Mathieu Bock-Côté : « Ce que révèle la pudeur médiatique autour du scandale des viols collectifs de Telford »

TRIBUNE – Pour notre chroniqueur québécois, le silence qui a entouré le scandale de Telford, ville britannique où des centaines de jeunes filles ont été violées en quarante ans par des gangs indo-pakistanais, est révélateur du double standard de l’indignation.

Les révélations du Sunday Mirror à propos du système d’exploitation sexuelle de Telford au Royaume-Uni avaient de quoi semer l’effroi. Mais l’effroi s’est doublé d’indignation quand on a pu constater que les grands médias, qui depuis quelques mois, dans les suites du mouvement #MeToo, militent pour une extension inédite du domaine de l’agression sexuelle, ont montré bien peu d’intérêt à l’endroit de cette histoire, comme si elle n’était rien d’autre qu’un fait divers sordide. Alors que le moindre soupçon de harcèlement pouvait faire la une des grands quotidiens, la mise en esclavage sur plusieurs décennies de près de mille jeunes femmes (selon l’enquête du Sunday Mirror), principalement issues de la classe ouvrière blanche, par des gangs indo-pakistanais fait bien peu de bruit. On traite la nouvelle en mode mineur. La misère de ces jeunes femmes ne semble pas émouvoir beaucoup les professionnels habituels de l’indignation, comme s’en est étonné Claude Askolovitch qui remarquait sur France Inter l’autocensure de la presse française autour de cette affaire.

(…) Péguy disait que la peur de ne pas avoir l’air assez avancé était à l’origine de bien des lâchetés. On pourrait en dire de même aujourd’hui de la peur d’avoir l’air raciste. Les autorités de Telford, qu’il s’agisse des services de police ou des services de protection de la jeunesse, ont fermé les yeux pendant des années pour éviter d’avoir l’air raciste. Il faut dire qu’au fil des ans les associations antiracistes ont créé un environnement médiatique toxique en associant la critique des problèmes d’intégration propres à certaines communautés au racisme.

Mais le problème est plus vaste et renvoie à la difficulté du système médiatique de mettre en scène la désagrégation du vivre-ensemble diversitaire et à penser la déstructuration entraînée par l’immigration massive. Trop souvent, les grands médias se croient obligés de pratiquer une pédagogie diversitaire pour délivrer les populations occidentales de leurs préjugés. Ce qui pourrait et devrait être pensé comme une implosion du corps social soumis à une trop forte hétérogénéité culturelle est dispersé en milliers de faits divers auxquels on refuse de prêter une signification politique. Pour éviter de faire le jeu du populisme, on aseptise la description du réel quitte à la falsifier sans même s’en rendre compte. Un sentiment d’irréalité accompagne ce qu’on pourrait appeler la description officielle de la société.(…)

Contrairement à ce qu’on peut entendre, ce n’est pas lorsqu’un scandale comme celui de Telford éclate qu’un sentiment anti-immigration peut surgir mais lorsque le commun des mortels comprend qu’on a voulu lui cacher la vérité. Chacun sait très bien qu’on ne saurait faire d’amalgame entre un gang criminel ethnique et l’ensemble d’une communauté immigrée. Le bon sens populaire n’est pas animé par la logique du bouc émissaire, quoi qu’on en dise, et sait faire les distinctions élémentaires. Mais lorsque les institutions trahissent leur peuple, comme c’est arrivé à Telford, elles suscitent un désir de révolte. Et personne n’aime sentir qu’il est victime d’une manipulation collective opérée pour étouffer des vérités qui dérangent. C’est cette tentative éventée de manipulation qui réveille le populisme.

Le Figaro

via Mathieu Bock-Côté : « Ce que révèle la pudeur médiatique autour du scandale des viols collectifs de Telford » – Fdesouche

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via la revue de presse du 25.03 au 31.03.18 du Collectif Lieux Communs

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