, à savoir Sanofi et GlaxoSmithKline (GSK) qui sont les principaux fournisseurs de vaccins disponibles en France.

Pour le cas de notre « champion national », nous présenterons des données détaillées. Pour GSK nous nous contenterons des tableaux de synthèse.

Comme toutes les entreprises cotées en bourse, ces entreprises ont l’obligation légale de publier leurs comptes tous les trimestres, et de publier un document de référence une fois par an (avec des comptes établis selon les normes comptables internationales en vigueur) mis à la disposition du public avant l’assemblée générale des actionnaires.

 

Sanofi

Sanofi (1) c’est quoi ? Une entreprise au chiffre d’affaires tout à fait honorable (le lecteur néophyte doit voir le « chiffre d’affaires » comme étant un indicateur du volume d’activité, pas de profit). 35 milliards d’euros, c’est pas mal !

Comment se répartit ce chiffre d’affaires parmi les différentes activités ? Ce document nous donne la réponse : Une explication s’impose.

  • La partie « pharmacie » concerne les médicaments thérapeutiques (dans les domaines des maladies rares, sclérose en plaque, immunologie, oncologie, diabète…) dont la plupart sont récents car toujours brevetés et soumis au droit de la propriété intellectuelle.
  • L’activité « vaccins » produit « plus d’un milliard de doses chaque année et permet d’immuniser plus de 500 millions de personnes ». Les principaux vaccins concernés sont les vaccins pédiatriques, celui contre la grippe, méningite, pneumonie, et évidemment les « vaccins du voyageur » (hépatite A, fièvre jaune, rage…).
  • L’activité « santé grand public » concerne principalement des médicaments dits de « confort » touchant des maladies très bénignes, disponibles en France principalement sans ordonnance. Les domaines concernés sont « Allergies, toux et rhume », anti douleurs (dont le célèbre doliprane), « santé digestive » et « compléments alimentaires » divers.

Nous vous offrons en bonus la vision du chiffre d’affaire annuel par type de vaccin.

Plus de 11 % de croissance de l’activité sur un an. C’est très honorable.

Intéressons nous maintenant à la fameuse rentabilité (le profit).

Comme toute entreprise sérieuse, et conformément aux dispositions légales, Sanofi nous fournit des  données financières par secteur d’activités.

Non vous ne rêvez pas. Toutes les activités offrent un taux de marge opérationnelle supérieur à 30 % ! L’activité vaccins étant quasiment aussi rentables que l’activité « pharmacie » avec plus de 35% de marge opérationnelle.

L’activité « santé grand public » est la moins rentable, ce qui n’est pas surprenant, ce marché étant plus concurrentiel car formé par des molécules disponibles depuis longtemps et accessibles sous forme de génériques.

A la page suivante, un tableau est très intéressant.

On peut voir que pour l’activité « vaccins », les dépenses en R&D ne représentent que 10,9 % du chiffre d’affaires généré.

GlaxoSmithKline

Chez GSK, le découpage en secteur d’activités est le même.

12 % de croissance de chiffre d’affaires de l’activité vaccins. Meilleur score parmi les 3 entités.

La santé grand public se traîne lamentablement à 17,7 % de marge opérationnelle, quand la pharmacie et les vaccins sont à plus de 30 % !

Le marché des vaccins est un gros gâteau, donc la quasi totalité est partagée entre 4 fabricants à parts à peu près équivalentes (entre 20 % et 23 % chacun) : GSK, Sanofi, Merck et Pfizer.

Ces deux derniers sont en fait les plus importants en terme de chiffre d’affaires. Ces sociétés étant cotées en bourse sur les marchés américains, les données financières sont fournies au format idoine, et comportent un peu moins de détails que celles présentées précédemment (on a pas les niveaux de rentabilité par ligne de produits), mais nous avons au moins accès aux chiffres d’affaires. (3)

Pour « Merck & Co., Inc. » :

Pfizer

Pour Pfizer c’est encore plus spectaculaire (4)

Cette société fait la quasi totalité du chiffre d’affaires de sa branche vaccinale avec un seul produit !

Et le futur ?

Il semble qu’il y ait peu d’études prospectives rapidement disponibles publiquement, mais l’OMS en avait publié une il y a quelques années. (5)

En substance nous en tirons les informations suivantes :

  • Forte croissance (le marché est passé de 5 milliards de $ en 2000 à 24 milliards de $ en 2013
  • Objectif de 100 milliards de $ en 2025
  • 120 nouveaux produits en cours de développement

Ainsi on voit que le secteur vaccinal est devenu clairement un moteur pour l’industrie pharmaceutique.

J’invite le lecteur à parcourir la présentation de l’OMS fournie. Elle montre clairement l’étendue de la stratégie de développement commercial de ce marché.

Conclusion

Les vaccins, ça génère beaucoup de chiffres d’affaires et cela semble être une activité très rentable!

 

Sources

(1) https://www.sanofi.com/media/Project/One-Sanofi-Web/sanofi-com/fr/investisseurs/docs/Document_de_reference_2017.pdf
(2) https://www.gsk.com/media/4751/annual-report.pdf
(3) http://s21.q4cdn.com/488056881/files/doc_financials/2017/2017-Form-10-K_FINAL-wo-Exhibits_Filed-022718.pdf
(4) https://s21.q4cdn.com/317678438/files/doc_financials/Annual/2017/Financial-Report-2017.pdf
(5) http://www.who.int/influenza_vaccines_plan/resources/session_10_kaddar.pdf

via Les vaccins, ça ne rapporte rien aux laboratoires ? – AIMSIB


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