Tampons hygiéniques : choc toxique ou dioxine ?

On en parle peu et pourtant le syndrome du choc toxique (SCT), discrètement mentionné sur les emballages des paquets de tampons hygiéniques que personne ne lit, est une infection pouvant être mortelle ou conduire à des amputations. C’est ce que rappelle l’enquête Tampon, notre ennemi intime, diffusé le mardi 25 avril sur France 5, disponible en replay jusqu’au 1er mai, et donc le visionnage est essentiel.

Le film réalisé par Audrey Gloaguen frappe un grand coup en s’ouvrant sur les témoignages de deux jeunes femmes victimes du syndrome du choc toxique. Margaux, 23 ans, infirmière, et Justine, 26 ans, psychanalyste, ont toutes deux frôlé la mort à cause d’”un objet si intime qu’on chuchote à peine son nom : un tampon“. Car le tabou entourant les menstruations entraîne un cruel manque d’information concernant les tampons. Pourtant, les femmes en utiliseraient en moyenne 11 000 dans leurs vies.

Un objet de régression ?

20 à 30% des femmes sont porteuses d’un staphylocoque doré. Bien souvent, cette bactérie n’est pas repérée par la personne touchée car ses anticorps la combattent immédiatement. Or, le microbiologiste Gérard Lina, spécialiste du tampon, explique au Monde qu’en bloquant le fluide menstruel et en le maintenant “au chaud”, le tampon crée “un milieu de culture formidable” : “S’il y a cette fameuse bactérie, elle va se mettre à produire une toxine (TSST-1) qui va passer dans le sang.” Plus le tampon sera absorbant et plus il sera porté longtemps, plus le risque de SCT sera élevé.

Egalement interviewé dans le documentaire, Gérard Lina indique le nombre de cas de SCT n’a cessé d’augmenter ces dernières années: Aucun en 1990, cinq en 2004, 19 en 2011 puis 22 enregistrés en 2014. Un phénomène qui pourrait être du, selon lui, à l’évolution de la flore vaginale, à l’utilisation accrue de tampons ou encore à la nature de leurs composants.

Dès lors, l’enquête a pour objectif de faire en sorte que cet “objet d’émancipation ne devienne pas un objet de régression“. Témoignages, interviews de spécialistes, de lanceurs d’alertes, études et analyses internationales visent à dénoncer l’opacité entourant la fabrication et l’utilisation du tampon, qui pourrait bien se révéler beaucoup plus dangereux qu’on ne le pense.

“Une poubelle chimique”

Car, outre le risque d’entraîner un SCT, le tampon serait une “poubelle chimique“. La composition de ces produits d’hygiène intime n’est pas clairement communiquée par les fabricants. Audrey Gloaguen a donc fait tester elle-même les six marques les plus utilisées par les femmes. Bilan : toutes sont bourrées de composants chimiques, à tel point qu‘”il nous est impossible d’en faire l’inventaire” assure la réalisatrice. Interrogé, le chimiste Bernard Tailliez en a trouvé entre vingt et trente.

En février 2016, une étude du magazine 60 Millions de consommateurs relevait déjà la présence de substances toxiques dans les tampons et protections féminines. Les trois types de tampons alors analysés contenaient tous des résidus toxiques comme des dioxines et des dérivés halogénés. Or, note France Info en citant l’OMS, les dioxines sont des composés chimiques dérivés de processus industriels faisant partie des perturbateurs endocriniens et pouvant donc provoquer des problèmes de procréation, de troubles du développement, causer des cancers, endommager le système immunitaire. Quant aux “dérivés hallogénés“, leur toxicité n’a pas encore été évaluée, mais “leur présence reste indésirable” rappelle 60 millions de consommateurs.

Dans le documentaire, le toxicologue belge Dominique Lison estime pour sa part que les dioxines pourraient être responsables de l’endométriose, une pathologie douloureuse pouvant déboucher sur l’infertilité. Ont également été repérés dans certains tampons des traces de DEHP, un cancérigène interdit en Europe dans les jouets et les cosmétiques, ainsi que du glyphosate, un désherbant.

Les tampons ne sont pas considérés comme des “médicaments” 

Comme le souligne Libération, qui consacre un long article au sujet, pour mettre un terme au bad buzz, le leader du marché Tampax avait annoncé en janvier qu’il donnerait la composition de ses produits au printemps. Or, d’après le quotidien, la marque ne va faire qu’afficher sur l’emballage les informations très floues déjà inscrites dans la notice : “Sur le Tampax Compak Active Fresh régulier, par exemple, sera écrit : rayonne, polyester, coton, parfum.”

Parce que les règles constituent un phénomène physiologique dit “normal”, les tampons ne sont pas considérés au même titre que les médicaments. Les marques ne sont donc pas dans l’obligation de donner leur composition exhaustive.

Malgré tout, en août 2016, c’est au tour du secrétariat d’Etat à la consommation de lancer des tests sur plusieurs marques de tampons. Là aussi, même conclusion : ces protections hygiéniques contiennent dioxines et substances potentiellement cancérigènes. L’Agence nationale de sécurité sanitaire doit désormais en évaluer les risques. Les résultats sont attendus d’ici l’été.

Pour aller plus loin : l’interview de la réalisatrice dans l’émission “Les Maternelles” le 24 avril.

via Les Inrocks – A voir en replay : l’enquête-choc sur les tampons hygiéniques

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